Aulnay-sous-Bois : Une « Académie du métavers » pour former aux métiers liés à la réalité virtuelle

REPORTAGE L’entreprise Meta (anciennement Facebook) et Simplon lancent un centre de formation à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, pour préparer jeunes et moins jeunes aux métiers de la réalité virtuelle et augmentée

Aude Lorriaux
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Patrica, une « apprenante », et Victor Hansemann, formateur et référent pédagogique du centre de formation de Simplon à Aulnay-sous-Bois.
Patrica, une « apprenante », et Victor Hansemann, formateur et référent pédagogique du centre de formation de Simplon à Aulnay-sous-Bois. — Aude Lorriaux
  • Simplon lançait ce mercredi 8 février son « Académie du métavers » à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis.
  • L’entreprise sociale et solidaire de formation au numérique forme 16 personnes aux métiers du métavers, une série de mondes virtuels accessibles à travers un casque de réalité virtuelle.
  • Ce sont « les métiers de demain » estime Laurent Solly, Vice-Président Europe du Sud de Meta. Mais Joan Espejel, le directeur de Simplon Ile-de-France, reste prudent : « La maturité du marché nous questionne : est-ce qu’il y a assez d’emplois ? »

Valérie Pécresse avec un casque de réalité virtuelle sur la tête, la photo va-t-elle rejoindre la grande collection de mème qui escorte sa carrière politique ? La présidente de la région Ile-de-France s’amuse bien, en tout cas, ce 8 février. La voilà très contente d’apprendre à dessiner avec le Meta Quest 2, un casque de réalité virtuelle de l’entreprise Meta, lors de l’inauguration de l’Académie du métavers à Aulnay-sous-Bois.

A ses côtés, un « apprenant » lui explique tranquillement qu’il faut appuyer sur la gâchette. « Donc je vais pouvoir dessiner des moustaches à Bruno Beschizza [le maire d’Aulnay-sous-bois] ? » plaisante l’ex candidate à la présidentielle, qui s’enthousiasme peu après pour cette technologie : « C’est génial pour devenir dessinateur ou styliste, c’est bluffant ! ».

Grâce au partenariat avec Meta (anciennement Facebook) et la région Ile-de-France, l’entreprise sociale et solidaire de formation au numérique Simplon forme ici 16 personnes, en alternance, à l’apprentissage du métier de technicien support, avec une grosse option réalité virtuelle. Le cursus est de trois à quatre mois de cours pour 15 à 16 mois en entreprise. Parmi celles-ci, la SNCF, qui utilise des casques de réalité virtuelle pour former ses conducteurs et conductrices de train.

Une autre école existe sur le même modèle à Montreuil, mais plutôt pour former au métier de concepteur développeur spécialisé en technologies immersives, et d’autres encore à Marseille et Nice.


La présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse s'essaie au casque de réalité virtuelle de Meta, le Meta Quest 2, le 8 février, à l'Académie du métavers de Simplon, à Aulnay-sous-bois.
La présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse s'essaie au casque de réalité virtuelle de Meta, le Meta Quest 2, le 8 février, à l'Académie du métavers de Simplon, à Aulnay-sous-bois. - Aude Lorriaux


« Métiers de demain »

« On a des centaines de milliers de jeunes en Ile-de-France qui cherchent leur voie. Le problème c’est l’inadaptation des qualifications car les métiers changent et c’est difficile de trouver sa voie dans ce contexte », plaide Valérie Pécresse. « La conviction que nous avons c’est que les métiers que vous avez vus sont les métiers de demain », abonde Laurent Solly, Vice-Président Europe du Sud de Meta.

C’est aussi ce que pense Léo, 19 ans, qui a atterri à Simplon après avoir travaillé dans une chaîne de restauration rapide puis comme agent des parcs à Courbevoie. « Il y a tellement de points positifs que cette technologie peut apporter » s’enthousiasme le jeune homme, employé par Antilogy, un cabinet de conseil qui aide les entreprises à faire leur transformation numérique.

Inclusion

Simplon n’est pas qu’une école. L’entreprise utilise le numérique comme levier d’inclusion, privilégiant les territoires avec des difficultés sociales et cherchant à attirer des femmes et des publics fragiles, le tout pour leur offrir une formation gratuite. Depuis ses débuts, en 2013, Simplon a formé plus de 20.000 personnes dont 50 % ayant moins ou juste le baccalauréat, 45 % de femmes, 20 % de personnes réfugiées et 10 % de personnes en situation de handicap.

Pour cette fois, le pari n’a pas complètement réussi pour ce qui est de la parité, car la promotion « Métavers » compte 14 garçons pour 2 femmes. Ce n’est pas faute d’avoir essayé : « Sur une cinquantaine de candidatures nous avions sept femmes, dont des personnes qui n’avaient jamais ouvert un ordinateur de leur vie. On en a retenu trois, dont une qui n’est finalement pas venue », explique Joan Espejel, le directeur de Simplon Ile-de-France.

Patricia, 57 ans, est l’une de ces deux recrues. Après avoir travaillé dans la restauration pendant dix-sept ans, puis exercé comme chauffeuse de taxi pendant presque 7 ans, la voilà plongée dans la réalité virtuelle. « Le métavers, ça peut apporter plein de choses à l’éducation, la santé, le travail. Par exemple à Pôle emploi des entreprises viennent et présentent leur poste avec des casques ou les personnes peuvent voir leur journée de travail. En quelques minutes, on se voit dans le métier, ça peut apporter quelque chose à l’orientation professionnelle » , explique-t-elle.



Ascenseur social

Le numérique offre des opportunités d’emploi et peut permettre de redynamiser des territoires comme celui d’Aulnay, qui compte parmi les plus pauvres de la région, avec un taux de pauvreté* de 28 %, soit le double de la moyenne nationale, selon l’Observatoire des inégalités, s’appuyant sur l’Insee. « Notre conviction c’est que le numérique a une dimension d’ascenseur social, et c’est le rôle d’une grande entreprise de venir dans les territoires comme celui-ci, car le numérique n’est pas réservé aux grandes écoles » explique Laurent Solly. « Nos jeunes ne peuvent pas être condamnés à aller, soit en filière médico-sociale, soit à devenir agent de sécurité », renchérit Frank Cannarozzo, président de la maison de l’emploi d’Aulnay-sous-Bois, qui accueille la formation de Simplon.

C’est justement ce qui a motivé Alexandre, qui habite Aulnay-sous-Bois, à rejoindre cette formation. « La technologie m’a toujours épanoui, mais je n’avais pas forcément les compétences pour continuer en école supérieure. Grâce à Simplon j’ai eu cette chance », explique le jeune homme de 19 ans devant journalistes, élus et responsables politiques.

Alexandre, Léo, Patricia et les autres apprenants trouveront-ils un job à coup sûr en sortant de la formation ? C’est ce qu’ils et elles espèrent, mais ce n’est pas non plus garanti à 100 %. Joan Espejel n’est pas encore sûr de reconduire la formation, car selon lui, les entreprises cherchent davantage de datas analystes et sont demandeuses pour l’instant plutôt de formations de techniciens informatiques plus « classiques ».

« La maturité du marché nous questionne : est-ce qu’il y a assez d’emplois ? » s’interroge-t-il. Tout dépendra du déploiement du métavers, et du pari de Meta, dont la branche de recherche et de commercialisation sur tout ce qui touche au métavers, Reality Labs, a enregistré près de 14 milliards de pertes en 2022.