De viande crue et d’os... Le Barf, nouveau régime à la mode de nos amies les bêtes
FINI LES CROQUETTES•Le Barf, régime alimentaire composé de viande crue et d’os, convainc de plus en plus de propriétaires d’animaux de compagnie, qui abandonnent croquettes et autres pâtées du commerce…Anissa Boumediene
L'essentiel
- De plus en plus de propriétaires de chats et de chiens abandonnent croquettes et pâtées du commerce pour nourrir autrement leurs animaux.
- Considérant que ces aliments ultratransformés ne sont pas les options les plus adaptées pour la santé et le bien-être de leur animal, ils préparent eux-mêmes la nourriture de leurs fidèles compagnons.
- Pour certains, l’alimentation la plus adaptée, c’est le Barf, un régime spécial composé principalement de différents morceaux de viande crue.
Alimentation sèche ou humide, croquettes ou pâtée : dans les rayons alimentation des animaux au supermarché, l’offre est vaste, mais les gammes restent composées de produits industriels. Et des propriétaires soucieux de la qualité nutritionnelle de ce que mangent leurs animaux ne font plus confiance à ces produits du commerce. Pour certains propriétaires de chats et chiens, les aliments proposés par leur vétérinaire sont un gage de confiance. Pour d’autres, prêts à se retrousser les manches pour les petits membres à poils de leur famille, le mieux, c’est de passer leur animal de compagnie au régime Barf. Pas besoin de cuisson et de longue préparation, puisqu’il s’agit de donner à son animal de la viande crue. A l’occasion ce jeudi de la sortie de l’ouvrage Je nourris mon chat naturellement * (éd. Thierry Souccar), 20 Minutes s’intéresse à cette diète animalière en vogue.
Le Barf : viande crue et proie reconstituée
« Barf, c’est l’acronyme de "Biologically Appropriate Raw Food", soit en français : nourriture crue biologiquement appropriée », explique dans son ouvrage l’éleveuse Margitta Graeve, auteure de Je nourris mon chat naturellement. Ici, la nourriture ne sort pas toute prête d’une boîte de conserve ou d’un sac, « elle est préparée à partir d’aliments frais et crus », poursuit-elle, rappelant que jadis, « les chats domestiques mangeaient d’abord les proies qu’ils attrapaient eux-mêmes ». Pour les adeptes du Barf, « cela correspond à l’interprétation d’un mode d’alimentation animale qui se veut être un retour "au naturel", sans aliments industriels et basé sur la viande crue, les os et les abats, dans l’idée qu’un chat n’a jamais fait cuire une souris qu’il avait chassée », explique le Dr Géraldine Blanchard, vétérinaire spécialiste en nutrition animale et fondatrice du site de conseil en nutrition Cuisine à crocs.
Un régime spécifique qui séduit de plus en plus de propriétaires d’animaux. Comme Emilie, qui nourrit ses chats au Barf depuis quatre mois. « Je prépare leur gamelle chaque jour, avec du filet, des os charnus, du foie et des abats, le tout cru. Parfois, j’ajoute un œuf, décrit la jeune femme. Mon vétérinaire a validé ce menu, le jugeant équilibré et couvrant les besoins nutritionnels de mes chats ». Estelle, 30 ans, est l’heureuse maîtresse de deux petits griffons bruxellois de 1 et 3 ans, Nana et Lulu. Depuis près d’un an, « mes chiennes ne mangent que des aliments crus, un régime basé sur le "Prey Model", qui consiste à donner des proies entières ou bien préparer la gamelle de façon à reconstituer une proie ». Pour cela, Estelle prépare minutieusement les repas de ses chiennes : « Cela demande de l’organisation et l’achat d’un congélateur. Je prépare une quarantaine de rations toutes les 3 semaines, et c’est un vrai plaisir ! » Et la composition d’une gamelle est très précise : « 62 grammes de viande, 62 grammes d’os charnus, 22 grammes de poisson pour les oméga, 7 grammes de foie et 7 grammes d’abats », détaille Estelle, qui prépare également à ses deux animaux « du bouillon d’os et des mixés de légumes crus ». Heureuse de gâter ses bêtes, la jeune femme ne s’arrête pas là. « Quand j’en trouve, je donne des cailles et des rongeurs entiers, avec les poils et les plumes. » Pour le Dr Blanchard, il n’y a pas de doute, « les maîtres calculent les rations au gramme près parce qu’ils sont très dévoués à leurs animaux ».
Le Barf, une alimentation meilleure pour la santé des animaux de compagnie ?
