SANTÉ PUBLIQUELes JO de Paris 2024 sous la menace du moustique tigre

JO de Paris 2024 : Les moustiques tigres devraient aussi être de la fête

SANTÉ PUBLIQUELa venue de spectateurs du monde entier fait craindre la diffusion de maladies infectieuses par l’Aedes albopictus
Romarik Le Dourneuf

Romarik Le Dourneuf

L'essentiel

  • À un an des Jeux olympiques de Paris 2024, le moustique tigre continue son expansion en Île-de-France et fait peser sur les jeux le risque de transmissions de maladies infectieuses.
  • Les touristes qui viennent du monde entier pour assister aux jeux pourraient apporter des pathogènes susceptibles d’être véhiculés par le moustique tigre pour infecter d’autres personnes saines.
  • La meilleure solution pour éviter sa propagation reste de supprimer au maximum les petites surfaces d’eau propre qui sont de parfaits gîtes larvaires pour le moustique tigre.

Les Jeux olympiques de Paris 2024 vont attirer touristes et spectateurs du monde entier pour assister au plus grand événement sportif de la planète. Parmi eux, certains sont déjà installés en région parisienne et comptent bien profiter de la grande messe olympique : les moustiques tigres.

Arrivé en France en 2004 par la frontière italienne, l’Aedes albopictus (son vrai nom) a remonté le couloir rhodanien pour atteindre le Val-de-Marne en 2015 et coloniser progressivement toute la région parisienne, dont Paris en 2018. Depuis, l’insecte qui mesure environ 5 millimètres de long a posé ses valises et continue son expansion dans toute la région, au point de passer l’Île-de-France en alerte rouge en 2022.

Un risque de transmission de maladies

« Il y a un vrai risque pendant les Jeux olympiques de transmission de maladies », explique Sylvie Manguin, directrice de recherche en maladies infectieuses à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier. Dengue, Zika, Chikungunya… Tous ces noms qui font peur et semblent très éloignés de la métropole circulent désormais dans l’Hexagone à cause du moustique tigre.

« Les moustiques ne transportent pas de maladie, mais ils sont vecteurs de pathogènes qui, eux, sont responsables de maladies », précise la chercheuse. En pompant du sang sur des humains infectés, le moustique récupère alors les pathogènes qui se multiplient dans son organisme et peut ensuite les transmettre à d’autres personnes saines qui peuvent ensuite développer la maladie.

Le plus souvent, ces maladies sont transmises à des proches, famille, voisins, collègues, etc. Car le moustique tigre n’a un espace de vie que de quelques centaines de mètres selon Syvie Manguin : « Avec l’épisode du Covid-19, on a compris que les cas asymptomatiques sont importants, ainsi, les personnes infectées ne savent pas qu’elles le sont, et les autorités non plus, ce qui empêche l’intervention. »

Températures, population… Tout y est

Le plus souvent, ces « malades » sont des touristes français de retour d’Asie du Sud-Est, des Caraïbes ou encore d’Afrique. Mais avec les Jeux olympiques, ce sont des millions de personnes de tous les continents qui vont débarquer à Paris avec, potentiellement des pathogènes impossibles à détecter mais faciles à partager selon les experts. D’où leur inquiétude.

D’autant que les JO rassemblent tous les éléments pour l’épanouissement du moustique tigre. D’abord, ils auront lieu au beau milieu de l’été. « Leur période d’activité s’étend généralement de mai à septembre », explique Louis Lambrechts, directeur de recherche et responsable de l’unité Interaction virus-insectes à l’Institut Pasteur.

Ensuite, outre la profusion de victimes potentielles avec le tourisme, il s’agit d’un insecte diurne, c’est-à-dire qu’il sévit en pleine journée, contrairement au Culex Pipiens, le « simple » moustique que nous connaissons bien en France, soit pendant les différentes activités et épreuves sportives qui rassemblent chacune des milliers de spectateurs, sportifs et délégations.

Attirés par la chaleur du corps, la transpiration et l’air que l’homme dégage

Pire, les moustiques tigres sont attirés par la température corporelle, le CO2 que l’homme rejette en respirant et les bactéries et molécules présents dans notre peau, mises en valeur par la transpiration. De quoi inquiéter les sportifs qui regroupent ces trois caractéristiques ? « Pas tant qu’ils bougent, rassure Sylvie Manguin, mais il y a des chances qu’un sportif attire davantage le moustique tigre après une séance s’il devient plus inactif. »

Les spectateurs ne sont pas non plus en reste. Une partie en tout cas : ceux qui boivent de la bière, selon la scientifique : « On ne sait pas vraiment pourquoi, si c’est parce que la température corporelle augmente ou si cela permet la diffusion d’une bactérie particulière, mais oui, nous avons constaté que les buveurs de bière se faisaient plus piquer. »

La question se pose alors de savoir s’il est possible de se débarrasser de l’encombrant envahisseur d’ici aux JO. S’il existe des pièges au CO2 ou des techniques pour les stériliser, autant s’y préparer, il sera bien présent en nombre. S’il est difficile de quantifier sa présence dans la région, il est déjà bien installé et devrait continuer de se propager. « C’est une espèce invasive qui a une capacité hors du commun. Elle fait partie des cinquante espèces les plus invasives au monde », explique Louis Lambrechts, pessimiste au sujet de la lutte contre le moustique tigre.

« Il va falloir apprendre à vivre »

Et le réchauffement climatique aide encore à son expansion. Avec la montée des températures, son cycle naturel commence de plus en plus tôt dans l’année et se termine plus tard. D’autant que la chaleur l’aide en plus à se reproduire plus vite selon le chercheur : « Pendant le développement larvaire, le temps requis pour passer du stade œuf au stade adulte est plus court avec des températures élevées. À 20 degrés, il faut dix à douze jours, mais à 25 degrés, c’est huit jours et à 30 degrés, c’est six jours. »

Selon Louis Lambrechts, il va falloir apprendre à vivre avec et la solution réside dans l’éducation de la population. En effet, les moustiques tigres pondent dans les petites surfaces d’eau propres, et souvent à l’ombre (contrairement au Culex Pipiens qui pond dans les grandes étendues d’eau gorgées de matières organiques comme les lacs, étangs, etc.) Aussi, le mieux reste de vider systématiquement les coupelles des pots de fleurs, les pneus, gouttières et tout récipient qui leur offre un parfait gîte larvaire et ainsi limiter la reproduction.

Reste aux organisateurs à espérer que le temps sera bien sec avant et pendant les Jeux pour limiter l’invasion.