Hauts-de-Seine : Dans la plus haute tour d’habitation d’Europe, « on a l’impression de vivre dans un phare »

vue d’en haut 4/7 Les hauteurs de nos villes fourmillent de vie et d’activité, parfois surprenantes. À Puteaux, la tour Défense 2000, plus haut immeuble d’habitation d’Europe, regarde la ville de très haut

Romarik Le Dourneuf
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Habitante de la tour Défense 2000, Catherine ne se lasse pas de la vue que lui offre son appartement du 44e étage.
Habitante de la tour Défense 2000, Catherine ne se lasse pas de la vue que lui offre son appartement du 44e étage. — R.Le Dourneuf / 20 Minutes
  • Ils sont peu visibles au quotidien, celui du rez-de-chaussée. Pourtant, des hommes et femmes évoluent chaque jour, pour se loger, travailler ou s’amuser, dans les hauteurs de nos villes.
  • 20 Minutes vous raconte leurs histoires en sept épisodes publiés cette semaine.
  • Aujourd’hui, zoom sur la vie dans la plus haute tour d’habitation d’Europe, la tour Défense 2000 à Puteaux (Hauts-de-Seine).

Total, First, Areva… Le quartier de la Défense est connu pour ses gratte-ciel, parmi les plus hauts de France. L’un d’entre eux dénote toutefois. Légèrement excentré, à une dizaine de minutes à pied de la Grande Arche, sur le territoire de la ville de Puteaux (Hauts-de-Seine), il ne ressemble pas aux autres.

Si, du haut de ses 136 mètres et 47 étages, la tour Défense 2000 peut regarder ses voisines dans les yeux, elle est en réalité un immeuble d’habitation. Dès l’arrivée à son pied, on comprend que l’atmosphère n’a plus rien à voir avec la transhumance de costumes et tailleurs vue quelques instants plus tôt. Un quartier calme, quelques espaces de verdure et… des cris d’enfants provenant de l’école maternelle qui occupe le rez-de-chaussée de l’immeuble.

1.000 habitants, plus de 300 logements et 8 ascenseurs

Il faut donc monter quelques marches pour se retrouver devant l’entrée de l’impressionnant bâtiment. Démesure de la structure, l’accueil tient plus du bunker que de la loge de gardienne. Qu’importe, Halyna, depuis sa fenêtre, a un mot pour chaque habitant qui entre ou sort de l’immeuble. Une touche d’humanité dans ce gigantisme de béton.


Vue d'en bas, la tour Défense 2000 semble sans fin.
Vue d'en bas, la tour Défense 2000 semble sans fin. - R.Le Dourneuf / 20 Minutes

« Tout est démesuré ici, sourit-elle, il y a près de 1.000 habitants, plus de 300 logements, 8 ascenseurs (3 pour la face nord, 3 pour la face sud et 2 pour les deux sous-sols de parking) et 32 nationalités. » Même le personnel semble assez conséquent pour un immeuble d’habitation. Outre Halyna et son binôme Diaby à l’accueil, deux agents de sécurité gardent les lieux toute la nuit et trois personnels de ménage s’affairent en permanence dans les couloirs.

Des prestations à la hauteur du coût de la vie dans un tel immeuble. « Les habitants paient cher mais ils adorent vivre ici », assure la gardienne. Car, si les couloirs froids et la décoration accusent leur âge, la tour Défense 2000, construite en 1974, procure de nombreux avantages. Située entre le quartier d’affaires et le centre-ville de Puteaux, à proximité de l’université de Nanterre, du RER et du périphérique, « c’est un endroit qui est très demandé », confirme Halyna.

Les « coups de cœur » et les « habitants de passage »

Ce n’est pas Catherine Rybus qui dira le contraire : « Petite, j’habitais en face de la tour et j’y avais des amis. J’ai toujours rêvé d’y vivre un jour. » Un rêve réalisé il y a quatre ans lorsqu’elle est devenue propriétaire d’un appartement de 100 m2 au 44e étage. « J’en avais vu d’autres… Mais lorsque nous avons visité celui-ci avec mes enfants, il n’y a même pas eu de discussion. »

Osthéopathe, Catherine fait partie de ceux qu’elle surnomme les « coups de cœur » : Des propriétaires habitants dans les étages les plus élevés, des CSP + qui ont « les moyens de payer près de 800 euros de charges mensuelles », précise-t-elle en grimaçant. Car, aussi immense soit-il, l’immeuble semble parfois un peu vide. À l’exception de l’heure de pointe selon Bertrand, habitant du 30e étage : « À 8 heures, l’ascenseur ressemble au métro, il s’arrête tous les deux étages pour prendre quelqu’un.

