Ile-de-France : Le dispositif « anti-ghetto » de Valérie Pécresse jugé « illégal » par une soixantaine d’élus

Aménagement Ce dispositif, qui prévoit de limiter le nombre de logements très sociaux dans les communes où leur proportion dépasse les 30 %, pourrait faire chuter la production de logement social de 21 %, selon une note des services de l’Etat

Aude Lorriaux
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Valérie Pécresse, le 5 septembre 2023.
Valérie Pécresse, le 5 septembre 2023. — J.E.E
  • Le dispositif « anti-ghetto » de Valérie Pécresse, prévu par le nouveau schéma directeur de la région Ile-de-France, limiterait le nombre de logements très sociaux dans les communes où leur proportion dépasse les 30 %.
  • Une soixantaine de maires, députés et autres élues locales (parmi lesquels l’adjoint au logement d’Anne Hidalgo, Ian Brossat ou la sénatrice du Val-de-Marne, Laurence Cohen) ont envoyé une lettre au nouveau ministre chargé du Logement pour le dénoncer.
  • Selon eux, le texte de l’exécutif régional est « une atteinte grave au droit au logement et à la libre administration des collectivités ».

C’est une mesure qui fait polémique et contre laquelle des élus, communistes pour la plupart, ont décidé de se battre. Pour dénoncer le dispositif « anti-ghetto » de Valérie Pécresse, prévu par le nouveau Schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif) et qui limiterait le nombre de logements très sociaux dans les communes où leur proportion dépasse les 30 %, une soixantaine de maires, députés et autres élues locales ont envoyé une lettre au nouveau ministre chargé du Logement, Patrice Vergriete.

Reprochant au texte de l’exécutif régional « une atteinte grave au droit au logement et à la libre administration des collectivités », les signataires - parmi lesquels l’adjoint au logement d’Anne Hidalgo, Ian Brossat, la sénatrice du Val-de-Marne, Laurence Cohen, le député de Seine-Saint-Denis, Stéphane Peu, ou encore la présidente du groupe de la Gauche communiste, écologiste et citoyenne à la région, Céline Malaisé - demandent au ministre d’intervenir en demandant au préfet de saisir le tribunal administratif, qui pourra annuler le nouveau projet de Sdrif-e, s’il l’estime illégal. Car, selon ces femmes et hommes élus, le texte ne serait pas conforme à la loi du 3 juin 2010 sur le Grand Paris, qui fixe un objectif de 70.000 logements sociaux par an.

La production de logements sociaux pourrait chuter de 21 %

Pour preuve, selon ces édiles, une note de la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports d’Ile-de-France (Drieat), révélée par Le Journal du Grand Paris et datée du 2 juin 2023, qui affirme que le « projet de Sdrif ne garantit pas suffisamment la réalisation de certaines politiques et projets de l’État ». « Plusieurs dispositions du projet de Sdrif-E posent question (…) et remettent en question l’atteinte de l’objectif légal de la loi sur le Grand Paris, notamment pour ce qui concerne les logements sociaux » est-il expliqué dans cette note, selon laquelle « l’application littérale de la clause conduirait à réduire de 21 % la production sociale moyenne par rapport à la production 2018-2022 ».

Une crainte partagée par le préfet de région, Marc Guillaume, qui a exprimé ses réserves dans une lettre adressée à Valérie Pécresse, quatre jours plus tard, qualifiant de « difficulté majeure » la réduction de la production de logements sociaux qui ne manquerait pas de résulter de ce texte, et invitant la présidente de région à « poursuivre les travaux » sur le Sdrif-E.

« Un scandale »

Reprenant toutes ces objections, les élus et élues alertent le ministre chargé du logement, estimant que le « dispositif anti-ghetto » pourrait « aggraver la pénurie de logements déjà dramatique dans notre pays et tout particulièrement en Ile-de-France ». « Mettre une clause pour construire moins de logements sociaux, c’est un scandale. Si on porte un recours c’est parce qu’on pense que c’est illégal. On vit une crise sans précédent, il n’y a plus un logement qui sort », estime Jean-Philippe Gautrais, maire de Fontenay-sous-Bois dans le Val-de-Marne, qui juge qu’il faudrait « obliger les maires qui ne respectent pas la loi SRU à construire beaucoup plus ».

De son côté, le vice-président du conseil régional en charge de l’aménagement et du Sdrif-E estime qu’il n’y a aucune chance pour que la clause anti-ghetto soit recalée par la justice, puisque le texte qui la porte est rédigé sous la forme d’une incitation : « Pour enrayer le phénomène de concentration de logements sociaux dans certains territoires qui tendent à se paupériser, il convient néanmoins de limiter le développement de l’offre très sociale en Plai [prêt locatif aidé d’intégration] dans les communes où elle est très présente, et d’en soutenir le développement dans les autres communes », est-il notamment écrit.

Sur le fond, Jean-Philippe Dugoin-Clément assume, estimant que « les émeutes sont pour partie la résultante de quartiers où il n’y a plus aucune mixité sociale. Ce que nous disons, c’est que la mixité sociale doit se faire partout et dans tous les sens, sinon on crée des phénomènes de concentration et de misère ». Pour le vice-président du conseil régional en charge de l’aménagement, cette clause ne réduira pas l’offre de logement social, la région l’appliquant déjà dans sa politique de subvention. « Nous ne finançons pas de logements très sociaux là où il y en a plus de 30 % et nous n’avons pas constaté au global dans la région de réduction des logements sociaux. »