Mais pourquoi passer à cette diète crue pour son animal quand des produits spécifiques sont disponibles dans le commerce ? « Pour rester en bonne santé, avoir un beau pelage et développer une solide constitution musculaire, l’animal a besoin de nutriments d’excellente qualité : des protéines faciles à digérer, des acides gras essentiels et des vitamines et des minéraux naturels correctement combinés, expose Margitta Graeve. Or les aliments tout prêts sont de piètre qualité, se composent de céréales, de fibres ou encore d’additifs, qui ne correspondent pas à la nourriture naturelle, d’où l’apparition d’intolérances et d’allergies (…) et de maladies inflammatoires de l’intestin, qui peuvent raccourcir la durée de vie » de l’animal. Ainsi, pour Emilie, « c’était devenu impossible de continuer à donner à mes chats une alimentation industrielle, trop riche en glucides et à mon sens nocive pour des animaux naturellement carnivores, et bourrée d’additifs chimiques. C’est comme si nous mangions tous les jours des plats industriels, et toujours les mêmes ! »
Estelle, elle, a tiré les enseignements du passé. « J’ai eu des chiens toute ma vie, ils étaient des membres à part entière de la famille, raconte Estelle, donc c’est très dur quand on les perd. Et on s’interroge sur l’impact de leur alimentation sur leur santé : à la maison, nous étions très investis dans le bien-être de nos chiens, nourris avec des croquettes achetées chez le vétérinaire, que nous consultions au moindre problème. Malgré tout, les deux chiennes de la famille sont mortes de problèmes de reins, de foie, de pancréas, puis de cancer ». Alors, quand la jeune femme décide d’avoir sa première chienne à elle, elle se renseigne, estime « qu’une nourriture sèche ne peut pas être bonne » et opte pour « des pâtées naturelles avec de la vraie viande. Ça se passait plutôt bien mais, en grandissant, Lula a commencé à avoir des allergies environnementales, et elle boudait souvent sa gamelle car les médicaments entraînaient problèmes intestinaux et fatigue ».
Des précautions à prendre
D’ailleurs, Estelle l’a bien observé, « depuis ce changement d’alimentation, plus aucune gamelle n’est boudée ! Mes filles se régalent comme jamais, elles sont plus belles, avec des formes harmonieuses, des muscles et du gras où il faut. Elles ont aussi un pelage beaucoup plus brillant et dense, et des dents ultrablanches ! Et Lula, la plus fragile, n’a plus d’allergies, elle a pu passer l’été à nager à la rivière et se rouler dans l’herbe, se réjouit la jeune femme, alors qu’avant, chaque sortie à la campagne lui déclenchait de violentes allergies », se souvient-elle. Souvent, les maîtres passent au Barf « parce que leur animal avait un problème de santé antérieur, d’allergies dermatologiques ou de surpoids », constate le Dr Blanchard.
Mais les vétérinaires ne sont pas tous confiants s’agissant du Barf. « Beaucoup déconseillent de nourrir son animal de cette façon parce qu’ils n’y sont pas formés », estime Amandine, qui depuis cinq ans prépare pour son chien des rations de Barf à base de viande, d’os, d’abats, de fruits et légumes mixés, d’huile et de compléments alimentaires.
C’est vrai, « peu de vétérinaires sont formés en nutrition animale, ils ne savent pas conseiller les maîtres sur le Barf, reconnaît le Dr Blanchard. Mais si on se lance, il est important de faire valider ces rations crues par un spécialiste en nutrition animale ». Pourquoi ? « Souvent, les problèmes de santé d’un animal s’améliorent après le passage au Barf, mais cela ne signifie pas que cela n’en génère pas d’autres, comme des déséquilibres alimentaires, avertit la vétérinaire. Le calcul des justes doses d’aliments ne se fait pas au hasard : donner trop d’os peut entraîner une constipation et une moins bonne absorption d’oligo-éléments essentiels. Et oublier de donner des acides gras essentiels ou donner des portions trop faibles peut rendre l’animal trop maigre ». Et ce n’est pas la seule raison. « Donner de la viande crue dont on ignore le statut bactériologique comporte des risques, notamment quand on achète les viandes les moins chères, répond la vétérinaire. La viande peut contenir des bactéries. Cela va de la salmonellose si on donne à son animal de la volaille crue (les viscères peuvent contaminer la viande) à la tuberculose si on lui donne du gibier. L’animal peut être malade ou n’être que porteur sain, et transmettre ces pathogènes à l’homme, donc à ses maîtres et aux enfants de la maison, plus fragiles ». Pour éviter les risques, quelques précautions sont à prendre : « Faire cuire un minimum la viande, en la pochant dans un bouillon jusqu’à atteindre 70 degrés à cœur pendant 3 minutes, prescrit la spécialiste en nutrition animale. Cela tue toutes les bactéries sans dégrader les qualités nutritionnelles de la viande ». Et si on est un barfeur convaincu, « il est recommandé de faire suivre régulièrement son animal et de lui faire passer un bilan complet chez son vétérinaire une fois par an, pour vérifier au moins notamment la bonne santé de ses reins et de son foie ».
* Je nourris mon chat naturellement, Le guide du Barf, Comment préparer la gamelle idéale pour un chat en bonne santé, éditions Thierry Souccar, en librairie le 24 janvier, 12,90 euros.