Dr Emmanuelle Piet : «La violence commence dans l'utérus»
Dr Emmanuelle Piet, médecin départemental de PMI 93, présidente du Collectif féministe contre le viol.
A quel moment l'enfant prend-il conscience de la violence entre ses parents ?
Dans 40 % des cas, la violence commence lorsque la mère est enceinte et l'enfant est tapé alors qu'il est dans l'utérus. Beaucoup naissent prématurés, certains ont des membres cassés.
Pourquoi à cette période ?
Car la femme est vulnérable. Au début, les hommes sont charmants, ne laissent rien percevoir. Et ils savent qu'ils ont tout intérêt à mettre la femme enceinte pour exercer leur violence.
Comment les enfants réagissent-ils ?
Il y a deux types de comportements : les uns sont très anxieux, les autres très calmes. Ces derniers sont les plus terrorisés. Les petits garçons se mettent à la place du père, le prennent comme exemple dans sa façon de traiter la femme et sont violents à leur tour. Tandis que les filles deviennent soumises, à l'image de leur mère.
Connaît-on les conséquences sur l'avenir de ces enfants ?
Très mal, car on commence à s'inquiéter de ce problème. Il n'y a pas si longtemps, la société trouvait encore normal qu'une femme soit battue par son mari. On sait juste qu'une femme qui a eu un père violent a trois fois plus de risques de tomber sur un conjoint violent.
Pourquoi les femmes ne partent-elles pas plus tôt ?
Elles ont très peur, et on entend beaucoup dire : « Oui, mais il est gentil avec les enfants ». J'ai rencontré une patiente qui a été battue dix-neuf ans par son mari. Ses quatre enfants étaient totalement lavés du cerveau.
Recueilli par Magali Gruet