« Il y a différentes populations ici, précise Catherine, c’est une sorte de tour de Babel. » Les étages les plus bas sont occupés par des locataires et beaucoup d’habitants « de passage » : « De nombreux appartements sont la propriété d’ambassades, notamment d’Afrique et du Moyen-Orient. On peut le voir au nombre de véhicules de corps diplomatiques dans les parkings ».


La tour Défense 2000 semble dominer le quartier d'affaires du même nom.
La tour Défense 2000 semble dominer le quartier d'affaires du même nom. - R.Le Dourneuf / 20 Minutes

Des logements qui ne sont donc occupés que partiellement. Et c’est sans compter les très nombreux appartements en location sur AirBnB.

Le reste du monde réduit à l’état de fourmis

« Il y a aussi les ''locations médicales''. Des personnes fortunées qui viennent se faire soigner à l’hôpital américain et restent plusieurs semaines. Vous les reconnaîtrez, ils se baladent autour de l’immeuble en béquille », s’amuse-t-elle. Une situation qui ne facilite pas les réunions de copropriété. « Beaucoup de propriétaires n’en ont pas grand-chose à faire de l’immeuble. Il y en a même un qui avait appelé pour se plaindre que son locataire ne payait plus son loyer. Le locataire était parti depuis cinq ans… » Un obstacle lorsque certains espèrent transformer le dernier étage panoramique inoccupé.


Le dernier étage, panoramique offre une vue imprenable sur le parvis et l'Arche de la Défense.
Le dernier étage, panoramique offre une vue imprenable sur le parvis et l'Arche de la Défense. - R.Le Dourneuf / 20 Minutes

Peu importe, la mère de famille ne quitterait l’immeuble et son appartement pour rien au monde. « Si vous n’avez pas le vertige, approchez-vous de la baie vitrée. » Pas besoin de davantage d’arguments tant la vue est à couper le souffle. Avec ses grandes ouvertures orientées vers le nord et l’ouest, l’appartement surplombe le quartier de la Défense. À cette altitude, piétons et véhicules sont réduits à l’état de fourmis :  « J’ai même déjà aidé un ami qui conduisait à s’orienter dans le quartier depuis ma fenêtre. »

« L’impression de vivre dans un phare »

Mais ce n’est pas la mégalomanie qui fait de son nid d’aigle un lieu irremplaçable : « C’est le ciel ». Car depuis son 44e étage, Catherine ne vit pas le même horizon que le commun des mortels : « Il arrive souvent que le matin, les nuages soient à notre niveau, créant un voile opaque sur notre vue. » Un orage d’un gris uniforme pour les piétons propose une multitude de dessins pour les habitants de la tour. « Il arrive très fréquemment de voir les rideaux de pluie qui s’abattent sur les villes autour », confie-t-elle, photos à l’appui. « Le vent, la pluie et même la chaleur, tout est décuplé à cette hauteur. Si l’on ajoute l’absence de vis-à-vis, nous avons souvent l’impression de vivre dans un phare. »

Un privilège qui a quand même quelques concessions. « On n’ouvre jamais les fenêtres en grand, parce qu’il y a toujours un vent si fort qu’il chambarde une partie de l’appartement. » Pour l’éviter, et pour la sécurité de ses enfants, la mère de famille a installé des taquets aux fenêtres entravant une grande ouverture. Cela permet également de limiter les effets sonores du quartier, car « les bruits montent » depuis la rue.

Autre inconvénient : l’appartement peut se « transformer en four » en été. « Pour éviter que le soleil ne tape directement, je mets des couvertures de survie en guise de rideau. » Une décoration originale qui en plus d’être efficace, apporte une lumière douce à l’appartement.


Les arrêts sont fréquents, à la montée, comme à la descente.
Les arrêts sont fréquents, à la montée, comme à la descente. - R.Le Dourneuf / 20 Minutes

C’est d’ailleurs la lumière si spécifique de l’appartement qui lui plaît le plus : « Nous bénéficions de la lumière du soir, orangée, si particulière. » En fan de Blade Runner (l’original), elle n’a pas manqué d’installer des stores en lamelle, identiques à ceux du film.

Cette vie en altitude, la famille n’est pas près de l’abandonner. Le fils aîné, Stanislas, a pourtant des envies d’ailleurs : « Il a 21 ans et aimerait emménager avec son copain. Mais quand j’ai, un jour, émis l’idée de laisser l’appartement, il m’a dit qu’il était prêt à le reprendre ».