Prison: Les études supérieures à portée des détenus de Fleury-Mérogis

REPORTAGE Ce vendredi, la vice-présidente de la région chargée de l’Enseignement supérieur a remis leurs diplômes à sept détenus dans le centre scolaire de Fleury-Mérogis…

Oihana Gabriel
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Détenue à la prison pour femmes de Fleury-Mérogis, Julie* a réussi à obtenir son bac.
Détenue à la prison pour femmes de Fleury-Mérogis, Julie* a réussi à obtenir son bac. — O. Gabriel / 20 Minutes

«Une chance pour l’avenir». Voilà ce que représente pour Michel* ce diplôme. Ce vendredi après-midi, ce détenu de la prison de Fleury-Mérogis a obtenu une équivalence de bac +2 en gestion des entreprises avec la mention Très bien.

Isabelle This-Saint-Jean, vice-présidente de la région en charge de l’Enseignement supérieur a félicité une poignée de détenus diplômés dans le centre scolaire de cette prison de l’Essonne. «Seulement 1,6% de personnes détenues suivent des études supérieures, souligne-t-elle. Un des obstacles est financier. C’est pourquoi j’ai porté ce programme pour encourager les prisonniers à reprendre ou poursuivre des études.»

Une expérimentation avec 79 détenus

En effet, depuis 2013, 79 détenus de Fleury-Mérogis, prison choisie pour l’expérimentation, ont bénéficié d’une bourse de 200 euros par mois et de frais d’inscription gratuits. Entre notamment les transferts et les libérations intervenues en cours d'année, 44 personnes ont passé leur examen en fin d’année et 39 ont obtenu leur diplôme. Cette année, 48 prisonniers ont été retenus pour être boursiers.

 

Paris, le 19 septembre 2014, reportage à Fleury-Mérogis où des détenus ont pu poursuivre leurs Études et obtenir un diplôme.

 

Julie* fait partie de ces lauréats. Avec trois heures de cours chaque semaine, elle s’est concentrée sur les matières pour passer un bac sciences et technologies du management et de la gestion (STMG ). «La directrice de l’enseignement de cette prison m’a fait confiance. Il y a eu des moments où j’avais envie de tout laisser tomber. Grâce à la bourse, j’ai pu m’acheter les produits d’hygiène, la nourriture… et donc arrêter de travailler.»

Le problème de la connexion internet

Jean*, presque la quarantaine, a obtenu sa première année de licence de droit. Et garde dans le viseur un master 2 et, une fois sorti, un métier en lien avec la propriété intellectuelle. Tout sourire, il explique que ces études «permettent d’atténuer le choc carcéral et de voir du monde. Une heure de cours, avec des gens motivés, on ne la voit pas passer.» Pour lui, le coup de pouce financier s’est transformé en ordinateur et livres. «Les livres de droit, ça coûte une fortune et ça a une durée de vie très limitée! rigole Jean. Rien que l’année dernière, avec le Mariage pour tous, le code civil a changé.»

Ces étudiants, et le personnel qui les accompagne, ont pourtant dû faire face à des obstacles de taille. Pour la photo d’identité sur la carte d’étudiant par exemple. Pour rentrer en contact avec les enseignants, bien sûr. Mais le vrai problème reste l’accès à Internet. Après avoir bataillé pendant deux mois, Michel*, qui devait envoyer 15 devoirs par mail, a pu expédier par courrier ses copies imprimées. 

Un programme utile contre la récidive

«Les universités partent du principe que tout le monde a une connexion Internet, complète Jean. Pour avoir accès aux derniers arrêts de la Cour de Cassation, je demande à ma famille de m’imprimer des centaines de pages de Légifrance… Si on pouvait avoir une connexion, même ultra-limitée, ce serait un plus.» Un désir qui devrait être exaucé puisque la prison des hommes de Fleury doit équiper cette année une quarantaine de cellules d’une connexion sécurisée.

«Ce diplôme, c’est une protection, même si ce n’est pas une garantie, contre le chômage. Et donc contre la récidive», plaide Isabelle This Saint-Jean, qui reconnaît que cette aide aux prisonniers n’a pas été votée sans débat. «Quand on est dans une salle de cours, on ne voit plus la différence entre les détenus et les personnes de l’extérieur, renchérit Hubert Moreau, directeur de Fleury. Certains pensent que la prison peut être criminogène, mais pour d’autres elle peut être mise à profit.»

*Tous les prénoms ont été changés