Paris : Un syndicat porte plainte contre la RATP à cause de la pollution dans le métro

BATAILLE DE CHIFFRES Le syndicat SAT-RATP porte plainte pour « mise en danger délibérée d’autrui » contre l’organisme de transport francilien à cause de la pollution subie par les agents dans le métro

Aude Lorriaux
Le réseau de la RATP (illustration).
Le réseau de la RATP (illustration). — Miguel Medina afp.com
  • Des excès de mortalité des agents et agentes de la RATP ont été constatés dans un document daté de mars 2013 du Service de santé au travail de la régie. Cette étude porte sur la période 1980-1999.
  • Pour le SAT-RATP, « la RATP refuse de faire le lien entre la pollution et les décès, mais elle n’apporte aucun élément qui prouve le contraire ». Le syndicat ajoute que d’autres études ne leur ont pas été communiquées.
  • Du côté de la RATP, on souligne que l’étude s’arrête à 1999 et on explique que dans la dernière étude commandée « les surmortalités n’apparaissent plus ». Celle-ci devrait être présentée aux organisations syndicales représentatives « dans les prochaines semaines ».

La pollution du métro parisien inquiète ses agents. Le Syndicat Autonome Tout RATP (SAT-RATP), qui défend les salariés de la RATP, a décidé de porter plainte contre l’organisme de transport francilien pour « mise en danger délibérée d’autrui », selon le texte de la plainte que 20 Minutes a pu consulter.

« Malgré les obligations qui lui incombent en sa qualité d’employeur, la RATP refuse d’informer ses salariés et continue de les exposer à des risques sanitaires considérables dont elle a parfaitement connaissance. C’est pourquoi le SAT-RATP a décidé de porter plainte », écrit le syndicat dans un communiqué.

Surmortalité

Le syndicat s’appuie sur un document du Service de santé au travail de la RATP daté de mars 2013 qui note des excès de mortalité chez les personnels en comparaison des moyennes en Ile-de-France. L’étude est effectuée par l’Institut national de veille sanitaire (InVS) sur la période 1980-1999. Les agents et agentes qui ont travaillé pendant cette période sont majoritairement morts de cancers (44 % des décès chez les hommes, 42 % chez les femmes), principalement de cancers broncho-pulmonaires (27 % des décès par tumeurs).

Surtout, il existe chez les agents de manœuvre et de transport une surmortalité élevée par cancers par rapport à la population d’Ile-de-France, particulièrement pour les cancers de l’œsophage, de l’intestin, du larynx et des autres parties de l’appareil respiratoire (respectivement +124 %, +123 %, +153 %, +108 %). Les agents de station ont également une surmortalité globale de 30 % par rapport à la population d’Ile-de-France, ainsi que par rapport à leurs collègues RATP qui sont dans des bureaux ou protégés par les cabines de train. Idem chez les ouvriers de la voie (+38 % de surmortalité) et ceux de la maintenance (+51 %).

Une surmortalité toujours actuelle ?

Mais cette étude s’arrête en 1999, et indique qu’il n’est pas possible « de faire le lien entre les conditions de travail actuelles et la santé ». « Les conditions de travail ont évolué depuis cette époque », note le document, qui recommande tout de même « la mise en place d’une traçabilité des expositions » et une étude « approfondie ».

Une étude a bien été réalisée de 2000 à 2012, et achevée en 2018, mais la RATP « refuse de communiquer l’ensemble des éléments », dénonce Réda Benrerbia, secrétaire général du SAT-RATP. « La RATP refuse de faire le lien entre la pollution et les décès, mais elle n’apporte aucun élément qui prouve le contraire. Après 2012, il y a d’autres études qui ne nous ont pas été communiquées non plus. On a fini par faire notre propre étude avec l’association Respire dans le métro, qui montrait des niveaux de pollution plus élevés que ceux relevés par la RATP, mais ils ont balayé les résultats », ajoute le syndicaliste.

De nouveaux résultats vont être rendus publics

La société de transports francilienne a répliqué dans un communiqué, « démentant formellement ces allégations », et qualifiant le SAT-RATP de syndicat « non-représentatif » (le syndicat n’a pas réuni 10 % des votes au premier tour des élections professionnelles). La RATP explique pourquoi elle n’a pas jugé bon de communiquer ces résultats jusqu’à présent : « La phase pour comprendre les résultats a duré un an, puis il y a eu les grèves et début 2020 la crise sanitaire », explique Grégory Carillo, responsable de l’unité prévention santé au travail de la RATP.

Par ailleurs selon Grégory Carillo, la surmortalité attachée à certaines catégories dans l’étude réalisée entre 1980 et 1999 s’explique par les « modes de vie » de l’époque et par une politique de reclassement affectant les personnes les plus fragiles à des métiers qui étaient à l’époque sédentaires, comme le métier d’agent de station, qui a complètement évolué aujourd’hui et n’est plus visé par les politiques de reclassement. Enfin la dernière étude, où selon Grégory Carillo « les surmortalités n’apparaissent plus », devrait faire l’objet d’une présentation aux organisations syndicales représentatives « dans les prochaines semaines ».