Tournoi de Bercy : Le déménagement à Nanterre acté par les acteurs… Malgré la position très ambiguë de la Fédé de Tennis
TENNIS•Accor Arena, propriétaire du palais omnisports de Bercy et la Mairie de Paris ne comprennent pas le comportement de la Fédération française de TennisRomarik Le Dourneuf
L'essentiel
- Alors qu’elle vient de remporter la deuxième place des meilleures salles de spectacle du monde dans sa catégorie, l’Accor Arena de Bercy acte la plus que probable perte du Paris Rolex Masters de Tennis en 2025.
- Malgré un dossier qui répond au cahier des charges de l’ATP et aux exigences de la Fédération française de Tennis selon le directeur d’Accor Arena et Pierre Rabadan, adjoint à la maire de Paris en charge des sports, le Masters 1000 devrait déménager à Paris La Défense Arena à Nanterre (92).
- En charge du tournoi depuis sa création en 1986, « Bercy » regrette de voir son tournoi quitter le nid mais surtout espère des explications de la part de la FFT, muette depuis plusieurs mois sur le sujet.
Une deuxième place amère ? Ce lundi, l’Accor Arena de Paris a été classée deuxième salle de spectacle du monde dans sa catégorie. Dans ce classement annuel établi par les magazines américains Venues Now et Pollstar, « Bercy » se situe juste derrière le mythique Madison Square Garden de New York et devant la récente O2 Arena de Londres.
Une bonne nouvelle en forme de rayon de soleil dans le ciel ombrageux des derniers jours pour les hôtes du tournoi de Tennis Paris Rolex Masters, remporté cette année encore par Djokovic, avant de bientôt dire adieu à la balle jaune.
Un déménagement qui semble acquis
Car si rien n’est encore officiel aujourd’hui, il ne fait plus de doute que l’ancien Open de Paris-Bercy devrait voguer vers de nouveaux cieux, ceux de Nanterre et de sa moderne et gigantesque Paris La Défense Arena en 2025.
Cédric Pioline, le directeur du Rolex Paris Masters, a lui-même remis de l’eau au moulin de la rumeur, ce dimanche, à l’occasion de la finale du tournoi. Interrogé par 20 Minutes, l’ancien joueur a salué le succès et l’organisation de cette édition 2023 « exceptionnelle » avant de souligner les lacunes des installations actuelles. Courts annexes à la hauteur « trop basse », capacité d’accueil « insuffisante »…
Selon lui, c’est la peur de « perdre le statut et le label Masters 1000 » qui motive la réflexion de la Fédération française de Tennis (FFT) dans le but de « sécuriser le label sur les dix ou quinze ans à venir ». À Paris La Défense Arena ? « Effectivement, on aurait l’entièreté des installations nécessaires à organiser un Masters 1000 comme celui-ci, dans le format que nous connaissons avec les hauteurs et les standards. On remplirait tous les critères nécessaires. »
Plus de dérogations pour Bercy et des exigences toujours plus grandes
Des conditions que ne remplit plus Bercy qui accueille le tournoi depuis ses débuts en 1986. Bénéficiaire d’une dérogation de l’ATP (Instance organisatrice du circuit international masculin), l’Accor Arena dispose d’un court central de 15.000 places et de deux petits courts annexes de 1.200 et 600 places. Les courts d’entraînement se trouvent, eux, dans une bulle géante gonflable à proximité de l’Accor Hôtel Arena.
Cette dérogation, l’ATP ne devrait bientôt plus l’accorder. Une mauvaise nouvelle qui s’accompagne de l’accroissement progressif du nombre de matchs dans les tournois, de la volonté de joindre les tournois masculins et féminins et de la concurrence de pays comme l’Arabie Saoudite, qui louche de façon insistante sur les labels de l’ATP et du WTA (circuit féminin). Et celui de Paris serait un parfait met pour cette nouvelle concurrence.
Un plan qui répond au cahier des charges selon l’Accor Arena
De quoi rendre inévitable un déménagement ? Pas vraiment, puisque à la suite d’une consultation lancée en 2022, la direction de l’Accor Arena a présenté en juin dernier un projet à la FFT de restructuration complète du tournoi. « Nous avons proposé un format qui répond au cahier des charges de l’ATP pour 2025 et pour les années suivantes », explique Nicolas Dupeux à 20 Minutes.
Un format qui comprend trois courts dans le parc de Bercy, à proximité de l’Arena et soutenu par la Mairie de Paris qui s’est engagée à rénover à ses frais le skate park qui accueillera un court, et a obtenu les autorisations nécessaires pour en installer un près de la fontaine, classée, du parc.
La messe est dite ?
