Emploi à Paris : L’hôtel de Crillon tend la main aux jeunes qui ont la « passion de faire plaisir »

INITIATIVE 20 Minutes a assisté en exclusivité à Paris à une visite à l’hôtel de Crillon organisée pour des jeunes de Pôle emploi, à qui l’établissement tend la main peu importe leur CV, pour peu qu’ils et elles parlent anglais

Aude Lorriaux
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Clémence Allavène d’Erlon, la responsable du recrutement à l'hôtel de Crillon, présente à six jeunes en Contrat d'engagement jeunes à Pôle emploi l'établissement de luxe, qui cherche des candidats et candidates.
Clémence Allavène d’Erlon, la responsable du recrutement à l'hôtel de Crillon, présente à six jeunes en Contrat d'engagement jeunes à Pôle emploi l'établissement de luxe, qui cherche des candidats et candidates. — Aude Lorriaux
  • Pôle emploi organise des visites de grands hôtels et des rencontres avec les recruteurs de ces établissements dans le cadre du Contrat d’engagement jeune (CEJ), qui garantit à des jeunes de 16 à 25 ans un accompagnement personnalisé pendant plusieurs mois.
  • Six chômeurs et chômeuses ont pu découvrir ce jeudi 13 avril l’hôtel de Crillon, qui dispose de 124 chambres dont les prix varient de près de 2.000 à 36.000 euros.
  • « Je ne cherche pas absolument des personnes qui viennent de l’hôtellerie, ce qui m’intéresse c’est votre personnalité », a lancé en guise d’encouragement à ces jeunes Clémence Allavène d’Erlon, la responsable du recrutement, qui guidait la visite.

« Waouh c’est troooop beau ! » « J’adore la salle de bains ! » « Avec une chambre pareille, on n’a pas envie de sortir ! » A l’hôtel de Crillon, dans l’une des suites très chics de ce palace de la place de la Concorde à Paris, six jeunes chômeuses et chômeurs laissent éclater leur admiration, ce jeudi 13 avril au matin. C’est qu’ils et elles n’ont pas les mêmes moyens que la clientèle fortunée de cet établissement réputé, qui les accueille dans le cadre de visites organisées par Pôle emploi.

Esther, Inès, Ivanna, Thibaut, Valentin et Lise ont signé un Contrat d’engagement jeune (CEJ), qui leur garantit un accompagnement personnalisé pendant plusieurs mois. Ces profils ont été sélectionnés par Claudine Tabet, conseillère dans l’établissement public, qui les accompagne pour leur faire « découvrir la passion du métier » et « travailler sur le déclic et le savoir être », explique-t-elle à 20 Minutes. Dans le groupe, on trouve des personnes déjà bien intéressées par les métiers de l’hôtellerie, mais aussi Lise, qui cherche dans le cinéma et pourrait être intéressée par des extras ; ou encore Inès, qui s’oriente vers l’immobilier et à laquelle Claudine Tabet a jugé utile de faire découvrir d’autres métiers.

Pas besoin d’avoir travaillé dans le luxe

« Je voudrais qu’ils cassent leurs préjugés et qu’ils se disent que tout est possible, car souvent ils se disent que ce n’est pas pour eux », avance cette dame de 53 ans, radieuse dans sa veste mauve, avec son fard à paupières accordé et son écharpe de soie rose. Le hasard des déambulations dans l’hôtel va nourrir le propos de la conseillère, puisqu’on tombe sur la vendeuse Kelly, embauchée à l’hôtel de Crillon après un forum Pôle emploi.

La jeune femme est rayonnante devant le comptoir de la Butterfly Pâtisserie, qui vient d’ouvrir cette semaine et expose des gâteaux aussi beaux que des bijoux, comme le font remarquer plusieurs jeunes chômeurs et chômeuses. « C’est le concept de notre boutique de faire comme un atelier de joaillerie », acquiesce Kelly, qui est là depuis décembre et déclare être « tous les jours contente de travailler là ». Kelly n’avait jamais travaillé dans le luxe auparavant, une bonne occasion pour Clémence Allavène d’Erlon, la responsable du recrutement de l’hôtel de Crillon qui mène la visite, de montrer que tout le monde peut faire carrière dans ce palace.

