« Sdrif-E », derrière cet acronyme barbare se joue l’avenir de l’Ile-de-France
REPORTAGE La région consulte les habitants et habitantes pour préparer son nouveau schéma directeur, qui doit décider de l’avenir de l’Ile-de-France, mais ces réunions sont-elles assez solides pour que les avis citoyens soient vraiment pris en compte ?
- 20 Minutes a assisté mardi soir à Paris à la dernière réunion de concertation sur le Sdrif-E, le schéma directeur de la région Île-de-France Environnemental, qui doit dessiner l’Île-de-France de demain.
- Vidéo, powerpoint, débats… La région a tenté d’impliquer les participants et participantes mais certains ont jugé que c’était un peu trop « rapide » pour être réellement « constructif ».
- « La concertation apparaît pour l’instant être plus de façade qu’en réelle profondeur », estime dans un communiqué publié mercredi l’association France Nature Environnement Ile-de-France.
« Est-ce que la Ville de Paris compte faire un nouveau bois de Boulogne ? », « Pourquoi ne pas envisager la gratuité des transports ? », « Pourquoi ne pas mettre plus de panneaux solaires sur les toits ? » Dans la salle de la halle Pajol, dans le 18e arrondissement de Paris, des questions et propositions fusent. Peu de monde ce soir-là (13 personnes), mais un groupe motivé, invité par la région Ile-de-France à réfléchir sur le prochain « Sdrif ».
Cet acronyme un peu barbare, qui signifie « schéma directeur de la région Île-de-France », désigne la feuille de route de la région pour tout ce qui concerne l’aménagement du territoire. Comme nous l’a résumé en amont par téléphone Philippe Schmidt, le président de la mission régionale d’autorité environnementale, il s’agit d’un « document stratégique qui pose les orientations de la région pour les 15-20 ans qui viennent ».
Une concertation obligatoire
Le Sdrif « concerne tous les Franciliens. Il répond à une question simple : quelle Île-de-France en 2040 ? Et d’une façon très concrète sur des problématiques du quotidien : combien de logements voulons-nous construire ? Comment voulons-nous concilier réindustrialisation, création d’emplois et protection de l’environnement ? », explique la région, qui a choisi de nommer « son » Sdrif « Sdrif-E », le E signifiant « environnement », pour marquer l’importance qu’elle compte donner à ce sujet dans son nouveau document.
Ce document est tellement important que la région a l’obligation d’engager au préalable une concertation avec les habitants et habitantes de la région, qui peuvent donner leur avis. Des rencontres ont donc été organisées dans chaque département, sous l’égide de la Commission nationale du débat public, la dernière ayant eu lieu le 14 décembre à Paris, à laquelle 20 Minutes a assisté.
Une petite demi-heure de travail en groupe
Dans la salle, les participants et participantes ont droit à une petite vidéo de présentation. « Le Sdrif-E doit limiter l’étalement urbain, concourir à la neutralité carbone, limiter la production de déchets », détaille-t-on, avant de nous donner le calendrier : le premier jet du Sdrif sera adopté par les élus au premier trimestre 2023, puis définitivement adopté en 2024. L’écran laisse la parole à la présidente de la région, Valérie Pécresse, qui invite chacun et chacune à contribuer : « Ces questions vous concernent tous. » Puis la déléguée du Sdrif-E, Valérie Belrose, annonce les grands enjeux, que le public est invité à prioriser sur une feuille, après s’être réuni en petits groupes.
Faut-il en premier lieu lutter contre les émissions de CO2 ? Adapter le territoire au changement climatique ? Disposer de plus de logements ? Développer l’économie circulaire, les mobilités ou encore l’attractivité du territoire ? Ou bien réduire l’artificialisation des sols ? Dans le groupe auquel participe 20 Minutes, on se gratte la tête et on phosphore. « On veut réduire l’artificialisation des sols mais renforcer l’attractivité, c’est contradictoire ! », fait remarquer Barthélemy. « Mon point de vue, c’est qu’il ne faut pas construire plus de logements, mais en donner plus à ceux qui n’en ont pas », rebondit plus tard Anne. Le débat s’enclenche, les avis divergent, convergent, mais en moins d’une demi-heure, a-t-on réellement le temps de trancher de telles questions ?
Des éléments factuels
Sur l’estrade, Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président du conseil régional d’Ile-de-France chargé du logement, de l’aménagement durable du territoire et du SDRIF-E prend consciencieusement des notes, de même que Stéphane Leclerc, directeur de l’urbanisme à la mairie de Paris. « Je ne suis pas là pour dire c’est bien ou c’est mal ce que vous avez dit, mais je vais remettre en perspective et essayer de vous apporter des éléments factuels », explique le vice-président.
« Une terre artificialisée est une terre qui n’a plus la capacité à absorber de l’eau », explique plus tard Jean-Philippe Dugoin-Clément, à l’attention d’une dame un peu perdue dans les définitions. A Gilles, qui se définit comme « citoyen urbaniste » et proposait de créer une « carte d’affectation des friches » disponibles, pour créer du logement ou remettre de la nature, l’élu répond : « Il y a déjà un travail fait par l’Institut Paris région, qui a recensé 4.600 hectares en Ile-de-France, dont 60 % sont des terres agricoles, principalement parce qu’elles ne sont pas reprises. »
Difficile de faire avancer le schmilblick avec si peu de temps, et sans formation préalable. Ces réunions publiques sont-elles vraiment destinées à prendre des idées, ou juste une opération de communication ? « La concertation apparaît pour l’instant être plus de façade qu’en réelle profondeur », estime dans un communiqué publié mercredi l’association France Nature Environnement Ile-de-France. Kevin, un participant enthousiaste avec lequel on avait discuté en début de réunion, nous confie en sortant, cette fois un peu dépité : « C’était un peu rapide et pas très constructif. »
Les Franciliens et Franciliennes qui veulent encore apporter leur contribution peuvent le faire jusqu’au 15 décembre sur le site Internet de la région. Une visioconférence, ouverte à tous les Franciliens, aura également lieu le 15 décembre 2022 de 19 heures à 21 heures, pour laquelle il faut s’inscrire en ligne (lien zoom : https://us02web.zoom.us/j/85158990265).