Mais tous ces efforts semblent avoir été vains. Présent à la présentation du projet en juin, Pierre Rabadan, adjoint d’Anne Hidalgo en charge des sports, ne cache pas son incompréhension : « Nous avons proposé des transformations significatives, conformes aux exigences. D’ailleurs la réaction de la FFT a été d’un extraordinaire enthousiasme en juin. Mais en juillet, nous avons appris que des discussions étaient ouvertes avec Paris La Défense Arena et depuis, plus de son, plus d’image de la part de la fédération. »
Même son de cloche du côté de Nicolas Dupeux : « On entend ici et là que la FFT est en discussion au sujet du Paris Rolex Masters. Si c’est le cas, ce n’est pas avec nous puisque nous n’avons plus de nouvelles depuis des mois. » Pour les deux responsables, la raison de ce silence est simple : la messe serait dite. Si la FFT reste tout aussi muette à nos sollicitations qu’aux leurs, leur prémonition trouve un écho du côté de Paris La Défense Arena.
Paris La Défense Arena, des atouts, mais aucun plan officiel
Contactée, la direction de la salle de spectacle refuse à se prononcer sur ce dossier. Mais un responsable, joint par 20 Minutes, admet tout de même que des discussions sont en cours : « Il y a des échanges à ce sujet. Paris La Défense Arena est une enceinte jeune, moderne et présente les derniers standards et le grill technique le plus performant d’Europe qui permet énormément de possibilités. Quand certains organisateurs ont la nécessité de bouger, il est logique qu’on soit consulté. »
Car la nouvelle salle du plus grand quartier d’affaires d’Europe dispose d’atouts et les étale sans sourciller : Elle reçoit des événements de dimension internationale, abrite les matchs de rugby du Racing 92, dispose d’une centaine de loges et de huit salons pour les fameuses hospitalités, celles qui rapportent le plus d’argent à la FFT. Le tout avec 43.000 places disponibles et un accès aux transports importants qui s’agrandira avec le futur RER E. Un poids lourd.
Un poids lourd soit, mais qui avance masqué. Car s’il semble inévitable désormais qu’il accueillera le tournoi de Paris à l’avenir, rien encore n’a fuité de ses plans, de ses projets, ni de ses propositions à la FFT.
Un sentiment d’impuissance
Pas plus que les raisons qui poussent la fédération, dont le président Gilles Moretton a obtenu de son Comité exécutif la gestion exclusive des négociations sur ce dossier, à rester mutique face aux appels de l’Accor Arena et de la Mairie de Paris (et de 20 Minutes).
« Nous pouvons entendre que la décision est actée et qu’elle n’est pas en notre faveur, commente Nicolas Dupeux, si nous l’accueillons depuis 37 ans, le tournoi leur appartient. Mais nous demandons une déclaration officielle et des explications. » Car le directeur de l’Accor Arena n’en trouve pas. « S’il y a d’autres éléments, économiques ou politiques qu’on ne connaît pas… nous sommes prêts à tout entendre. Sauf qu’on déménage parce que Bercy ne répondrait pas au cahier des charges. » Les bons rapports avérés entre Moretton et Amélie-Oudéa-Castera, son ancienne DG à la FFT, n’échappent à personne dans le milieu, comme la proximité naturelle du président de la Nanterre Arena avec le tennis : Frédéric Longuépée, également passé par le PSG et les Girondins de Bordeaux, a longtemps travaillé à la Fédération de tennis au début des années 2000.
Pierre Rabadan dévoile le même sentiment d’impuissance : « Nous aimerions comprendre l’ensemble de l’équation. Il semble que certains points nous échappent. Parce qu’à part dire qu’on déménage un tournoi qui fonctionne… Un tournoi intimement lié à Paris, pas son histoire, par son nom. J’ai toujours dit que le tennis dans la capitale marchait sur deux jambes : Roland Garros et Bercy. S’il en perd une, il marchera moins bien. »
Paris Rolex Masters sans Paris ?
D’ailleurs l’élu l’assure, si le tournoi est délocalisé à « La Défense Arena », « j’ai du mal à dire Paris La Défense Arena parce que ce n’est pas à Paris », les relations entre la ville et la FFT s’en trouveront « changées ». « Je ne vois pas la ville continuer à apporter son soutien, en matière de communication et d’événementiel en cas de déménagement à Nanterre », ajoute Nicolas Dupeux.
Le directeur n’oublie tout de même pas de lancer un appel à travers nos lignes : « L’envie de continuer est profonde chez nous, comme chez nos spectateurs et nos clients. Aussi, si la FFT souhaite revoir sa position, nous serions honorés de poursuivre cette histoire ensemble. »