Violences policières: A la manifestation lycéenne à Paris, «on n’oublie pas Théo ni tous les autres»

MANIFESTATION Près d'un millier de lycéens se sont retrouvés place de la Nation, au cours d'une manifestation non autorisée, pour protester contre les violences policières. 21 personnes ont été interpellées à Paris...

Caroline Politi
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La place de la Nation ce jeudi
La place de la Nation ce jeudi — C.POLITI

Les vacances ont perturbé le calendrier mais n’ont pas entamé leur motivation. Ce jeudi matin, près d’un millier de lycéens se sont retrouvés sur la place de la Nation à Paris pour protester contre les violences policières. « On n’oublie pas Théo. Même après un mois, on se sent toujours mobilisés », explique Arthur, en Terminale au lycée Bergson (19e). Autour de lui, les slogans s'enchaînent. «Justice pour Théo», «Police, violeurs, assassins» ou «Tout le monde déteste la police.»

« Avec les vacances, c’était compliqué de mobiliser les gens. Certains sont allés dans des manifestations spontanément mais on voulait s’emparer pleinement du sujet », poursuit Bianca, 16 ans. Plus tôt dans la matinée, la jeune fille, physique frêle mais regard déterminé, a participé au blocage de son établissement, le lycée Arago, dans le 12e arrondissement. Avec ses camarades, ils ont empilés des poubelles, du mobilier urbain, "ce qu'on trouvait" pour en empêcher l'accès. Au total, ce sont quelque 28 établissements parisiens qui ont ététotalement ou partiellement bloqués.

« Une même équipe m’a contrôlé à deux reprises en deux heures »

Cette journée a été lancée à l’appel du collectif d’extrême gauche du Mouvement interluttes indépendants (Mili). Le mouvement s’est ensuite répandu sur les réseaux sociaux sous le hashtag #BlocusPourThéo. « Dans un état de droit, qui passe son temps à rappeler qu’il est la patrie des droits de l’Homme, on ne peut plus tolérer ça », s’emporte Maxence. Le jeune homme de 16 ans, lycéen dans le 17e arrondissement, le reconnaît, il n’a jamais été victime d’une interpellation brutale. « Je n’ai même jamais été contrôlé ». Mais l’affaire Théo, et les témoignages similaires qui ont suivi l’ont choqué. « Ce n’est pas parce que nous avons la chance de vivre dans un quartier privilégié, que nous sommes “blancs”, qu’on ne doit pas s’élever contre les injustices », poursuit un de ses amis.

A quelques pas, un groupe de jeunes garçons se marrent. « On va passer à la télé, faut que j’appelle ma mère ! », se targue Haïssem, devant ses copains hilares. Quelques minutes auparavant, il faisait le pitre derrière un journaliste en train de faire une interview en direct. Pourtant, la présence de ce petit groupe n’a rien d’anecdotique. Des contrôles de police abusifs, tous en ont vécu.

Il y a Calvin, qui est parfois contrôlé plusieurs fois par jour pour « rien ». « Une fois, une même équipe m’a contrôlé à deux reprises à deux heures d’intervalle », lâche d’une voix douce ce lycéen de Bergson. Ryan assure, quant à lui, avoir eu le bras cassé lors d’une interpellation. « Je me suis mis à courir parce que j’en avais marre d’être toujours contrôlé. Evidemment, ils m’ont rattrapé et m’ont plaqué à terre. J’ai eu le bras cassé. » Son copain acquiesce. « C’est moi qui l’ai conduit à l’hôpital. » Il n'y a aucun moyen de vérifier ces dires, l’adolescent n’a pas porté plainte. « J’ai eu peur que ça se retourne contre moi. »


Vingt-six interpellations

Si l’immense majorité des lycéens ont défilé calmement, quelques débordements ont été observés en milieu de matinée. Des jeunes, pour certains cagoulés, ont saccagé plusieurs voitures et distributeurs de billets aux abords de la place de la Nation. Certains ont également tenté de forcer les barrages policiers, qui ont riposté par des tirs de gaz lacrymogènes. Des jets de pavés et de bouteilles ont également été observés. Selon la préfecture de police, 21 interpellations ont eu lieu à Paris et cinq autres dans la petite couronne, notamment pour vols en réunion et dégradations.