Zones à faible émission : Enjeu de santé publique et bombe à retardement… 86 % des Français opposés à leur application

MOBILITÉ Une consultation du Sénat met en lumière toutes les oppositions et obstacles à l’application des ZFE

Romarik Le Dourneuf
Un panneau signalant une zone à faibles émissions (ZFE), le 25 août 2019, à Paris.
Un panneau signalant une zone à faibles émissions (ZFE), le 25 août 2019, à Paris. — Clément Follain

« ZFE : Zone à fort emmerdement, zones à fortes exclusions, et il y a pire… » Ce jeudi matin, Philippe Tabarot a épargné à son assistance les pires termes qu’il a pu lire. Pourtant, le Sénateur des Alpes-Maritimes, et membre de la commission Aménagement du territoire et du développement, a dû en voir passer des mécontentements, lui qui venait exprimer un premier ressenti après la clôture de la consultation citoyenne sur l’acceptabilité des Zones à faible émission (ZFE), et dont le rapport final sera présenté à la mi-juin.

Organisée du 17 avril au 14 mai dernier par le Sénat, cette consultation avait pour but de prendre le pouls des inquiétudes et interrogations sur ce sujet qui concerne onze métropoles et une trentaine d’agglomérations en France. « Nous pouvons déjà ressortir beaucoup d’éléments de travail grâce à une participation exceptionnelle. Au total, 53.346 personnes ont rempli les deux questionnaires (un pour les particuliers et un pour les professionnels - NDLR) », a confié Philippe Tabarot à 20 Minutes.

86 % des particuliers opposés aux ZFE

Et le résultat est sans appel : une très grande majorité des répondants sont opposés au déploiement des ZFE. 86 % pour les particuliers, 79 % pour les professionnels. Une réponse qui ne remet pas en cause l’application future des ZFE selon Philippe Tabarot : « Il s’agit bien d’une consultation sur le principe du volontariat, donc on prend le résultat de cette consultation avec prudence. D’autant qu’il s’agit d’un enjeu de santé publique »


Particuliers comme professionnels sont opposés à la ZFE.
Particuliers comme professionnels sont opposés à la ZFE. - Rapport du Sénat


Pour preuve, le Sénateur avance des chiffres. Ainsi, 97 % des répondants connaissaient les enjeux des ZFE, contre « une personne sur deux dans la population selon les sondages » (soulignant au passage le manque de communication du gouvernement sur le sujet), et un quart d’entre eux vivent dans, ou à proximité, de la métropole du Grand Paris.

Toutefois, la commission a pris soin de faire appel à un « Data Scientist », un expert de l’exploitation des données, pour en retirer un maximum d’enseignements. « Nous avons pu analyser des tendances et les corrélations entre les diverses réponses. »

Une bombe sociale à retardement

Dans l’ensemble, les oppositions au déploiement des ZFE se concentrent autour des conséquences sociales qu’elles pourraient entraîner : « véritable rupture d’égalité d’accès au centre de ville », « exclusion sociale pure », « un sentiment d’injustice, quand le travail est concentré en métropole mais insuffisamment rémunérateur pour avoir accès à l’acquisition d’un logement en métropole, mais aussi à un véhicule propre. »

Aussi, les sénateurs ont déjà identifié quatre obstacles principaux. Le premier, cité par les professionnels comme par les particuliers, quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle, est le coût trop élevé des véhicules propres. Une donnée importante puisque 97 % des répondants possèdent un véhicule motorisé, dont 42 % sont répertoriés Crit’air 3, 4, 5 ou hors et donc déjà concernés, ou très bientôt, par les restrictions de circulation imposées par les ZFE.

C’est pourquoi Philippe Tabarot rappelle que le Sénat avait encouragé le gouvernement à généraliser l’offre de prêt à taux zéro pour tous les véhicules propres, une demande refusée à l’époque en commission mixte paritaire. Pas impossible, dès lors, de revoir cette demande parmi les préconisations du rapport à venir. « D’autant que la composition de l’Assemblée a légèrement changé », souligne le Sénateur, un brin taquin.

L’offre de transports en commun insuffisante

Mais le prêt à taux zéro ne suffira sans doute pas à alléger suffisamment le « reste à charge » pour les foyers les plus modestes. Charge alors aux industriels de faire un effort sur le coût des véhicules électriques, selon Philippe Tabarot.

Le coût de ces véhicules est d’autant plus problématique que les plus modestes sont souvent ceux qui vivent aussi le plus loin des centres-villes, des zones où le maillage des transports en commun n’est pas le plus important. 83 % des répondants à la consultation estiment que les alternatives au véhicule individuel ne sont pas suffisantes. Un chiffre qui monte à 93 % pour les seuls habitants de zones rurales. « Il y a une vraie corrélation entre le degré d’acceptabilité des ZFE et le lieu de résidence », confirme Philippe Tabarot.

Et si la majorité des métropoles, à l’image du Grand Paris, travaillent à ce sujet, le sénateur rappelle que « le temps du transport est long » et que le développement de l’offre mettra encore du temps avant d’entraîner un report modal massif. C’est la raison pour laquelle 47 % des particuliers répondants considèrent la mise en œuvre des ZFE « trop rapides ». Une remarque qui fait écho aux reports d’application constatés dans plusieurs métropoles.

Deux impératifs : Contrôle et l’harmonisation

Différentes collectivités territoriales qui devront également s’harmoniser. Après avoir rencontré près de cent cinquante élus d’une cinquantaine d’agglomérations, Philippe Tabarot insiste sur la nécessité de s’accorder sur le calendrier et les différentes normes et dérogations proposées qui participent à l’incompréhension du sujet. « C’est par cette synchronisation que passera l’acceptabilité d’une telle mesure. »



Avant de mettre un point final à son rapport, la Commission devra encore rencontrer le ministre de l’Intérieur pour s’accorder sur les modalités de contrôle, « aujourd’hui quasi-inexistantes » malgré des amendes à 68 euros pour les particuliers et 135 euros pour les professionnels.