Kelly, à gauche au milieu, est vendeuse à la la Butterfly Pâtisserie de l'hôtel de Crillon, qui faisait visiter jeudi 13 avril ses locaux à six jeunes en recherche d'emploi.
Kelly, à gauche au milieu, est vendeuse à la la Butterfly Pâtisserie de l'hôtel de Crillon, qui faisait visiter jeudi 13 avril ses locaux à six jeunes en recherche d'emploi. - Aude Lorriaux

La « passion de faire plaisir »

A condition toutefois de maîtriser un peu l’anglais - à moins d’être en cuisine - puisque ici la clientèle est essentiellement anglophone, avec 50 % d’Américains et environ un quart de clients et clientes du Moyen-Orient. « Je ne cherche pas absolument des personnes qui viennent de l’hôtellerie, ce qui m’intéresse c’est votre personnalité. Il me faudra un minimum d’Anglais et je vais vous apprendre les bases du métier. Vous pouvez prendre un poste si vous avez cette passion de faire plaisir. Il faut avoir en tête que nos clients peuvent tout s’acheter, en revanche leur créer un souvenir, c’est ça qui va leur plaire. »

On continue la déambulation parfumée, tout l’hôtel étant embaumé avec une odeur ambrée préparée par la Maison Caulières. « Service ? Service ? » annonce Clémence Allavène d’Erlon, en pantalon fluide vert et veste noire, en frappant à la porte des suites. Nous voici dans une grande pièce avec vue sur la Tour Eiffel, que la conseillère Pôle emploi prend en photo, l’une des plus belles de l’établissement, dont les prix varient de près de 2.000 à 36.000 euros.

Puis nous atterrissons dans le lobby, où nous est contée l’histoire du Crillon et de la place qui a vu défiler les rois et aussi les morts, puisque en 1770 un feu d’artifice en l’honneur du mariage du futur roi Louis XVI avec Marie-Antoinette fit 132 morts. « Nous avons un établissement riche en histoire, nos collaborateurs ont deux jours de formation quand ils sont embauchés dont une formation sur l’histoire de l’hôtel de Crillon et l’histoire de France », explique la responsable du recrutement de l’hôtel.

« Surprendre le client »

De retour dans la salle de conférences où nous ont été dits quelques mots sur les lieux et la philosophie du groupe, on en profite pour interviewer les candidats et candidates. Une chose qu’ils auront retenue, c’est le mot « expérience », car plus qu’un simple séjour, ce sont des souvenirs que vend le Crillon. Clémence Allavène d’Erlon en a justement des tonnes dans son sac, de ces initiatives tentées par les majordomes (et « majordames » !) de l’hôtel pour ravir les clients. Comme pour cette petite fille d’un riche habitué qui avait oublié son doudou dans les locaux, que l’hôtel a retrouvé et photographié dans les rues de Paris pour expliquer à la petite fille que le doudou en avait profité pour faire un peu de tourisme à Paris, avant de repartir…

« Surprendre le client qui vient pour la centième fois c’est le plus difficile, alors à chaque fois qu’un client vient, on note tout ce qu’il aime, pour qu’une dame qui aime par exemple avoir beaucoup d’eau pour son thé n’ait plus la fois suivante à en redemander. Ou alors nous transformons la chambre des enfants en véritable paradis » ajoute la responsable de l’hôtel. « Cette attention à la personne c’est ce que je préfère » commente Thibaut, bientôt 23 ans, en chemise blanche, et qui revient d’Australie. « J’ai retenu que c’était important d’amener une expérience au client. Le petit plus pour qu’ils apprécient leur séjour », complète Valentin, 26 ans, à Pôle emploi depuis novembre, également en chemise blanche, et qui cherche un poste de commis de cuisine.

Bien dans sa tête, bien dans son job

Au global les deux garçons auront apprécié la visite, Thibaut la trouvant « intéressante pour l’ouverture d’esprit » et Valentin appréciant « la présentation très complète ». D’autres comme Ivanna ont même pu changer un peu d’avis sur ce milieu, qu’ils imaginaient autrement : « J’ai pu voir qu’il y avait plus de contact dans l’hôtellerie de luxe que je pensais, du coup ça donne envie. »

Clémence Allavène d’Erlon propose à celles et ceux qui doutent de faire des extras, pour tester, et aux autres, les plus motivés, comme Esther, elle leur garantit que leur bonheur est une chose essentielle pour elle : « Si vous êtes heureux chez nous vous ferez votre travail de la meilleure façon possible », explique-t-elle, demandant en échange une « capacité à se remettre en question ». Les jeunes remettent leur CV en mains propres, et s’en vont, la tête pleine de paillettes.