Trottinettes en libre-service : Entre « moyen fiable » et « vrai danger », nos lecteurs s’entredéchirent

Votre vie, votre avis La mairie de Paris a menacé de ne pas reconduire l’autorisation des trottinettes en libre-service sur l’espace public en raison de leur danger et de l’encombrement des rues. Nos lecteurs réagissent

Propos recueillis par Guillaume Novello
Les trottinettes en libre-service ne séduisent pas vraiment nos lecteurs.
Les trottinettes en libre-service ne séduisent pas vraiment nos lecteurs. — G. Novello
  • Les trottinettes en « free-floating » pourraient bien disparaître des rues parisiennes d’ici à février prochain. C’est en tout cas la menace de la mairie de Paris pour forcer les opérateurs à réduire les risques et l’encombrement de l’espace public.
  • Près de 70 % de nos lecteurs qui ont répondu à notre appel à témoignages sont favorables à leur interdiction, principalement en raison du danger qu’elles représentent. « Les gens font n’importe quoi et n’ont aucun respect, avance Mélina. Ils roulent sur le trottoir et n’en ont rien à faire des piétons. »
  • Pour la minorité en faveur de leur maintien, « les trottinettes répondent aux limites évidentes de l’offre en transport public à Paris », comme le souligne Olivier.

On n’avait pas connu débat plus enfiévré depuis l’affaire Dreyfus. Car la question de savoir s’il faut ou non interdire les trottinettes en libre-service dans la capitale enflamme nos lecteurs avec près d’une centaine de contributions sur la question (96 pour être exact). Pour rappel, jeudi 29 septembre, la mairie de Paris a sommé les trois opérateurs de trottinettes en « free-floating » de trouver d’ici un mois des solutions afin de limiter les usages dangereux et l’encombrement des rues. Dans le cas contraire, David Belliard, l’adjoint aux mobilités et à la voirie, a agité la menace de ne pas renouveler la convention en février 2023. Nous avons donc sollicité nos lecteurs pour savoir ce qu’ils en pensaient. La grosse majorité d’entre eux (69 %) sont favorables à une interdiction ou a minima à un encadrement très strict. 26 % se prononcent pour leur maintien et cinq contributeurs ont une position médiane.

Honneur à celles et ceux qui souhaitent le maintien du service de trottinettes en « free-floating » principalement en raison de l’absence ou de la défaillance des transports en commun. Ainsi Olivier, qui vit sur la ligne 13, avance que « les trottinettes répondent aux limites évidentes de l’offre en transport public à Paris : la ligne est bondée quand elle fonctionne ». « La voiture est devenue impossible, le métro est souvent en retard […], la trottinette permet de faire tous ses trajets pour lesquels les Parisiens n’ont pas d’autres solutions », appuie Manon. Matthieu est du même avis : « Quand le métro est fermé après minuit, cela m’évite de prendre des taxis trop chers ou difficiles à trouver le soir. » « Pourquoi nous enlever ce moyen de transport fiable et non polluant à l’heure où il n’est plus possible de circuler autrement à Paris ? », s’interroge également Louise.

« C’est un moyen de transport qu’il faut encourager »

Clément pense à l’attractivité touristique de la capitale car « c’est un moyen de transport très utile et super pour le tourisme. [Les trottinettes] permettent de se déplacer et de s’arrêter où l’on veut tout en découvrant la ville. » Margaux, quant à elle, trouve que c’est un moyen de mobilité rassurant : « En tant que femme, je me sens plus en sécurité seule sur mon véhicule électrique personnel que de marcher seule dans la rue ou prendre les transports. »



Mais c’est la logique derrière la menace d’interdiction qui échappe à Ludivine : « Se baser sur le nombre d’accidents pour justifier un non-renouvellement des autorisations […] n’a pas de sens. Combien d’accidents impliquent des voitures tous les jours à Paris ? » Enfin Camille va plus loin puisqu’elle estime que « l’usage de trottinette en ville est l’un des moyens de transport qu’il faut encourager ». Elle se dit même prête à rédiger « une plainte si l’usage de ces trottinettes est prohibé ».

« J’en ai marre de voir des enfants hospitalisés »

Evidemment, pour les opposants aux trottinettes en libre-service, c’est tout autre chose. Principal grief : la sécurité. « Je rase les murs de peur d’être heurtée par l’une d’entre elles », témoigne Mathilda pour qui « marcher à Paris sur les trottoirs est de plus en plus dangereux ». Pour sa part, Sophie s’est cassé le coude en allant au travail un matin : « Un connard [sic] sur le trottoir en trottinette à toute allure m’a propulsée dans le mur. » Bilan : six semaines d’arrêt après une intervention. Là, c’est le chien d’Isabelle, « pourtant de la taille d’un labrador [qui a] manqué une bonne dizaine de fois de se faire percuter par des utilisateurs de trottinettes ». « Je travaille en l’hôpital pédiatrique et j’en ai marre de voir des enfants hospitalisés pour quelque chose qui pourrait être évité », abonde Mélina.


La principale cause de ce sentiment d’insécurité semble résider, selon nos contributeurs, à un non-respect du Code de la route. « Les gens font n’importe quoi et n’ont aucun respect, poursuit Mélina. Ils roulent sur le trottoir et n’en ont rien à faire des piétons. » Antoine dénonce « l’impunité des conducteurs qui ne s’arrêtent à aucun feu rouge, roulent sur les trottoirs, frôlent les piétons et laissent les véhicules traîner n’importe comment et n’importe où ». Odile confirme : « Je suis pourtant une utilisatrice mais c’est un vrai danger pour les piétons. Les gens roulent sur les trottoirs, ne respectent pas du tout les passages piétons ni les feux rouge. »

« C’est bien dommage qu’il n’y ait pas de sanction »

Mais pour Ludivine, justement « interdire les trottinettes en libre-service ne réglerait pas les problèmes de cohabitation sur les routes parisiennes entre les automobilistes, les motards, les cyclistes, les piétons ». Elle préconise donc d'« ajouter des feux de croisement sur les pistes cyclables, des passages piétons mieux identifiés, de mettre à disposition des agents de la mairie pour verbaliser les personnes qui ne respectent pas le Code de la route ». « C’est bien dommage qu’il n’y ait pas de sanction », se désole Gilles qui en est « au point d’être à peine triste lorsqu’il y a des accidents tellement les gens commettent des incivilités ».

On l’a vu la cohabitation avec les piétons est compliquée mais elle l’est aussi avec les autres moyens de locomotion. Pour Aurélie, « cycliste dans Paris depuis trois ans », « les trottinettes en libre-service sont un cauchemar. Je ne compte plus le nombre de trottinettes "abandonnées" au milieu de la piste cyclable, mal garées, qui circulent à contresens sur la route et/ou la piste cyclable. » Chauffeur de taxi, Daniel « assiste tous les jours à des comportements, non seulement dangereux mais stupides ». Selon lui, « le respect est la clé de voûte d’une bonne entente entre les citoyens et malheureusement à Paris on est en pleine pénurie ».

Enfin Stéphane assure que « les trottinettes ne sont pas des solutions de décarbonation pour Paris ». « Elles ne réalisent que de petits trajets qui se font facilement à pied ou en transports en commun, ajoute-t-il. Leur cycle de vie global (de leur construction jusqu’à la fin de leur utilisation) est des plus polluants. » Et Julien de conclure : « Marcher c’est bien aussi. »