Coronavirus à Paris : Pourquoi tout le monde (ou presque) a adoré détester la capitale ?

LA VILLE D’APRÈS Il y a ceux qui l’ont fui au début du confinement, ceux qui disent désormais vouloir en partir pour toujours et ceux qui aiment encore plus la pointer du doigt…

Romain Lescurieux
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Paris au sixième jour de confinement.
Paris au sixième jour de confinement. — NICOLAS MESSYASZ/SIPA
  • Les Parisiens, qu’ils soient partis ou qu’ils soient restés dans la capitale, ont régulièrement été pointés du doigt durant le confinement.
  • « Je veux les défendre et aussi dire "ça suffit le bashing contre les Parisiens". Ils ont été très raisonnables », a récemment défendu Anne Hidalgo sur BFM.
  • Le confinement a-t-il toutefois exacerbé les tensions entre Paris et les régions ?

Je t’aime, moi non plus. Depuis plus de deux mois, la capitale est passée par toutes les émotions. Paris stressé, Paris abandonné, Paris apaisé, Paris qui applaudit, Paris qui respire, qui entend les oiseaux, mais aussi Paris critiqué, stigmatisé. Puis, est arrivé le Paris déconfiné, le Paris de la zone rouge qui redémarre doucement, sans restaurants, sans bars, sans terrasses, sans concerts, sans culture,  sans jardins, sans parcs, sans Parc des Princes non plus. Sans âme ?

Toutes les faiblesses et les maux de la capitale, de ses rues, de ses logements, semblent avoir ressurgi durant cette période : Trop de bruit, trop bétonné, trop petit, trop sale, trop cher. La vie parisienne est soudainement devenue pour certains, ingérable avec l’idée d’un confinement. Et les Parisiens, qu’ils soient partis ou qu’ils soient restés, ont aussi été pointés du doigt. Ils sont devenus ces indisciplinés qui dansent sur Dalida, ces vecteurs de maladie, avides de plages, de nature. Ils ont également été victimes de clichés les faisant passer pour une horde de barbares qui ruineraient le paysage par leur simple présence et surtout bien incapables de se plier aux règles en France ou dans leur propre ville. Au point qu’Anne Hidalgo a récemment appelé  à cesser l’anti-parisianisme. Si ce n’est ni la première, ni la dernière crise que traversera la capitale, celle du coronavirus et de son confinement a-t-elle bouleversé notre regard et notre rapport à Paris à l’heure où certains habitants disent désormais vouloir définitivement la quitter ? Paris, ville que l’on choisit ou que l’on subit ? 20 Minutes fait le point.

Paris, une ville qui se fait lâcher par ses habitants aux premiers coups de stress ?

Le lundi 16 mars, un vent de panique souffle dans la capitale. Emmanuel Macron doit s’exprimer dans la soirée mais les rumeurs enflent depuis quelques jours sur les réseaux sociaux : « Couvre-feu », « confinement total », « barrages », « l’arrivée de l’armée ». Les files d’attente devant les magasins grossissent, le PQ s’y fait rare. Ni une ni deux, des Parisiens taillent la route. Direction la campagne, le bord de mer, les maisons de famille, secondaires ou louées pour l’occasion. On y retrouve aussi des étudiants partis retrouver leur famille, les touristes, eux, disparaissent de la circulation. Mais combien sont-ils de Parisiens à avoir pris le chemin de l’exode ? Dans une seconde étude de l’Insee publiée ce lundi – qui se base sur des chiffres issus d’opérateurs de téléphonie mobile – plus de 451.000 personnes résidant à Paris intra-muros ont quitté la capitale entre les mois de mars et avril. Mais le phénomène d’exode n’a rien d’une nouveauté.


« Globalement, nous sommes dans la lignée de ce qu’on connaît, à Paris, ceux qui en ont la possibilité, partent dès qu’ils le peuvent. La bourgeoisie a par exemple toujours eu des solutions de repli à la campagne ou près de Paris (…) nous sommes dans une réaction de société riche et habituée à l’absence de frustration », analyse Stéphanie Vermeersch, sociologue, directrice de recherches au CNRS, et qui a publié avec Eric Charmes et Lydie Launay « Quitter Paris ? Les classes moyennes entre périphéries et centre » (éditions Créaphis). Elle rappelle néanmoins, que posséder une maison de campagne n’est pas réservé à une élite. Mais à certains endroits de l’hexagone, l’arrivée des « exilés » a crispé certains habitants locaux.

