Ile-de-France : Pourquoi Alstom veut-il « renégocier » le contrat pour les 146 nouveaux RER B ?
TRANSPORTS Alstom qui souhaite « renégocier » le méga-contrat de 2,5 milliards d’euros pour la fabrication de RER pour la ligne B. La RATP et la SNCF s’y refusent
- Le PDG d’Alstom Henri Poupart-Lafarge a indiqué mercredi qu’il comptait renégocier le contrat des nouveaux RER B.
- Alors qu’une demande de médiation avec la RATP et la SNCF a été demandée, les entreprises de transports refusent d’y prendre part.
- « Il serait inacceptable qu’un groupe industriel prenne en otage ses clients et des centaines de milliers de Franciliens », fait savoir Valérie Pécresse, présidente de la région et d’Ile-de-France Mobilités.
Le torchon brûle et des retards de livraisons pourraient se faire sentir. En cause, un litige entre Alstom, la RATP et la SNCF. Mi-janvier, le canadien Bombardier Transport, associé à l’espagnol CAF, a remporté l’appel d’offres pour le renouvellement de 146 rames du RER B. Mais devenu propriété d’Alstom fin janvier, Bombardier se retrouve au milieu d’un imbroglio. Alstom, qui de fait a récupéré tous les contrats du groupe, émet des « doutes » et remet en cause la nature de celui passé avec les entreprises de transports franciliennes.
« Depuis le départ, Alstom a des doutes sur la viabilité technique et financière de l’offre qui a été faite par Bombardier », a expliqué le PDG du groupe français, Henri Poupart-Lafarge, ce lundi sur Franceinfo. Selon les informations du Parisien, Alstom s’apprêterait même à renoncer au contrat. Pour l’heure, Alstom souhaite « renégocier » le contrat et a déposé une demande de médiation auprès du tribunal administratif, en plus de nombreux recours juridiques déjà égrenés ces dernières semaines retardant l’attribution, puis la signature du contrat qui était envisagée avant sa prise de contrôle de Bombardier. Mais la RATP et la SNCF se refusent aujourd’hui à une médiation. 20 Minutes fait le point sur cette situation, qui pourrait être les prémices d’une bataille judiciaire de longue haleine.
Quelle est la nature du contrat ?
Le contrat remporté par Bombardier et CAF porte sur la fourniture à la RATP et la SNCF de 146 nouveaux trains destinés à la ligne B du RER, pour 2,56 milliards d’euros financés par l’autorité régionale Ile-de-France Mobilités. Souvent qualifié de « méga-contrat », cet accord doit permettre un grand lifting de la ligne souvent décriée qu’est le RER B. Et elles sont très attendues. En principe, elles doivent être livrées en 2025. Elles font partie du « grand plan d’urgence » du RER B, selon Valérie Pécresse. Face à la grogne générale, la région Ile-de-France avait en effet décidé de mettre en place « un investissement de 3 milliards d’euros pour redresser la ligne du RER B », expliquait Valérie Pécresse, qui avait fait en 2019, le déplacement en Alsace sur le site d’Alstom à Reichshoffen, dans le Bas-Rhin, avec les opérateurs RATP et SNCF.
Que se passe-t-il chez Alstom avec ce contrat ?
Le PDG d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge a indiqué ce mercredi qu’il comptait renégocier le contrat de ces nouveaux RER B. « Je n’ai pas un but précis en tête » a assuré le PDG d’Alstom au Club de l'économie du Monde. « Nous avons de grandes inquiétudes sur ce projet : sur la faisabilité technique, financière de l’offre », a-t-il résumé, parlant d' « un contrat qui [leur] paraît mal parti ». Lundi, Alstom a déposé une demande de médiation auprès du tribunal administratif. « Un contrat comme celui-là, ça dure une dizaine d’années. Avant de s’avancer dans cette aventure, s’asseoir autour de la table pendant quinze jours, je trouve que ce n’est pas du luxe », a-t-il souligné.
Que répondent RATP et la SNCF ?
La RATP et la SNCF ont indiqué mardi avoir refusé la médiation demandée par Alstom. « Le groupement RATP/SNCF Voyageurs est attaché à la bonne exécution de ce contrat, essentiel pour les voyageurs en Ile-de-France, dans le respect des règles de la commande publique, qui ne permettent pas de renégocier l’offre ferme déposée «, ont expliqué les deux opérateurs ». Par ailleurs, en confirmant sa dernière offre le 4 janvier, il y a moins d’un mois, le groupement Bombardier/CAF s’est engagé à l’exécuter en cas d’attribution «, ont-ils relevé dans un communiqué commun ». « Alstom a repris l’ensemble des contrats et engagements de Bombardier en rachetant l’entreprise », ont-ils souligné « Ma crainte, et c’est une crainte partagée par la RATP, la SNCF et Ile-de-France Mobilités, c’est que ces recours nous fassent prendre vraiment beaucoup, beaucoup de retard sur la commande, ce serait au détriment des voyageurs et ce n’est pas acceptable », déplore Valérie Pécresse.
Des retards sont-ils envisageables ?
Avec ce roman-feuilleton judiciaire en filigrane, des retards pourraient en effet vite arriver. Et menaceraient notamment des projets comme les liaisons ferroviaires entre Paris et l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et plus globalement l’avenir du RER B. « Il serait inacceptable qu’un groupe industriel prenne en otage ses clients et des centaines de milliers de Franciliens dont la qualité de vie quotidienne dépend de l’arrivée rapide des nouveaux RER B », déclare Valérie Pécresse dans un dernier communiqué, dans lequel elle rappelle que Alstom « doit tenir sa parole ».