Biodiversité en Nouvelle-Aquitaine: «La grenouille des Pyrénées est aussi importante que l'ours blanc»

NATURE L'association Cistude nature mène jusqu'en 2021 un programme scientifique sur les conséquences du réchauffement climatique sur la biodiversité en Nouvelle-Aquitaine...

Mickaël Bosredon
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L'association Cistude nature coordonne le programme Les sentinelles du climat sur le réchauffement climatique et la biodiversité en Nouvelle-Aquitaine.
L'association Cistude nature coordonne le programme Les sentinelles du climat sur le réchauffement climatique et la biodiversité en Nouvelle-Aquitaine. — Cistude nature
  • La Nouvelle-Aquitaine est l'une des régions de France où le réchauffement climatique risque d'être le plus fort.
  • Le programme Les sentinelles du climat va analyser les effets de ce réchauffement sur une vingtaine d'espèces qui vont servir d'indicateurs.
  • Pour le vice-président du conseil régional Nicolas Thierry «il y a un angle mort sur la question du vivant.»

Le recul de la biodiversité est aussi local. C’est le message que veut faire passer l'association Cistude nature avec son programme « Les sentinelles du climat. » « Quand on parle de biodiversité, les exemples qui nous viennent en tête c’est l’ours polaire, qui est l’emblème de cette question depuis des années. Mais la biodiversité de notre région est aussi concernée » clame Gabrielle Sauret, médiatrice scientifique.

D’autant plus que, selon les conclusions du comité scientifique régional sur le changement climatique AcclimaTerra, la Nouvelle-Aquitaine est l’une des régions de France où le réchauffement risque d’être le plus fort.


« Je ne compte plus le nombre de fois où on sous-entend que ce n’est pas si grave que cela que des espèces disparaissent. Il y a un angle mort sur la question du vivant », estime pour sa part Nicolas Thierry, vice-président EELV « Environnement et biodiversité » du conseil régional d’Aquitaine, un des financeurs de ce programme.

« C’est un sujet relégué politiquement, alors qu’il ne s’agit pas d’une coquetterie d’écologistes : au rythme actuel de la disparition des pollinisateurs, un département comme le Lot-et-Garonne va perdre 20 % de sa production agricole ! Et on ne réagit pas… »

Les amphibiens et les reptiles devraient être les plus impactés

Le programme « Les sentinelles du climat » a été lancé en 2016, et court jusqu’en 2021. Doté de trois millions d’euros, il fédère plusieurs structures - experts naturalistes, laboratoires de recherche… - autour de la question des conséquences du réchauffement climatique sur la biodiversité. Les premières études menées dans ce domaine font déjà état d’une remontée des espèces méditerranéennes, d’une modification de la physiologie des organismes, ou encore d’une modification du comportement des espèces.


Mais les analyses sont incomplètes. « Les amphibiens et les reptiles ont été très peu étudiés, et c’est dommage car ce sont des animaux à mobilité réduite » qui devraient être les plus impactés par les variations climatiques locales. « Par ailleurs, il y a un manque de suivi sur le long terme. »

Quelque 250 « spots » seront passés au crible

Aussi, Cistude Nature a établi une liste d’une vingtaine d’espèces qui vont servir « d’indicateurs » - insectes, amphibiens, reptiles, micromammifères - réparties dans cinq milieux naturels de Nouvelle-Aquitaine : dunaire, humide, sec, forestier et montagnard. « Si ces indicateurs sont touchés, cela veut dire qu’il y aura des répercussions sur d’autres espèces », affirme Fanny Mallard, coordinatrice du programme Les Sentinelles du Climat. En tout, 250 « spots » non modifiés par l’homme seront passés au crible, grâce notamment à des stations météo disposées sur chacun d’eux. Toutes les données récoltées seront modélisées avec, entre autres, les différents scénarios proposés par le Giec.

Parmi les espèces étudiées, on trouvera par exemple la rainette ibérique, présente dans le triangle landais, et qui pourrait être menacée par la rainette méridionale qui profite de la hausse des températures pour coloniser de nouveaux territoires vers l’ouest.

La rainette ibérique qui vit dans le triangle landais pourrait être menacé par la rainette méridionale.
La rainette ibérique qui vit dans le triangle landais pourrait être menacé par la rainette méridionale. - Cistude nature

L'Azuré des Mouillères est, lui, un papillon qui a la particularité d’avoir besoin d’une fleur, la gentiane des marais, pour pondre. Or, à la faveur du réchauffement, on observe chez cette dernière un décalage de floraison. Comment le papillon va-t-il répondre à ce dérèglement ? C’est ce que vont étudier les scientifiques.

La grenouille des Pyrénées, une espèce endémique des Pyrénées menacée

La grenouille des Pyrénées est de son côté une espèce endémique des Pyrénées-Atlantiques. Elle a besoin de torrents frais et oxygénés pour survivre, alors que le réchauffement pourrait précisément réduire cette oxygénisation… Répertoriée en 1993 seulement, la voilà déjà menacée de disparition !

La rainette des Pyrénées est une espèce endémique des Pyrénées, qui a besoin de torrents frais et oxygénés pour survivre.
La rainette des Pyrénées est une espèce endémique des Pyrénées, qui a besoin de torrents frais et oxygénés pour survivre. - Cistude nature

« Cette espèce de grenouille qui ne vit que dans les Pyrénées, pour moi elle est aussi importante que l’ours blanc », glisse Christophe Coïc, directeur de Cistude nature. Et tout aussi fragile…