Nantes : Dans cette colocation géante, jeunes actifs et jeunes avec handicap forment « une équipe de choc »
REPORTAGE Depuis quelques semaines, Fratries propose à une dizaine de jeunes gens, porteurs de handicap mental ou non, de vivre ensemble au sein d'une même maison
- Dans une grande maison de Nantes, cinq jeunes actifs et cinq jeunes porteurs de handicap vivent en colocation depuis le mois d'avril.
- Un « projet de société » appelé Fratries, et présenté comme unique en France.
Ils se prénomment Axelle, Elise ou encore Viktoria. Ils ont entre 23 et 34 ans et depuis un mois environ, ils habitent ensemble dans une belle maison de 400 m2 tout équipée et décorée avec goût, quartier Longchamp à Nantes. Fratries, c’est son nom, pourrait être une colocation comme une autre, où l’on rigole fort et où l’on chante du Céline Dion. A la différence que la moitié des dix jeunes gens qui la composent sont porteurs d’un handicap mental.
Un « projet de société » présenté comme unique en France alors que même si des initiatives émergent, la majorité de ces publics sont encore destinés à rester chez leurs parents, faute de solutions d’hébergement adaptées. « On a pris conscience que malgré leur handicap, beaucoup veulent vivre et travailler en milieu ordinaire, assure Aurélien L’Hermitte, qui a fondé Fratries avec Emmanuel de Carayon, auparavant impliqué dans le développement des Cafés joyeux. L’objectif est de les aider à trouver leur place dans la société, tout en s’attaquant à un autre problème, celui de l’isolement dont souffrent de plus en plus de jeunes. »
Sur un pied d’égalité
Au deuxième étage de la maison, Valentin est fier d’occuper « l’une des meilleures chambres », équipée comme les dix autres d’une salle de bains privative. Ce jeune homme de 25 ans, qui travaille en tant que blanchisseur dans un Esat de Carquefou, découvre les « joies » des apéros et des soirées « avec des colocs super sympas et sans les parents », mais aussi, et pour la première fois, « comment on lance une machine à laver ». Car ici, l’objectif est que chacun soit sur un pied d’égalité. « On fait les courses, on prépare le dîner, on mange tous ensemble… On est une équipe de choc », résume avec le sourire Maxime, 27 ans, serveur au restaurant extraordinaire le Reflet et porteur d’une trisomie 21.
Pour que cela fonctionne au quotidien, des auxiliaires de vie interviennent auprès des habitants en situation de handicap. Un coup de pouce nécessaire pour Emma, qui a par exemple appris à se coiffer toute seule le matin avant de se rendre à l’institut médico-éducatif où elle est accueillie pendant la journée. Etienne, salarié du projet qui vit avec sa famille dans un appartement attenant, apporte également son aide, que ce soit pour la recherche d'emploi des jeunes ou pour proposer des animations. Assez pour que les liens se tissent naturellement le reste du temps entre les occupants de cette joyeuse maison, qui dispose de plusieurs salons et même d’une piscine.
D’autres maisons Fratries en projet
Sur la terrasse, dans les bras l’une de l’autre, Pauline et Aurélie semblent déjà très proches. Cette « jeune pro », comme ils s’appellent ici, ne regrette absolument pas d’avoir posé ses valises chez Fratries il y a trois semaines, pour un loyer mensuel d’environ 700 euros. « Avec Pauline, on discute, on se fait des massages, on sort la poubelle ensemble. Ce sont des moments très simples mais on a déjà tous une vraie attention les uns envers les autres », estime la trentenaire, qui travaille dans le secteur de l’aide à domicile.
Comme dans n’importe quel « coliving », les habitants sont libres de rester autant de temps qu’ils le souhaitent. Si l’émotion risque d’être forte au moment des départs, les remplaçants ne devraient pas être trop difficiles à trouver tant les demandes, d’un côté comme de l’autre, « sont nombreuses », estiment les fondateurs de Fratries. L’entreprise, détenue intégralement par un fonds de dotation à but non lucratif, imagine déjà l’apparition d’une deuxième maison à Nantes. Entre-temps, une nouvelle colocation doit ouvrir ses portes à Rennes au printemps prochain.