Réconcilier les «décrocheurs» avec l’école
A 16 ans, Marianne s’était fait expulser de son lycée. « Dès le CM1, je n’ai plus aimé l’école, se souvient-elle. Les profs ne m’ont pas accrochée. Rien de ce qui était autour ne m’intéressait. J’ai dû passer quatre ou cinq fois en conseil de discipline. » A 21 ans, Marianne vient de reprendre ses études dans l’une des classes spéciales du lycée Jean-Lurçat (13e), établissement pionnier dans l’aide aux « décrocheurs », les jeunes ayant déserté l’école sans la moindre qualification. « Ce sont des élèves orientés vers un apprentissage mal adapté à la fin d’un conseil de classe, qui multiplient les petits boulots parce qu’ils ont quitté le collège trop tôt, ou encore des victimes de phobie scolaire », détaille Gilbert Longhi, le proviseur. Ils seraient 15 000 en Ile-de-France, d’après les estimations du conseil régional. Celui-ci a mis en place, ces dernières années, une quinzaine de structures dans les lycées franciliens visant à rescolariser ces « décrocheurs ». Gilbert Longhi et son équipe ont commencé il y a une dizaine d’années à réfléchir au problème. « Le premier blocage survient souvent en 4e, quand le niveau des hormones dépasse un peu celui des neurones. Il s’agit alors d’effacer le traumatisme des mauvaises appréciations du carnet de notes. Si en plus des cours, vous travaillez sur un projet humanitaire et emmenez le jeune au Sénégal pour installer un système d’arrosage dans une bananière, forcément, il se passe quelque chose. » Le lycée Jean-Lurçat accueille 230 élèves « décrocheurs » répartis par niveau, en quatre sections. Pour les « réconcilier avec l’école », les enseignants multiplient les liens entre vie scolaire et vie active, entre les activités du lycée et celles pratiquées à l’extérieur. « On peut faire venir un expert pour noter une recette de cuisine ou un enchaînement de karaté », souligne Gilbert Longhi. « Une école où tu viens le matin, simplement parce que tu en as envie », résume Marianne. Et chacun a le droit de retourner dans l’établissement s’il échoue dans la nouvelle orientation choisie. Grégory Magne