Paris : Saisie par la mairie sur le terrain de pétanque de Montmartre, la justice botte en touche
Pirouette « La mesure d’expulsion demandée ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative », a déclaré le juge des référés
Le problème est encore loin d’être réglé. Alors que la justice devait trancher le conflit qui oppose le boulodrome de Montmartre et la Ville de Paris, qui veut l’expulser, le tribunal administratif de Paris a botté en touche. Il s’est déclaré « incompétent » pour se prononcer sur son devenir, alors que la mairie espérait que la justice expulse les boulistes de son terrain, pour pouvoir le vendre à un hôtel de luxe voisin, qui veut le transformer en « espace culturel naturel et de développement de la biodiversité à Montmartre », gratuit et ouvert à tous et toutes.
Dans le détail, la justice estime qu’elle ne tranche que les cas d’usage public, or, puisque la mairie veut vendre son terrain à un hôtel, et qu’elle ne veut pas le mettre à la disposition du public, alors ce terrain, occupé par ce club de pétanque depuis une cinquantaine d’années, fait partie du domaine privé de la mairie, qui ne relève pas de la justice administrative.
« Le domaine public d’une personne publique (…) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public » écrit la justice dans son arrêté, que 20 Minutes a consulté. « La Ville de Paris, propriétaire, n’a manifesté aucune volonté de transformer ce terrain en espace vert et de l’affecter à l’usage direct du public. (…) Faute pour ce terrain d’avoir été affecté à l’usage direct du public ou d’avoir fait l’objet d’un aménagement spécial pour les besoins du service public, celui-ci doit être regardé comme faisant partie du domaine privé communal », dit le juge des référés pour lequel « la mesure d’expulsion demandée ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ».
Accord implicite de la Ville de Paris
Interrogée par l’AFP quant aux implications de cette décision, la Ville de Paris a souligné ne pouvoir « accepter la privatisation d’un espace public par un petit groupe de personnes » et s’apprêter à « interjeter un pourvoi devant le Conseil d’État ». Le terrain, parcelle de 765 m2 juchée à mi-pente de la très huppée avenue Junot, dans le 18e arrondissement de Paris, est utilisé par le club bouliste de la butte Montmartre, qui s’y est installé en 1971 « avec l’accord implicite de la Ville de Paris, en boulodrome agrémenté d’un club house », rappelle le juge des référés.
La ville avait racheté ce terrain à l’héritière du peintre orientaliste Félix Ziem, un petit havre niché au sein de l’un des quartiers les plus prisés de la capitale. L’établissement est situé à proximité de la maison Tristan Tzara et non loin du moulin de la Galette, immortalisé par Auguste Renoir.
Une question de végétalisation
L’histoire du terrain revêt un aspect juridique il y a un an, lorsque le Club Lepic Abbesses pétanque, le Clap, apprend que l’hôtel adjacent a déposé un dossier à la Mairie de Paris pour obtenir le droit d’exploiter le terrain. Le club aux 257 licenciés se mobilise, une pétition recueille 4.300 signatures mais au milieu de l’été 2023, le Conseil de Paris, bien que divisé, tranche en faveur de l’offre de l’hôtel Particulier Montmartre. Il valide une convention qui confie pour douze ans cet espace vert protégé à l’hôtel.
Alors que le club proposait un effort « minimaliste » de végétalisation, l’hôtel a prévu « l’augmentation des espaces verts en pleine terre de 320 m2 » de ce morceau de l’ancien maquis de Montmartre, a défendu début juillet l’adjointe en charge du Commerce de la mairie Olivia Polski.
En attendant, beaucoup au Clap se souviennent du combat au début des années 1990 contre un projet de parking sur la parcelle qui avait conduit plusieurs célébrités, dont les acteurs Pierre Richard ou Jean-Pierre Cassel, à s’attacher aux arbres. Leur bataille, victorieuse, avait conduit à son classement comme site protégé en 1991.