Chine: Les animaux malades de la croissance économique
ENVIRONNEMENT 16.000 porcs et un millier de canards morts repêchés dans des rivières...
Des cadavres de porcs par milliers dans le Huangpu, le grand fleuve de Shanghai, suivis par un millier de canards repêchés lundi dans une rivière du Sichuan, au sud-ouest du pays: la Chine connaît depuis quelques semaines de mystérieuses hécatombes animales. Aucune explication officielle n’a été fournie, les autorités chinoises s’employant à rassurer la population sur l’état des cours d’eau qui alimentent les villes où vivent des millions de personnes. Mais rapidement, la piste d’un virus qui aurait tué les animaux dans les fermes est apparue comme la plus crédible: faute d’indemnisations et face à un système agroindustriel corrompu, les éleveurs se seraient débarrassés de leurs animaux malades en les jetant dans les cours d’eau.
«Le peuple chinois est condamné à manger de la merde»
«Si l’éleveur déclare la maladie, il a affaire à un fonctionnaire des autorités sanitaires qui va lui demander de l’argent pour détruire le troupeau, explique Jean-Luc Buchalet, co-auteur de La Chine, une bombe à retardement. Quand il n’a pas les moyens de payer et qu’il n’a aucune assurance, il préfère jeter ses cochons et cacher l’épidémie.» La mafia peut aussi s’intéresser aux troupeaux malades: il n’est pas rare qu’elle les rachète à vil prix pour les réintroduire dans la chaîne alimentaire. «La population chinoise est habituée aux contaminations des produits agricoles, poursuit l’expert de la Chine. Les produits sains coûtent une fortune, j’ai vu du lait en poudre protégé dans les magasins comme des bouteilles de champagne en France.»
En Chine, la volonté d’indépendance alimentaire vis-à-vis du reste du monde a donc coûté cher en termes sanitaires. Car pour nourrir 20% de la population mondiale avec seulement 8% des terres arables du globe, tout en bâtissant des mégalopoles de béton et en développant l’industrie de manière exponentielle, il a fallu défricher, déforester, détourner les cours d’eaux… «C’est le résultat d’un modèle de croissance intensive quel que soit le prix à payer. Depuis le début des années 1980, il a fallu augmenter de 120% les surfaces agricoles par habitant, chiffre Jean-Luc Buchalet. La Chine utilise 488 kilos d’engrais par hectare, soit cinq fois plus que les Etats-Unis, et deux tiers des terres arables sont aujourd’hui dégradées. Toute la chaîne alimentaire est complètement pourrie.» A tel point que les membres du gouvernement ne mangent désormais que les produits cultivés sur des terres saines privatisées pour leur alimentation personnelle. «Le peuple chinois, lui, est condamné à manger de la merde», conclut Jean-Luc Buchalet. Selon que vous serez puissant ou misérable…