Paris : Moitié moins de places de parking dans les rues, un vrai cauchemar pour les automobilistes ?

AUTOMOBILE Les places de parking en souterrain représentent la majeure partie du stationnement disponible

Nicolas Raffin
A Paris, les bars ont eu l'autorisation d'installer des tables sur les places de stationnement.
A Paris, les bars ont eu l'autorisation d'installer des tables sur les places de stationnement. — ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
  • La mairie de Paris veut supprimer la moitié des places de stationnement en surface d’ici à six ans.
  • Cette politique ne devrait pas révolutionner la vie des automobilistes, au vu de la baisse continue du trafic automobile.
  • L’accessibilité et les tarifs des parkings souterrains seront des enjeux majeurs.

Se garer avec sa voiture à Paris va-t-il devenir vraiment très compliqué ? La semaine dernière, la mairie de la capitale a confirmé la suppression de 70.000 places de stationnement en surface d’ici à 2026. Une promesse de campagne d’Anne Hidalgo qui a provoqué des réactions épidermiques chez les automobilistes, inquiets de ne plus pouvoir trouver un emplacement. Ces derniers ont déjà été échaudés par les terrasses « Covid » des bars et restaurants qui leur grignotent de l’espace. D’ici à quelques années donc, il y aura moitié moins de places pour les voitures dans les rues de Paris, au bénéfice de nouveaux aménagements (pistes cyclables, jardins, équipements sportifs…) qui restent à définir à travers une consultation.

Cela ne signifie pas pour autant que les conducteurs seront tous obligés de tourner en rond, attendant en vain qu’une place se libère. En effet, la très grande majorité (75 à 80 %) des quelque 812.000 emplacements recensés par l’Observatoire des déplacements de Paris ne se situe pas à la surface, mais en souterrain. Il peut s’agir de parkings publics exploités par des prestataires privés (65.000 places), de parkings commerciaux (80.000 places), et surtout, de parkings privés situés sous les immeubles et normalement dédiés à leurs résidents (527.000 places).

Des tarifs à revoir

C’est sur ces trois « gisements » de stationnements – pour reprendre l’expression de l’élu écologiste David Belliard – que veut s’appuyer la mairie pour compenser la suppression des places dans les rues. Mais pour convaincre les automobilistes d’aller en sous-sol, il faudra lever plusieurs obstacles. D’abord, celui du prix. Pour ceux qui viennent ponctuellement à Paris, stationner en souterrain devient financièrement intéressant par rapport à la surface à partir de trois ou quatre heures de parking consécutif, suivant les zones (centrale ou périphérique). En revanche, comme le relève une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) parue en 2019, la facture est beaucoup plus salée dans le cas d’un abonnement.

« Les coûts d’abonnements dans les parcs concédés (…) restent largement plus élevés que ceux sur voirie pour les résidents parisiens (…) Stationner sur la voirie revient à 42,75 euros par mois, en intégrant un tarif hebdomadaire et le coût proratisé de la carte annuelle. Dans les parcs concédés, les différences de tarifs sont importantes selon les arrondissements, et selon le type d’abonnement (mensuel, nombre de sorties des petits rouleurs…). En moyenne sur Paris, les coûts d’abonnement varient entre 136,13 et 161,98 euros par mois ».

Autrement dit, ceux qui avaient l’habitude de se garer dans la rue et qui seraient obligés d’aller en souterrain pourraient débourser jusqu’à 120 euros supplémentaires par mois. Un effort financier que la mairie de Paris espère moindre : « Notre politique devrait contribuer à augmenter le taux d’occupation [des parkings souterrains]. En contrepartie, j’ai bon espoir que des tarifs abordables seront proposés à une partie des clients » indiquait David Belliard dans son interview au Parisien.

Où supprimer des places ?