Paris, une ville qui ne respecte pas les règles, ses habitants « indisciplinés » ?

Ils dansent, ils ne respectent pas les consignes, ils s’entassent sur le canal Saint-Martin. Chaque écart des Parisiens a été pointé du doigt durant cette période. « Je veux les défendre et aussi dire "ça suffit le bashing contre les Parisiens". Ils ont été très raisonnables, les conditions de vie à Paris ne sont pas faciles pour beaucoup de familles, on est très nombreux sur un petit espace », a volé à leur secours la maire de Paris, Anne Hidalgo, il y a quelques jours sur BFM. Puis, il y a ceux partis à la campagne, en bords de mer.

« Les Parigots », « les bobos » qui « confondent vacances et confinement »​ et qui ont « défrayé la chronique ». Entre fantasme et réalité ? « La tension a été forte », racontait fin avril à 20 Minutes, une pharmacienne arcachonnaise. « Ils me demandaient de la crème solaire et des masques que je n’en avais bien sûr pas. Certains étaient même agressifs », ajoutait-elle. Mais malgré les craintes initiales, en Nouvelle-Aquitaine, « aucun foyer ne s’est formé », assurait Philippe de Gonneville, le maire de Lège-Cap Ferret. Les Parisiens n’ont finalement pas ramené le virus.


Le confinement a-t-il toutefois exacerbé les tensions entre Paris et les régions ? Pour Stéphanie Vermeersch, c’est un retour du bâton qui n’a toutefois rien détonnant. « Nous sommes dans un pays hypercentralisé où une capitale assoit sa suprématie politique, économique, culturelle, symbolique, qui ne laisse pas beaucoup de place aux autres. Il y a une forme de condescendance et Paris se pense trop tout seul. Si on avait en temps normal une relation équilibrée entre Paris et ses périphéries, et ses provinces, peut-être qu’il n’y aurait pas eu cet anti-parisianisme », dit-elle.

Paris, une ville que l’on veut désormais quitter ?

Les études, chiffres et témoignages pullulent depuis quelques jours. « 42 % de Franciliens souhaitent partir dès que possible de Paris », selon une étude du site « Paris, je te quitte ». « Ils ont envie d’une meilleure qualité de vie, d’un logement plus grand et d’une vie moins stressante plus en phase avec leurs valeurs », explique Kelly Simon, cofondatrice du site. L’appel de la campagne » serait donc plus grand après le confinement, plus pressant ? « Depuis le début de la crise sanitaire, de nombreux citadins envisagent de quitter la ville pour s’offrir un environnement plus vert », note  Le Monde. « Les Parisiens se ruent sur les maisons de campagne (…) certains envisagent même de s’y installer à l’année », écrit LCI. Un vrai phénomène ?

« Je ne crois pas que Paris se videra de ses habitants ! Certes, le télétravail a plutôt bien fonctionné et pourrait donner l’envie à certains de s’éloigner un peu de Paris mais tout le monde ne peut pas télétravailler et surtout beaucoup n’ont pas envie de changer de mode de vie, de s’éloigner de leurs proches », a expliqué dans une interview à 20 Minutes, Cécile Diguet, directrice urbanisme, aménagement et territoires à l’Institut Paris Région. Même son de cloche du côté de Stéphanie Vermeersch qui ne croit pas à cette conversion. « Cela suppose un certain nombre de conditions et ça fait longtemps qu’il y a pseudo-retour à la terre. Il faut voir sur le long terme ». Et de préciser : « A Paris, la plupart des gens acceptent de subir les conséquences de leur choix. Et en ce moment toutes les raisons qui font que l’on choisit Paris, n’existent plus. Mais un départ concernera peu de gens, et dans un certain milieu, car la caissière qui vit en HLM n’a sans doute pas cette réflexion ».