Quand la couleur des oiseaux morts permet de retracer l’histoire de la pollution
SCIENCE Deux scientifiques américains viennent de publier les résultats complets de leur étude qui a consisté à analyser le taux de suie contenue dans la robe de 1.300 oiseaux de 1880 à nos jours...
- 2 scientifiques ont tracé un schéma de l’évolution de la pollution de l’air aux Etats-Unis de 1880 à 2015.
- Ils ont analysé près de 1.300 oiseaux de cinq espèces différentes issus d’une ancienne région industrielle du nord-est des Etats-Unis.
- Les oiseaux affichent de plus belles couleurs aujourd’hui. Mais pourquoi ?
Que peut nous dire un oiseau mort sur l’évolution de la qualité de l’air ? Beaucoup de choses si on s’intéresse à la robe des volatiles à travers les âges. C’est justement ce qu’on fait Shane Dubay et Carl Guldner, doctorants à l’université de Chicago. En analysant la couleur des oiseaux conservés dans les collections de musées, les deux scientifiques américains ont tracé un schéma de l’évolution de la pollution de l’air aux Etats-Unis de 1880 à 2015, rapporte Mashable.
Des plumes d’oiseaux moins chargées de suie aujourd’hui
Plus précisément, les deux scientifiques américains ont analysé près de 1.300 oiseaux de cinq espèces différentes, tous issus de la « Rust Bell » (« la ceinture de la rouille), une ancienne région industrielle du nord-est des Etats-Unis (Chicago, Cleveland, Pittsburgh…). Ils se sont particulièrement focalisés sur la quantité de carbone noir (c’est-à-dire la suie) présente chez les alouettes hausse-col, un petit oiseau qui ne mue qu’une fois par an et dont les plumes peuvent absorber une quantité importante de suie. Bref, le candidat idéal pour cette étude.
Les résultats complets de leurs travaux ont été publiés ce lundi dans Proceedings of the national academy of science. L’étude invite à un certain optimisme, du moins en ce qui concerne la quantité de carbone noir, considéré comme un responsable majeur du réchauffement climatique, dans l’air de la Rust Belt. On peut dire aujourd’hui que « les alouettes hausse-col sont de mignons petits oiseaux aux ventres naturellement blancs et au menton jaune, écrit ainsi Shane Dubay dans un communiqué de presse. Cent ans plus tôt, lorsque le smog était au plus haut dans les villes de la Rust Bell, ces alouettes hausse-col avaient une robe bien plus noire. »
Lire l’histoire dans la robe des alouettes
Au-delà de ce constat, Shane Dubay et Carl Guldner ont pu retracer une évolution historique précise de la qualité de l’air dans cette ancienne région minière. « La quantité de suie prélevée sur les oiseaux est étroitement liée à l’utilisation du charbon à travers les ans », explique Shane Dubay. Durant la Grande dépression (1929-1939), cette quantité chute fortement du fait justement de la baisse de la consommation de charbon provoquée par cette crise économique. Puis le taux de suie rebondit pendant la Seconde guerre mondiale, les usines d’armement conduisant à une hausse de la production de charbon, puis chute rapidement aux lendemains de la guerre, lorsque les foyers de la Rust Belt commencent à se chauffer au gaz naturel plutôt qu’au charbon. »
Mais si les oiseaux de la Rust Bell affichent de plus belles couleurs aujourd’hui, les deux scientifiques se gardent bien de conclure que la qualité de l’air y est nettement meilleure aujourd’hui. « Si les Etats-Unis rejettent moins de carbone noir aujourd’hui, nous continuons de relâcher dans nos villes d’autres polluants, note Shane Dubay. Ils sont juste moins visibles que la suie. »