Affaire Matzneff : Six féministes accusées par Christophe Girard de diffamation vont connaître leur sort en mai
Justice•Les élues écologistes Alice Coffin et Raphaëlle Rémy-Leleu et quatre autres féministes sont accusées de diffamation et injure publique par l’ex-élu parisien Christophe Girard, dont elles dénonçaient les liens avec le pédocriminel Gabriel Matzneff20 Minutes avec AFP
C’est le procès, comme l’a rappelé l’avocate d’une des prévenues, du « basculement entre un ancien monde, celui où la pédocriminalité était synonyme de liberté sexuelle, et un nouveau monde où l’on refuse de tolérer plus encore ces violences ». Six féministes, poursuivies pour diffamation et injure publique par l’ex-élu parisien Christophe Girard, brocardé pour ses liens avec l’écrivain Gabriel Matzneff, vont connaître leur sort le 17 mai, après deux jours d’audience où chaque partie a avancé ses arguments, les féministes dénonçant pour leur part « l’inversion très classique de la responsabilité ».
L’objet du litige : des tweets postés sur le réseau X en juillet 2020, dénonçant les liens entre Messieurs Girard et Matzneff, accusé de pédocriminalité. Le 23 juillet 2020, quelques heures après une manifestation réclamant sa démission, Christophe Girard avait quitté son poste d’adjoint à la culture de la maire PS Anne Hidalgo.
« Procédure abusive »
« Cette procédure, c’est une honte et je pèse mes mots Madame la présidente », a clamé d’une voix forte Me Emmanuel Tordjmann, l’avocat de Morgan Jasienski poursuivi pour injure publique. Me Tordjmann, tout comme Mathilde Evenou, le conseil d’Alix Béranger, militante poursuivie pour le même chef, a en retour demandé une condamnation de Christophe Girard pour « procédure abusive ». Ils demandent 15.000 euros chacun.
Dans leurs plaidoiries, les avocats de la défense ont assuré que les publications en ligne ne visaient pas nommément l’ancien militant de la lutte contre le sida mais le choix de la Mairie de Paris de le reconduire malgré ses liens avec Gabriel Matzneff, révélés par un article du New York Times.
« On ne prouve pas qu’il avait connaissance des actes »
« Christophe Girard n’a jamais joué un rôle en faveur de Matzneff », affirme Me Delphine Meillet, qui s’insurge : « en qualité d’élu, on vérifie ce qu’on tweete ». Dans son tweet, l’élue écologiste Raphaëlle Rémy-Leleu, poursuivie pour diffamation, avait relayé une photo avec ce slogan : « Girard à la culture ? HLM, prix, pension, honneur pour les pédos ». « On ne prouve pas que Christophe Girard avait connaissance des actes pédophiles de Gabriel Matzneff », souligne Me Meillet, rappelant la « complaisance de la société » pour un écrivain publié chez Gallimard jusqu’en 2020, alors que ces livres « faisaient l’apologie de la pédophilie ».
Jeudi, Christophe Girard avait assuré avoir découvert « l’ampleur du système Matzneff » en lisant le livre « Le consentement ». Son autrice, Vanessa Springora, y raconte la relation sous emprise vécue, à l’âge de 14 ans, avec l’écrivain qui en avait 50. Si l’élu n’a pas nié ses liens avec Gabriel Matzneff, rencontré à la fin des années 1980 par l’intermédiaire de son patron d’alors, Pierre Bergé, il a minimisé sa proximité avec l’auteur, dont un des livres lui avait été dédicacé.
Dans son plaidoyer, Me Delphine Meillet, conseil de Christophe Girard, a par ailleurs récusé le terme de « procédure bâillon », qui aurait été intentée pour faire taire les féministes. « Qui a la parole aujourd’hui dans le débat public et qui ne l’a plus ? », interroge Me Meillet en référence au retrait de la vie publique du conseiller municipal.
A la barre, Raphaëlle Rémy-Leleu a évoqué un « procès très politique ».
160.000 enfants victimes chaque année
« On est épuisées par la procédure qui nous a encore confrontées à des propos sidérants. On est pile dans l’inversion très classique de la responsabilité », affirme auprès de 20 Minutes Raphaëlle Rémy-Leleu, se disant néanmoins « sereine en attendant le délibéré le 17 mai. » : « C’est bien un système, la culture du viol qui a fleuri dans les décennies précédentes qui est dénoncé ». L’élue écologiste et militante féministe s’interroge néanmoins sur l’absence de réaction du côté de ses « collègues à la Ville de Paris ».
« Ce qui m’a troublé en écoutant les différents avocats des prévenus, c’est que malgré les attestations et les preuves apportées, c’est comme s’il avait été fait fi de la réalité », a déclaré de son côté Christophe Girard à l’AFP.
Selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), chaque année en France 160.000 enfants sont victimes de violences sexuelles.