QUALITE DE L'AIRA Florange, le record de France d'une méchante concentration polluante

Moselle: A Florange, le record de France de la concentration polluante en benzo[a]pyrène dans l'air

QUALITE DE L'AIRDepuis bientôt dix ans, le taux de concentration en benzo[a]pyrène – un polluant cancérigène – dans l'air est mesuré au-dessus du seuil dans la vallée de la Fensch, dans le nord de la Moselle...
Bruno Poussard

Bruno Poussard

L'essentiel

  • La vallée de la Fensch, en Moselle, dispose d’un triste record en 2016 devant la vallée de l’Arve connue pour sa pollution en Haute-Savoie.
  • Ce coin de Lorraine marqué par son activité sidérurgique dispose de la plus forte concentration du pays en benzo[a]pyrène, une méchante particule.

En arrivant dans la vallée de la Fensch, difficile de rater les restes des hauts-fourneaux. Florange est connue bien au-delà de la Lorraine pour son activité sidérurgique et l’implantation d’ArcelorMittal. Les politiques s’y succèdent à chaque élection nationale. L’hiver, le brouillard campe parfois le matin dans l’industrielle vallée de Moselle. La pollution aussi.

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Médecin généraliste dans une rue du centre de Florange, le docteur Denis Rampazzo a fréquemment des problèmes respiratoires comme de l’asthme : « Après avoir déménagé à Veymerange [à quelques kilomètres au Nord mais en dehors de la vallée], une ancienne voisine m’avait dit que ses gamins ne toussaient plus. […] Sur les tableaux régionaux, on est souvent positifs à tous les polluants. »

Sans parler des substances déversées dans l'eau par un chauffeur de camion à l’été 2017, les habitants ont parfois le droit à d’étranges odeurs de benzène. Le bilan de la qualité de l'air en France en 2016 pointe aussi ce petit coin de Lorraine pour sa concentration en benzo[a]pyrène dans l’air, au-dessus de celle de la Vallée de l’Arve, haut lieu de la pollution atmosphérique en France.

Une moyenne bien au-delà du seuil défini, et pas qu’en 2016

Aussi cancérigène, ce méchant polluant de la famille des Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) provient de différentes sources, mais toutes de combustion : le trafic routier (et la motorisation diesel), le chauffage au bois ou l’industrie. Cette dernière serait d’abord en cause en Moselle. Emmanuel Jantzem, de l’Atmo Grand Est, précise :

« L’activité sidérurgique et plus précisément la cokerie représentent une forte proportion de l’émission de ce composé en particulier. Mais les autres sources [trafic et chauffage au bois] sont aussi présentes. Comme la vallée est encaissée, les conditions sont favorables à l’accumulation. » »

Avec une moyenne de 2,4 nanogrammes/m3 (et plusieurs pics bien au-delà), la vallée mosellane dispose même du triste record de France en 2016, au bien au-delà de la valeur cible (définie par une directive européenne) de 1 ng/m3. Une concentration sans réelle évolution depuis le début de la décennie, même si elle devrait « un peu descendre » en 2017 selon Emmanuel Jantzem.

En orange, les deux sites où un dépassement du seuil de benzo[a]pyrène dans l'air a été mesuré en 2016.
En orange, les deux sites où un dépassement du seuil de benzo[a]pyrène dans l'air a été mesuré en 2016. - Capture d'écran / Bilan de la qualité de l'air en France.

Le benzo [a] pyrène est seulement surveillé sur les grosses particules

Sur cette zone ciblée, l’observatoire régional de la qualité de l’air a mis en place depuis 2009 un procédé pour mesurer la concentration en benzo[a]pyrène, utilisé à partir de 2010 comme un traceur des HAP en France. Avec un préleveur allumé tous les trois jours pendant 24h au complexe de Bétange, au milieu de différents sites industriels.

Sur la route en arrivant dans la vallée de la Fensch.
Sur la route en arrivant dans la vallée de la Fensch. - B. Poussard / 20 Minutes.

Mais les mesures sont uniquement effectuées sur les PM10, particules les plus grosses, oubliant les particules ultrafines (où le benzo[a]pyrène – comme les autres HAP – est pourtant surtout présent). Voilà pourquoi cette pollution serait encore largement sous-estimée. Porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts en Lorraine, Guy Harau estime pourtant avoir du mal à aborder ce sujet :

« Avec sa configuration géographique, sa situation historique, ses logements vétustes à chauffer et le trafic, la vallée de la Fensch connaît des soucis de pollution. Mais c’est un peu compliqué d’en parler car ici, l’industrie est un bienfait [en termes d’emplois]. » »

De dangereuses concentrations dans l’air sans réelle évolution

Comme l’explique quant à lui le maire de Florange, ville impactée comme les autres de la vallée, le composé est pourtant évoqué lors du comité de suivi des engagements d’ArcelorMittal autour des phénomènes de pollution entraînés par l’industrie et divers rejets de substances. « Il y a parfois de la psychose avec ces sujets », insiste Rémi Dick.

« Des tests sont aussi réalisés par l’Etat et l’entreprise, à différents endroits de la vallée, dans toutes les écoles ou encore dans un cours d’eau. Mais d’après les analyses d’évaluation de ce risque, il est minime la plupart du temps. » »

Visant notamment une baisse du taux de benzène dans l’air depuis plusieurs années, le comité de suivi doit pourtant toujours faire face à des dépassements occasionnels. Sans parler de ceux de benzo[a]pyrène, subis toute l’année par les habitants, dont les vastes effets nocifs pour la santé (sans parler de l’environnement) sont désormais avérés, même si l'Agence régionale de santé n'a pas eu de remontée pour ce territoire.

A l'entrée d'un des sites industriels d'ArcelorMittal, du côté est de Florange.
A l'entrée d'un des sites industriels d'ArcelorMittal, du côté est de Florange. - B. Poussard / 20 Minutes.

Pour tenter de limiter les émissions de benzo[a]pyrène - « une priorité » - la direction d’ArcelorMittal fait savoir à 20 Minutes que quatre millions d’euros ont été investis, avant d’autres. Une trentaine de portes de fours de la cokerie (la moitié) ont été remplacées comme les cadres des portes, tandis qu’une régulation de la pression est testée. Pour quels effets ? Difficiles, pour l’heure, à mesurer.