RER B : La RATP et la SNCF menacent Alstom d'«engager des actions judiciaires »

TRANSPORT Le PDG d’Alstom a évoqué mercredi la perspective de perdre « beaucoup d’argent » sur ce contrat de 2,5 milliards d’euros pour la fabrication de 146 RER pour la ligne B

20 Minutes avec AFP
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Alstom a réalisé sur son dernier exercice 2018-19 un chiffre d'affaires de 8,1 milliards d'euros
Alstom a réalisé sur son dernier exercice 2018-19 un chiffre d'affaires de 8,1 milliards d'euros — AFP

Le bras de fer prend un tournant offensif. Alors qu’Alstom souhaitait il y a quelques jours « renégocier » le méga-contrat de 2,56 milliards d’euros pour la fabrication de 146 rames de RER pour la ligne B, l’entreprise a finalement choisi d’aller à l’affrontement avec la RATP et la SNCF. Et ce, en retirant l’offre de Bombardier Transport, qui avait remporté le marché mais était devenu entre-temps propriété d’Alstom. Ce dernier expliquant que le contrat n’est pas viable.

Les entreprises ferroviaires ont condamné cette décision, se disant prêtes « à engager toutes les actions judiciaires » pour obliger le groupe français à exécuter le contrat, alors qu’une bataille judiciaire de longue haleine se prépare.

Multiplication des recours

Depuis plusieurs semaines, Alstom avait multiplié les recours, parvenant à retarder la signature du contrat jusqu’à sa prise de contrôle de Bombardier Transport, effective depuis le 29 janvier. « Les conditions technico-financières de l’offre du consortium Bombardier-CAF ne correspondent pas aux prix de marché et ne permettent pas d’exécuter ce contrat sans risques importants pour le financeur, l’exploitant, les voyageurs et pour notre entreprise », a expliqué le constructeur ferroviaire.

Alstom, dont les propositions de médiation ont été rejetées, dit par conséquent « n'[avoir] eu d’autre choix » que d’annoncer le retrait de l’offre de Bombardier Transport. S’il a « toujours honoré ses contrats », il indique n’avoir « jamais signé ni démarré » un «contrat qu'[il] sait, dès la signature, déséquilibré (techniquement, industriellement ou financièrement)».

« Trop belle pour être vraie »

Le PDG d'Alstom Henri Poupart-Lafarge avait évoqué mercredi la perspective de perdre « beaucoup d’argent » sur ce contrat, jugé mal ficelé. « Cette offre est trop belle pour être vraie », a-t-il expliqué jeudi soir dans un entretien au Figaro. « Elle montre une agressivité sur les coûts qui n’est pas raisonnable. Les choix techniques ne comportent aucune marge d’erreur, ceux des équipements sont réalisés au plus juste et le gabarit des trains n’est pas aux normes ». Le calendrier est en outre trop serré et les coûts sous-estimés, a-t-il accusé.

« Si nous acceptions ces conditions, il est certain que la RATP, qui est un client très exigeant, nous demanderait de tout refaire et nous pénaliserait en cas de retard », a-t-il ajouté. « Il reste l’offre d’Alstom qui est toujours sur la table », a relevé le dirigeant. « Si la RATP ne veut pas discuter et que le RER B prend du retard, ce sera de sa responsabilité et de celle de la région Ile-de-France, qui devront lancer un nouvel appel d’offres », a asséné Henri Poupart-Lafarge.

« Stratégie d’entrave »

La RATP, la SNCF et Ile-de-France Mobilités – qui finance les trains – considèrent que le constructeur est tenu d’honorer le contrat, signature ou pas, dès lors qu’il a fait une offre ferme et qu’il a été retenu. Sans négociation possible. « Le groupement RATP/SNCF Voyageurs se dit prêt à engager toutes les actions judiciaires à l’encontre d’Alstom-Bombardier, compte tenu de l’engagement pris par le groupement Bombardier/CAF lors de la remise de l’offre ferme », le 4 janvier, ont indiqué les deux entreprises publiques dans un communiqué commun jeudi soir.

« Par son rachat de la société Bombardier Transport, Alstom a repris l’ensemble des contrats et engagements de l’entreprise », ont-elle ajouté. S’agissant de l’offre elle-même, RATP et SNCF se sont indignées des commentaires d’Alstom, notant qu’un cabinet externe « reconnu et indépendant » l’avait validée, outre leurs propres services.

La présidente d’Ile-de-France Mobilités et de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse a encore dénoncé jeudi matin « la stratégie d’entrave absolument scandaleuse d’Alstom », lui demandant de « tenir sa parole ». Valérie Pécresse a convoqué la RATP et la SNCF vendredi afin de trouver des solutions « pour sortir de l’impasse », selon un porte-parole.