Le deuxième obstacle au basculement vers le modèle souterrain est celui de l’aménagement. Si les parkings publics sont en général bien dotés (signalisation, éclairage, ascenseur, caméras…), ce n’est pas forcément le cas des parkings possédés par les copropriétés et les bailleurs sociaux, qui représentent la majeure partie (environ 75 %) des places en sous-sol. « De nombreux parkings privés ont été délaissés et sont peu entretenus, reconnaît Frédéric Héran, économiste et urbaniste à l’université de Lille. Si on veut inciter les gens à y aller, il va falloir les rénover ».

Le dernier obstacle à lever est celui de la localisation. Par exemple, si l’offre de places en souterrain est abondante dans le 18e arrondissement (dans le nord de Paris) mais que des places de stationnement sont supprimées dans le 14e (dans le sud de la capitale), les automobilistes qui avaient l’habitude de se garer dans le quartier ne voudront pas traverser toute la ville pour y laisser leur véhicule. Pour y voir plus clair, l’Apur a réalisé une cartographie des places « excédentaires » dans la capitale. Le calcul est réalisé par quartier, en comparant le nombre de places disponibles (en surface et en souterrain) et le nombre de voitures possédées par les habitants. Selon ces travaux, la plupart des places excédentaires sur la voirie se situent dans les quartiers de l’Est, du Sud et du Sud-Est de la capitale. La carte ci-dessous illustre les résultats (plus la couleur est foncée, plus l’offre de places en surface est élevée par rapport à la demande).

La carte de la capitale réalisée par l'Apur en 2019 montre les quartiers (en violet foncé) où il y a le plus de places en excédent sur la voirie.
La carte de la capitale réalisée par l'Apur en 2019 montre les quartiers (en violet foncé) où il y a le plus de places en excédent sur la voirie. - Etude Apur

« Si l’on se réfère à ce qui était initialement prévu pendant la campagne électorale, la municipalité parisienne prévoit des suppressions de parkings pour l’essentiel dans l’Est parisien, là où l’offre de parkings est déjà supérieure à la demande, ce qui aurait donc moins de conséquences négatives », indiquait Charles Gérard, dirigeant du site spécialisé Monsieur Parking, dans une interview aux Echos. Une fois que les places auront été supprimées dans les rues d’un quartier, on pourrait s’attendre à voir le taux d’occupation des parkings souterrains situés aux alentours grimper en flèche, avec des exploitants qui se frottent les mains. Mais ce ne sera pas forcément le cas.

Une baisse entamée depuis longtemps

« Nous prévoyons un report limité du stationnement vers les parkings souterrains » explique en effet à 20 Minutes un porte-parole d’Indigo, qui gère 96 parkings (totalisant 60.000 places) à Paris. Comme beaucoup d’autres acteurs, l’entreprise constate depuis plusieurs années une érosion de la fréquentation de ses ouvrages : « Rien qu’entre 2015 et 2019, la baisse est de 26 %. Les difficultés d’accès à la capitale et la réduction de la place allouée à la voiture expliquent en partie ce phénomène » relève Indigo.

« Cette réduction de la place de la voiture, c’est une tendance lourde qui dépasse les clivages politiques, note Frédéric Héran. Il ne faut pas oublier que c’est Jacques Chirac lui-même qui a inauguré la politique visant à réduire le stationnement des véhicules avec l’installation de milliers de potelets sur les trottoirs dans les années 1990. Jean Tibéri a pris sa suite et a entamé une politique pour donner plus de place au vélo. Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo ont poursuivi dans cette voie. »

Selon l’Apur, 462.691 véhicules étaient possédés par les Parisiens en 2015. C’est 110.000 de moins qu’en 1990, alors que la population est restée stable. Et le chiffre va encore baisser. Selon les projections de l’organisme, qui se base sur la tendance en cours depuis 1990, il y aura entre 35.000 et 95.000 véhicules en moins dans la capitale d’ici à 2025. Autrement dit, même si la mairie de Paris supprime 70.000 places de stationnement d’ici à 2026, il y aura dans le même temps moins de voitures en circulation et susceptibles de chercher une place. De quoi rassurer (un peu) les automobilistes du futur.