Présidentielle 2022 : Après la déroute du premier tour, comment Pécresse et Hidalgo vont-elles gérer leurs fins de mandats ?
TURFU Anne Hidalgo et Valérie Pécresse, têtes de gondoles en région parisienne, ont pour point commun d’avoir toutes deux connues une désillusion au soir du premier tour de l’élection présidentielle
- Au premier tour de la présidentielle, Anne Hidalgo obtient 1,75 % des suffrages exprimés tandis que la présidente de région plafonne à 4,78 %.
- De mauvais résultats qui ne devraient pas avoir un impact déterminant sur la suite de leur action au niveau local, estime Stéphane Troussel, président du département de Seine-Saint-Denis.
- En revanche, pour les élues LR du Conseil de Paris, Anne Hidalgo sort affaiblie de la campagne présidentielle et elles entendent bien en profiter.
Une soirée électorale à oublier pour les deux patronnes de la région parisienne. Ni Anne Hidalgo, ni Valérie Pécresse ne sont parvenues à franchir la barre des 5 % de suffrages exprimés au premier tour de la présidentielle. La maire de Paris peine à 1,75 % tandis que la présidente de région plafonne à 4,78 %. Si au niveau francilien, Valérie Pécresse fait un peu mieux avec 6,19 %, c’est la cata pour Anne Hidalgo qui tombe 1,43 %, en dessous de Jean Lassalle (1,59 %) ! Mais les deux femmes vont vite devoir digérer leur échec pour se concentrer sur leurs enjeux locaux.
Cette mésaventure commune peut-elle peser sur la suite de leurs mandats ? « Ça ne remet pas en cause leur capacité à gouverner, juge Stéphane Troussel, président PS de Seine-Saint-Denis. Elles ont été élues, elles ont leur légitimité et les défaites électorales ça arrive à d’autres, Chirac a perdu en 1981 alors qu’il était maire de Paris. » Pour lui, la déroute de dimanche soir ne serait qu’une péripétie, peu à même de les gêner dans leur poursuite de leur mandat local.
Que faire de son bilan ?
Nelly Garnier, élue LR au Conseil de Paris et à la région, voit les choses autrement, surtout concernant la maire de la capitale. « Anne Hidalgo est très affaiblie, elle ne fait que 23.000 voix à Paris. Il n’y a aucun territoire où elle est présente, même dans le 11e arrondissement où elle est élue, elle ne fait que 2,9 %, cible-t-elle. A Paris, Valérie Pécresse fait un peu plus de 69.000 voix, ce n’est pas du tout le même niveau de chute. » Et pour Nelly Garnier, cette dégringolade Hidalgo s’explique par son bilan à la Mairie de Paris : « Ces résultats traduisent la mise en lumière de la politique d’Hidalgo à Paris, notamment avec le mouvement #SaccageParis. Il y a une remise en cause profonde de sa gestion à Paris. » « Le bilan d’Hidalgo est le boulet de sa campagne et ça s’est vu au grand jour, appuie Valérie Montandon, également élue LR à Paris et à la Région. Elle paye son action calamiteuse à Paris. »
« Ça n’a rien à voir, rétorque Olivia Polski, adjointe à la maire de Paris en charge du commerce. Pour les Parisiens, cette élection présidentielle est très déconnectée des enjeux locaux. » La preuve pour elle de cette déconnexion, c’est que l’opposition LR qui ne cesse d’attaquer la majorité n’a pas du tout profité de la situation. « La position outrancière de LR ne s’est pas traduite en voix », abonde David Belliard, adjoint écolo en charge des transports. « Nombre d’électeurs de gauche ont voté utile face au danger de l’extrême droite », ajoute Olivia Polski.
L’argument du vote utile est également invoqué par Nelly Garnier mais cette fois au détriment de Valérie Pécresse, qui a davantage été pénalisée par un transfert en faveur d’Emmanuel Macron que la façon dont elle a géré l’Ile-de-France. « Elle n’a pas été critiquée sur son bilan régional », assure-t-elle. C’est d’ailleurs sur ce point qu’un membre de sa campagne lui formule quelques reproches. « Elle aurait dû davantage s’appuyer sur ce qu’elle a fait en Ile-de-France et insister sur le fait que c’était le laboratoire de ses idées. Elle l’a fait avant la campagne, mais pas pendant, regrette cette source. Pendant la crise sanitaire, elle est parvenue à obtenir des masques avant le gouvernement, et il aurait fallu le dire. Si elle s’était appuyée sur son bilan, elle aurait été sans doute plus à l’aise et plus authentique. »
Anne Hidalgo ciblée
Et pour la suite, Nelly Garnier ne s’inquiète pas trop pour Valérie Pécresse qui dispose d’une « majorité très solide en Ile-de-France », à même d’encaisser une éventuelle nouvelle offensive de Macron sur LR. En revanche, les deux élues de droite ne comptent pas ménager Anne Hidalgo. « On s’est toujours dit qu’elle aurait du mal à revenir, indique Valérie Montandon. Son résultat va fragiliser encore plus sa majorité, surtout que les sujets qui fâchent ont été mis de côté mais vont devoir être traités comme le Plan local d’urbanisme qui risque de l’opposer aux Verts. » Et l’opposition LR entend bien appuyer là où ça fait mal. « Il y a moyen de la bloquer en mobilisant d’autres groupes politiques », pronostique Nelly Garnier.
« Bien sûr que les sarcasmes et les critiques vont exister, relativise Stéphane Troussel. Mais Anne Hidalgo sait bien que la politique n’est pas un long fleuve tranquille. Et puis elle est pleinement investie dans les JO où elle assume ses responsabilités. Elle est toujours là dans les moments décisionnels importants. » « La majorité est solide sur son contrat de base et à chaque fois qu’on a dit que ça tanguait, elle a tenu », appuie Olivia Polski. En revanche, la position de David Belliard est plus nuancée. Prenant acte du gros score de Jean-Luc Mélenchon (30 % des voix à Paris, juste derrière Macron), il s’interroge sur le besoin « de politiques plus affirmées, qui prennent mieux en compte les inégalités sociales, fortes dans la capitale ». Conscient également d’un « mouvement de fond critique de la politique qu’on mène, il préconise de lui donner plus de sens, de mieux expliquer et de mieux répondre aux attentes du quotidien ». Ça ressemble étrangement à une feuille de route pour la deuxième moitié du mandat d’Anne Hidalgo.