« Green Dock » : C’est quoi cette immense plate-forme multimodale en aval du port de Gennevilliers ?
PROJET L’entrepôt géant doit sortir de terre en 2025-2026 mais cristallise une forte opposition, notamment en raison de sa taille et de sa proximité immédiate avec une zone Natura 2000
- Pour dire non au projet d’entrepôt géant baptisé Green Dock, sur le port de Gennevilliers, un pique-nique est organisé à l’initiative du collectif Préservation Berges de Seine.
- Avec ses 600 mètres de long et 35 de haut, la plate-forme multimodale, avec au maximum 15 % de frêt fluvial, oppose militants écologistes et promoteur du projet, soutenu par le maire de Gennevilliers.
- « Veut-on vraiment ce mode de développement ?, bouillonne Antoine Gaudin, président de l’association Protection Berges de Seine et coordinateur du collectif. Sommes-nous encore dans les années 1960, à l’heure du gigantisme industriel, du développement inconscient ou sommes-nous passés à l’ère d’un développement plus mesuré, plus conscient, qui s’inscrirait plus harmonieusement dans le paysage naturel ? »
Ce dimanche, un pique-nique un peu particulier se déroule en face du port de Gennevilliers. A l’initiative du collectif Préservation Berges de Seine, les opposants au projet d’entrepôt géant baptisé Green Dock se rassemblent pour dire non à la démesure. « Un gigantisme complètement hors sol, qui ne prend en compte ni l’environnement urbain et naturel, et qui, au niveau global, est en totale inadéquation avec tout développement industriel raisonnable tel qu’il doit se faire à l’heure du réchauffement climatique et des menaces qui pèsent sur la biodiversité », s’agace Antoine Gaudin, président de l’association Protection Berges de Seine et coordinateur du collectif.
Mais pourquoi une telle colère contre cette plateforme multimodale ? Elle s’inscrit en effet, dans les projets d’Haropa Port, le grand port fluvio-maritime de l’axe Seine, qui s’étend du Havre à Paris, en passant par Rouen, pour améliorer la livraison du dernier kilomètre. « C’est un véritable enjeu écologique de pouvoir livrer proche de Paris, plaide Patrice Leclerc (PCF), le maire de Gennevilliers. Grâce à des camionnettes électriques ou par péniche alors que si on construit sur des terres agricoles, on sera obligés de livrer par camions pour traverser toute la région parisienne ».
Ecolo ou greenwashing ?
Green Dock est un projet d’entrepôt de 600 mètres de long, « soit deux Stade de France côte à côte », précise Antoine Gaudin, et 35 mètres de haut (l’équivalent d’un immeuble de douze étages), 90.000 m2 répartis sur quatre étages, qui doit être construit sur les berges de Seine, dans le port de Gennevilliers. Initialement, le permis de construire devait être déposé en janvier, puis en avril, en juin et finalement, Patrice Leclerc parle de la fin de l’année. « La plateforme devrait ouvrir en 2025-2026 », précise-t-il. L’entreprise australienne Goodman qui a remporté l’appel d’offres table sur un budget de 150 millions d’euros.
« Veut-on vraiment ce mode de développement ?, bouillonne Antoine Gaudin. Sommes-nous encore dans les années 1960, à l’heure du gigantisme industriel, du développement inconscient ou sommes-nous passés à l’ère d’un développement plus mesuré, plus conscient, qui s’inscrirait plus harmonieusement dans le paysage naturel ? ». Car si les concepteurs du projet qui à dessein l’ont baptisé « Green Dock », affirment qu’il est écolo-compatible, les opposants dénoncent un greenwashing à peine dissimulé. « Le développement de transports par le fleuve, c’est de la poudre aux yeux », vitupère le militant.
Comme le maire de Gennevilliers, qui note que « quand une péniche remplace 40 à 50 camions, voire 100, c’est bien plus écologique en matière de pollution », Antoine Gaudin valide l’acheminement des marchandises par bateau. Mais regrette que pour Green Dock précisément, « dans le meilleur des cas, seules 15 % des marchandises pourraient transiter par le fleuve car le coefficient de rotation des marchandises par cet endroit n’en permettrait pas davantage ». C’est d’ailleurs la raison, selon lui pour laquelle, il parle de giga entrepôt routier. « On ne s’opposerait pas à un entrepôt fluvial à cet endroit, mais qui soit bien moins haut et moins grand pour préserver la zone Natura 2000 ».
Préserver la zone Natura 2000 coûte que coûte
Car le cœur du débat réside bien dans cette zone non anthropique, « la première en aval de Paris ». Située en face des berges où doit s’élever Green Dock, l’espace Natura 2000 est situé sur la pointe de l’Île Saint-Denis, soit de l’autre côté de la Seine. Il y niche notamment en hiver des centaines de grands cormorans et abrite des martins-pêcheurs d’Europe, des faucons crécerelle ou encore des chauves-souris. « Si le projet aboutit, ces oiseaux, protégés par la directive oiseaux de l’UE, devraient cohabiter avec une Muraille de Chine en verre de 35 mètres de haut, qui couperait leurs trajectoires de vol, qui seraient éclairés toute la nuit parce que ce serait un entrepôt à coefficient de rotation extrêmement élevé, et dans un fracas incessant de poids lourds », s’exclame le coordinateur du collectif Préservation Berges de Seine.
Sur cet aspect, Patrice Leclerc acquiesce : hors de question pour lui d’anéantir ce « joyau naturel ». « Le point d’attention majeur est de ne pas porter atteinte à la zone Natura 2000 qui est en face. C’est tout l’intérêt de la concertation menée d’ailleurs, précise l’édile. Le promoteur, en acceptant de supprimer la serre prévue sur le toit, ce qui permet d’abaisser la construction de cinq mètres ». « C’est du greenwashing, dénonce de son côté Antoine Gaudin. La serre sur le toit, c’était le point culminant de l’absurdité du projet de Goodman. Juste l’occasion de dire "on va faire pousser des fruits et des légumes dans un air saturé de camions et de gaz d’échappement pour maquiller Green Dock en projet écolo" ».
Une opposition sans concession
A la mairie de Gennevilliers, le ton est plus mesuré. « Les porteurs du projet doivent encore travailler à empêcher la lumière et le bruit de passer de l’autre côté de la Seine, c’est sûr, admet Patrice Leclerc. Mais se servir de zones déjà minéralisées, comme le port de Gennevilliers, pour les densifier en activités économiques, sans toucher aux terres agricoles, c’est dans la continuité écologique ».
En revanche, pour le représentant du collectif Préservation Berges de Seine, l’inflexibilité de Goodman à négocier sur les dimensions du bâtiment est le principal problème. « Nous demandons le retrait du projet dans sa forme actuelle pour prendre en compte cet important couloir de biodiversité, et pas seulement repeindre la façade en vert ». En verre non plus d’ailleurs, la transparence des murs étant aussi un danger majeur pour les oiseaux. Qui en attendant pourront picorer les restes de pique-nique.