Nicolas Hulot ferme les vannes des hydrocarbures en France, une mesure avant tout très symbolique
ENERGIE Ce mercredi matin, Nicolas Hulot présente un projet de loi visant à en terminer avec la production de pétrôle et de gaz en France en 2040. Les associations écologistes signalent des avancées, même si le texte ne va pas changer la face du monde...
«80 % des réserves fossiles connues doivent rester sous Terre, si l’humanité souhaite conserver une chance de respecter l’accord de Paris». Nicolas Hulot reprend à son compte cette recommandation du Giec (groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) pour justifier le projet de loi qu’il s’apprête à présenter au conseil des ministres ce mercredi matin. Le texte veut interdire tout nouveau permis d’exploration et d’exploitation d’ hydrocarbures (pétrole et gaz) ainsi que la prolongation des concessions existantes sur le territoire français.
Symbolique avant tout
La France pourrait devenir le premier pays au monde à inscrire dans la loi de telles interdictions. Mas le texte, s’il est voté, ne changera pas pour autant la face du monde. La France n’est qu'un tout petit producteur de pétrole et de gaz. Soixante-trois concessions d’hydrocarbures sont en cours de validité en France. En 2016, elles ont permis de produire 815.000 tonnes de pétrole et près de 400 millions de m³ de gaz. Soit, dans les deux cas, tout juste 1 % de sa consommation nationale annuelle. Pour le reste, la France importe massivement. Depuis l’Arabie Saoudite, le Kazakhstan et le Nigeria pour le pétrole (selon les chiffres 2015 du bilan énergétique de la France, p36) et depuis la Norvège, la Russie et les Pays-Bas pour le gaz naturel (p39).
Voilà ce qui fait dire à Marc Jedliczka, porte-parole de Négawatt, et à Michel Dubromel, président de France Nature environnement (FNE), que cette mesure est avant tout « une étape surtout symbolique », « mais qu’elle a son importance ». « C’est une ligne directive que l’on donne à l’industrie française, leur indiquant le sens vers lequel le pays veut aller, précise Michel Dubromel. C’est aussi un signal que l’on donne à l’international. »
Aucune concession sur les hydrocarbures non conventionnels
Et, au-delà du symbole, il y a dans le projet de loi des clarifications et des mesures qui réjouissent les associations écologistes. « Emmanuel Macron l’a encore rappelé ce (mardi) matin lors d’une réunion à laquelle j’assistais. Les interdictions d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures s’appliqueront bien aux territoires ultra-marins, y compris la Guyane qui attise les convoitises des compagnies pétrolièresdepuis qu’ Exxon Mobil a découvert d’importantes réserves d’hydrocarbures au large d’un pays voisin.
Autre motif de satisfaction pour les associations écologistes : leshydrocarbures non conventionnels. Le terme désigne le gaz et le pétrole resté piégés dans la roche mère et plus difficile à extraire, ce qui nécessite le recours à des techniques différentes, comme la fracturation hydraulique, jugées plus nocives pour l’environnement. « Une loi du 11 août 2011 avait déjà interdit la technique de la fracturation hydraulique en France, rappelle Juliette Renaud, chargée de campagne «industries extractives» au sein des Amis de la terre. Le projet de loi que prépare Nicolas Hulot va plus loin en interdisant toute exploration ou exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, quelle que soit la technique », explique Juliette Renaud.
Une sortie vers 2040 ? Pas sûr !
Cette future loi permettrait une sortie progressive de la production d’hydrocarbure à l’horizon 2040. C’est du moins le cap visé par Nicolas Hulot. Les 63 concessions existantes arriveront à échéance pour leur grande majorité entre 2030 et 2040. Jusqu’ici ça colle donc.
Reste la question des permis de recherche (ou permis d’exploration), ces autorisations données à des compagnies pétrolières afin de faire de la prospection dans une zone supposée riche en hydrocarbure. Nicolas Hulot précise bien qu’il n’accordera pas de nouveaux permis d’exploration. Mais que faire de ceux déjà attribués ? « A savoir 33 actuellement sur le territoire français dont 16 ont déjà fait l’objet d’une demande de renouvellement », précise Juliette Renaud.
Ces permis de recherche, qui nécessitent de lourds investissements, sont attribués aux industriels pour une période de cinq ans, renouvelables deux fois. Lorsque les recherches sont fructueuses, ces permis débouchent quasi systématiquement sur un permis d’exploitation. « C’est ce qu’on appelle le droit de suite, reprend Juliette Renaud. Le projet de loi ne veut pas y toucher par crainte d’être attaquée en justice par les compagnies pétrolières. Or, un permis d’exploitation peut être attribué sur une période de 50 ans.On dépasserait donc très largement le cap de 2040. » Pour les Amis de la Terre, il faut alors à minima réduire la durée des permis d’exploitation et faire en sorte qu’ils se terminent tous en 2040.
Hausse des importations ou baisse de notre consommation ?
Les discussions commencent tout juste, la présentation du projet de loi au conseil n’est qu’une première étape d’un long chemin jusqu’a sa promulgation. Et les écologistes ne sont pas les seules à vouloir modifier le texte.L’Ufip (Union française des industries pétrolières) est ainsi vent debout contre ce projet de loi. Contacté par 20 Minutes, François Duseux, son président, déplore un texte qui enterre la production pétrolière en France, « alors que le pétrole pèse encore 45 % de l’énergie finale consommée en France ».
« Les hydrocarbures servent aux transports routiers, l’aviation, la chimie et encore un peu à chauffer des gens, liste-t-il. Il faudra encore un bon nombre d’années avant de pouvoir se passer d’hydrocarbures en France. Ce projet de loi ne fera donc qu’augmenter nos importations d’hydrocarbures. »
Nicolas Hulot balaie toutefois cette perspective. L’arrêt de la production en France serait compensé par la diminution de notre consommation de combustibles fossiles. Le cap fixé est moins 30 % à l’horizon 2030. « L’objectif est tout à fait atteignable, juge Marc Jedliczka. Et ce projet de loi nous pousse par ailleurs à trouver des alternatives aux énergies fossiles, notamment dans les transports où nous n’avons pas encore trouvé de solutions évidentes. La solution électrique, poussée par Ségolène Royale, n’est qu’une partie de la réponse. Il faut plancher encore, notamment sur la solution du gaz renouvelable, et non fossiles, pour les trajets longue distance. »