Municipales 2020 à Paris : Villani candidat ? Une dissidence qui pourrait coûter cher à LREM
CONQUETE Cédric Villani, candidat lésé à l’investiture de LREM, refuse de rallier Benjamin Griveaux. Il pourrait constituer un obstacle majeur à son parti dans la prise de Paris
- Désigné candidat LREM à la mairie de Paris en juillet, Benjamin Griveaux doit faire face au refus de son camarade marcheur Cédric Villani de se rallier à sa campagne.
- Le député de l’Essonne doit annoncer sa candidature aux élections municipales aux Parisiens et Parisiennes, ce mercredi soir.
- Jacques Chirac, Jean Tiberi, Philippe Séguin… La conquête de Paris a déjà fait l’objet de plusieurs luttes politiques.
Va-t-on vers une nouvelle « bataille de Paris » entre Benjamin Griveaux et Cédric Villani ? Les deux camarades LREM pourraient devenir des rivaux lancés dans la course à la mairie de Paris. Le mathématicien, auréolé de la médaille Fields et candidat malheureux, devrait préciser ses intentions aux Parisiens et Parisiennes ce mercredi soir. Sa décision, déjà connue du président de la République et du Premier ministre, n’est « en aucun cas un acte de défiance vis-à-vis de leur action », a indiqué son directeur de campagne pour l’investiture En marche, Baptiste Fournier.
« Outsider », « extraterrestre », le député de l’Essonne aurait-il l’ambition d’accéder à l’Hôtel de ville comme un certain Emmanuel Macron à l’Elysée en 2017 ? « Il est assez peu probable que Cédric Villani supplante Benjamin Griveaux, tempère Jean Garrigues, professeur d’histoire contemporaine à l’université Orléans, à Sciences Po et auteur du Monde selon Clemenceau (Ed. Tallandier). Mais on ne sait pas comment vont évoluer les choses. » Le capital sympathie de l’ovni Villani se porte mieux que celui de l’élu Griveaux. Jugé « technocrate », « distancié » des Français, il souffre des mêmes « reproches adressés à la Macronie », relève Jean Garrigues. Sans compter les critiques sur le manque de transparence de sa désignation énoncées par Cédric Villani.
Des bons points qui pourraient l’encourager à se lancer dans la conquête de la capitale et afficher officiellement sa dissidence. Un cas de sédition qui n’est pas nouveau à Paris. En 1977, un dénommé Jacques Chirac a soufflé l’Hôtel de ville à Michel d’Ornano, le candidat de Giscard et amorcé son destin présidentiel. « On a vu Chirac dissident réussir une campagne de proximité en allant sur les marchés avec son épouse Bernadette », rappelle Jean Garrigues.
« Les élections à Paris sont un jeu d’alliance »
L’expression française « diviser pour mieux régner » a d’ailleurs porté ses fruits – bien qu’il n’en soit pas responsable – pour Bertrand Delanoë en 2001. Victorieux contre Jack Lang (démissionnaire lors des primaires socialistes), le socialiste a profité de la désunion de la droite, qui s’est présentée avec deux candidats, pour rafler la mairie de Paris. D’une part, le maire RPR sortant et dissident Jean Tiberi, et d’autre part, l’ex-président du RPR et ancien ministre, Philippe Séguin.
Cependant, Jacques Chirac et Bertrand Delanoë n’étaient pas juste des candidats bienheureux. Les anciens édiles parisiens ont combattu avec l’aide de leurs réseaux et l’ancrage de leur parti dans le paysage politique. « Villani est un dissident à l’intérieur d’un parti encore en construction », analyse le professeur d’histoire contemporaine Jean Garrigues. Et sa sympathie ne lui garantit pas la confiance des Parisiens et Parisiennes, susceptibles de lui préférer un candidat avec plus d’expérience pour gérer la ville de Paris. Autre facteur important dans la lutte : « les élections à Paris ce sont des élections d’arrondissements, donc il y a un jeu d’alliances », avertit Jean Garrigues, en expliquant que Benjamin Griveaux en tant qu’ancien socialiste aurait plus de capacités à nouer des relations politiques.
Les Verts bénéficiaires de la dissidence ?
Chez LREM, la candidature alternative de Villani fait surtout craindre le début d’une hémorragie interne. Le mathématicien de 45 ans, soutenu par les intellectuels et plusieurs personnalités de la société civile, brouille déjà le message interne du parti. S’il devait être exclu selon les statuts approuvés lors de l’investiture du candidat LREM, il pourrait en être exempté. « Je ne demande pas qu’on exclue Cédric Villani, pour une raison simple : je crois que ça n’est pas la bonne manière de faire que de caporaliser la pensée, ça n’est pas la culture d’En marche », a pour sa part déclaré Benjamin Griveaux sur LCI, qui prône avec ferveur pour le rassemblement.
En attendant, la rébellion du soldat Villani représenterait un bel avantage tactique pour la maire sortante Anne Hidalgo (qui n’est toujours pas candidate à sa réélection officiellement). Mais sa supposée défection serait aussi favorable au candidat écologiste David Belliard « car on sait bien que dans cet espace de la gauche, il y a des voix qui se portent vers les Verts », explique Jean Garrigues. Ils se sont imposés comme deuxième force politique à l’issue des élections européennes. La division sera-t-elle mortifère pour LREM ?