Paris : Le « plus grand squat de France », l’école Erlanger, suspendu à une décision de justice

MIGRANTS Près de 500 jeunes squattent une école désaffectée dans le 16e, en attendant une décision de justice qui devrait les expulser lundi 12 juin et surtout une éventuelle mise à l’abri promise discrètement

Aude Lorriaux
Près de 500 jeunes étrangers isolés sont réfugiés dans cette école désaffectée du 16e arrondissement de Paris.
Près de 500 jeunes étrangers isolés sont réfugiés dans cette école désaffectée du 16e arrondissement de Paris. — SOPA Images/SIPA
  • 500 jeunes isolés étrangers vivent depuis plusieurs semaines dans une école désaffectée du 16e arrondissement. 
  • Une audience de justice est fixée au 12 juin pour décider de leur expulsion ou de leur mise à l'abri pérenne.
  • La situation irrite la Ville de Paris, qui entend forcer l'Etat à trouver une solution de relogement. 

Ils sont désormais près de 500 jeunes à dormir sur place, dans cette école désaffectée, rue Erlanger à Paris. Sans électricité, sans eau, avec six sanitaires en tout et pas une seule douche, « une situation de crise humanitaire en plein 16e arrondissement », pour ce qui est devenu « le plus gros squat de France » selon les mots de Nikolai Posner, responsable à Utopia56, l’association qui gère principalement le sort de ces jeunes isolés étrangers. Bientôt, ils seront fixés sur leur sort, car une audience a été fixée pour le 12 juin, qui doit décider de leur expulsion, puis d’une éventuelle mise à l’abri pérenne.

Cela fait maintenant plus de deux mois que ces jeunes squattent le bâtiment, sans que l’Etat ne réagisse. La Ville de Paris, qui a aussi les compétences du département, accueille tous les jeunes qui ont été reconnus mineurs, mais pour ceux qui sont, comme eux, en instance de recours devant le juge, après un rejet de leur statut de mineur, il n’existe « aucune structure spécifique », explique Ian Brossat, l’adjoint à la mairie de Paris chargé du logement, qui se dit « prêt à travailler avec l’Etat » sur la question.

Situation tendue aux alentours

La mairie de Paris s’est vue promettre une mise à l’abri, si et seulement si elle allait en justice et que les jeunes étaient expulsés. Une façon de faire qui irrite l’adjoint au logement, tout comme l’association Utopia 56. « La préfecture n’a pas besoin d’attendre que ces personnes soient expulsées pour les mettre à l’abri », explique Ian Brossat. « On a l’impression qu’ils attendent qu’il y ait un drame qui puisse retomber sur les jeunes ou les assos qui les accompagne. Cela laisse la place à montée xénophobie, cette école est devenue la cible des médias d’extrême droite », estime Nikolai Posner

Malgré la présence de quatre associations et de sept salariés d’Utopia 56 sur place, la situation est devenue de plus en plus tendue, selon les mots de son responsable : « Il y a quelques jeunes avec un état psychologique très compliqué, cela impacte les autres jeunes. » Mi-mai, une manifestation organisée par un mouvement d’extrême droite est venue compliquer la donne, forçant les associations à organiser des tours de veille la nuit pour se protéger. Les jeunes ne sont d’ailleurs plus accueillis la journée par l’association, sauf les plus malades. Certains vont à des rendez-vous médicaux, d’autres prennent des cours de français, vont dans des centres d’accueil de jour, ou tout simplement dans la rue. Un repas par jour est servi par l’association La Chorba, financée par la Ville de Paris, qui a aussi installé les sanitaires.

L’Etat interpellé par les élus parisiens

Inquiet pour la sécurité et jugeant leurs « conditions indignes d’une grande capitale européenne », le groupe écologiste, par la voix de Nour Durand-Raucher, a interpellé le préfet de police ce mercredi, lors des questions d’actualité du Conseil de Paris, de même que Ian Brossat. L’adjoint au logement a pointé « des méthodes d’intimidation de harcèlement et violence qui n’ont pas leur place dans notre république. « Cette situation est évidemment connue » de nous et d’un point de vue sécuritaire nous avons décidé de renforcer les rondes et les patrouilles » a répondu Laurent Nunez, sans s’exprimer sur une mise à l’abri, qui relève du préfet de région, Marc Guillaume.

Ce dernier a été interpellé lundi soir par un vœu de l’exécutif, reprenant une proposition des écologistes. « La prise en charge de ces jeunes fait partie des obligations de l’Etat », a rappelé ce mercredi Nour Durand-Raucher. « La très grande majorité des mineurs qui ont fait un recours sont au final reconnu mineurs, ils sont légalement sur le territoire, la préfecture doit les protéger et les mettre à l’abri dans des hébergements pérennes », a complété Laurent Sorel, conseiller de Paris adhérent chez LFI.

Si une mise à l’abri est bien « sur les rails », comme le confirme Ian Brossat, la crainte des jeunes relayée par les associations est désormais qu’on leur propose un logement loin de l’endroit où ils ont commencé leurs démarches administratives. Actuellement, beaucoup de migrants sont envoyés hors de l’Ile-de-France, dans une logique de nettoyage du territoire francilien avant les JO 2024. En attendant, les associations sur place marchent avec des bouts de ficelle. Et Nikolai Posner de croiser les doigts : « On espère pouvoir tenir jusqu’au bout, mais on n’en est pas sûrs. »