Ile-de-France : Face aux agressions, les agents de l’ONF sortent du bois
FORET Les agent(e)s de l'Office national des forêts d'Ile-de-France se plaignent de l'augmentation de remarques dégradantes, voire de gestes de franche hostilité
- Les agent(e)s de l’Office national des forêts (ONF) d’Ile-de-France sont de plus en plus victimes d’agressions, verbales et parfois physiques, qui créent un climat « pesant ».
- Face à ce phénomène, l’ONF a lancé une enquête interne et publié un communiqué pour « tirer la sonnette d’alarme », selon les mots de Michel Béal, directeur de l’agence Ile-de-France Ouest.
- Pour ce dernier, ces altercations sont souvent le fait de personnes mal informées des fonctions de l’ONF.
Ce n’est pas le retour du loup dans les forêts franciliennes qui inquiète le plus l’Office national des forêts (ONF). Mais bien une espèce plus agressive, le promeneur véhément. A tel point que l’ONF d’Ile-de-France est sorti de ses sous-bois pour publier un communiqué intitulé « Agression des travailleurs en forêt : les forestiers franciliens sont très touchés ». Fin mars, l’office avait lancé une enquête interne « auprès de ses forestiers pour qualifier et quantifier l’état de leurs relations avec les usagers des forêts publiques », selon le communiqué.
« Nous avons eu 60 % de répondants, ce qui est un taux élevé et révèle que les salariés se sentent concernés », analyse Michel Béal, directeur de l’agence Ile-de-France Ouest de l’ONF, pour qui « le phénomène s’est amplifié ces cinq dernières années ». Selon cette étude, « 88 % des répondants déclarent avoir déjà été témoins ou victimes d’une altercation dans l’exercice de leurs fonctions ». 45 % d’entre eux ont subi des reproches verbaux du type « J’aurais honte de faire votre métier » ou encore « vous êtes inutiles ». Enfin 10 % des répondants affirment avoir « été physiquement pris à partie ».
Menaces et pneus crevés
Mais parfois, cela va plus loin. Ainsi, Nicolas, responsable de l’unité territoriale de Fontainebleau, cite le cas d’un forestier qui « cet hiver a découvert que les pneus de son véhicule de fonction avaient été crevés, ce qui pose question en termes de sécurité ». Ou un autre agent qui effectue « un rappel à l’ordre à des gens qui coupent illégalement du bois dans la forêt et qui se voit rétorquer : "De toute façon, on sait où tu habites, ne t’inquiète pas !" » « On a aussi retrouvé des clous plantés dans les troncs abattus, ce qui peut être très dangereux si on ne les repère pas avant d’envoyer le bois en scierie », alerte Michel Béal. Mais ce sont aussi « des reproches au quotidien comme "Vous allez raser la forêt" » qui produisent un « sentiment pesant », signale Nicolas. « Ça joue beaucoup sur le moral. Lorsque l’on remet en cause le métier de passionnés, c’est très pesant. »
« C’est souvent le fait de personnes qui ne sont pas bien informées, estime Michel Béal. Elles ne comprennent pas le fonctionnement de l’ONF et sont mécontentes des coupes de bois. » L’ONF multiplie en effet les casquettes sans toujours que le grand public ne sache de quoi il en retourne. En Ile-de-France, l’ONF gère 93.000 hectares de forêts, majoritairement des forêts publiques domaniales, c’est-à-dire appartenant à l’Etat, mais il est aussi gestionnaire de bois appartenant à des collectivités locales.
Des millions de visiteurs par an
Dans ces bois, l’ONF accomplit trois missions. Tout d’abord, « l’accueil du public avec des places de stationnement, des chemins balisés, des panneaux d’information », liste Michel Béal qui avance le chiffre de 80 à 100 millions de visiteurs par an. Mais l’ONF doit « préserver et améliorer la biodiversité des forêts où il y a beaucoup de faune et de flore ». Enfin, l’office doit « faire en sorte que la forêt se maintienne, qu’il y ait toutes les classes d’âge et un bon mélange des essences ». Et cela, ça passe par des coupes et « c’est normal », assure Michel Béal pour qui la problématique principale est de parvenir à « conjuguer ces trois missions ».
Et pour faire face à ces agressions, l’ONF mise sur la communication et l’information du public sur ses fonctions, sans exclure « des procédures plus contentieuses », explique le directeur, citant l’exemple d’un dépôt de plainte après le flagrant délit d’un serial tagueur de panneaux de l’ONF. Mais rappelle Nicolas, « bien souvent, en discutant un peu, on désamorce facilement ». La discussion, il n’y a rien de mieux.