Pierre Rabhi: «Je ne remue pas des concepts pour m'amuser»
INTERVIEW Pierre Rabhi est l'un des pionniers de l'agroécologie. Il est aussi auteur et philosophe. Il est présent au festival du vent pour parler de son engagement et est revenu avec nous sur sa vision de l'être humain...
Vous parlez dans vos écrits d’«humanité inintelligente». L'Homme est-il bête?
Pour imager les choses, j’ai l’habitude de dire «imaginez les extra-terrestres en train d’observer le comportement humain.» Ils seraient obligés de se dire: «Ils sont doués mais stupides.» C'est-à-dire qu’on a fait de la violence une constante. On a fabriqué des lieux de souffrance et d’esclavage où l’argent domine tout. Comment peut-on conclure que l’humanité est intelligente devant ce constat, je n’y arrive pas. Nous nous sommes autoproclamés les meilleurs, ce n’est pas un congrès des baleines et des éléphants qui a décrété cela.
Êtes-vous pessimiste?
Ni optimise ni pessimiste. Il y a une loi des réalités et si l’être humain ne comprend pas qu’il doit soigner la nature et que c’est à elle qu’il doit sa survie, et bien il disparaîtra comme des tas d’espèces ont disparu. Je ne me fais pas de souci pour la nature, elle rebondira. Ce qui commence à m’énerver, c’est que nous sommes dans une espèce de discours complaisant à l’égard de nous même. On pleurniche tout le temps sur notre sort, on cherche des boucs-émissaires aux guerres et aux conflits, mais il ne faut pas perdre de vue que c’est nous qui fournissons des armes aux hommes en guerre. Et après on y va de son moralisme…
Comment aller contre ça?
On ne peut pas sauter d'une réalité à une autre par un coup de baguette magique. Cette réalité est construite depuis tout petit. Déjà à l’école, au lieu de parler de coopération, on parle de compétition. Ce qui produit une société hiérarchisée. Mais les meilleurs en compétence ne sont pas forcément les meilleurs en tant qu’êtres humains. Après on s’étonne qu’il y a de l’angoisse et de l’insécurité.
Vous dressez un constat sévère…
Je ne suis pas dans la ségrégation de qui que ce soit. Je dis tout ça par affection. Je constate juste que le règne de l’argent et du superflu rend l’humanité malheureuse. J’ai rencontré un chef d’entreprise qui m’a dit: «Gagner de l’argent je sais faire. Mon entreprise va bien, mais moi je vais mal.»
Et concrètement, que faites-vous, à votre échelle?
Si je n’agissais pas, je ne permettrais pas de parler. Je ne suis pas en train de remuer des concepts pour m’amuser. Dans ma ferme, je pratique une agriculture respectueuse de la nature. Je ne crois pas à la politique, elle n’est pas en phase avec la réalité, alors je fais ma part, à mon échelle.
Certains vous reprochent d’être un gourou…
Loin de moi cette idée. Très loin de moi. Je ne fais que défendre une philosophie de vie, tirée de mon expérience et de mon vécu. Je ne suis pas rentré dans la philosophie par contrainte, mais chemin faisant, ont est bien obligés d’avoir recours à la pensée pour exprimer ses idées.
>> Retrouvez le dossier spécial Festival du vent par ici
>> Retrouvez le programme du lundi 29 octobre par ici