Nantes: Avec le Mémorial à l'abolition de l'esclavage, 5 ans d'un passé négrier enfin assumé

PATRIMOINE Le Mémorial à l'abolition de l'esclavage a été créé il y a cinq ans quai de la Fosse à Nantes...

20 Minutes avec AFP
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A l'intérieur du Mémorial à l'abolition de l'esclavage de Nantes.
A l'intérieur du Mémorial à l'abolition de l'esclavage de Nantes. — F.Perry/AFP

Il y a cinq ans, Nantes inaugurait son Mémorial de l’abolition de l’esclavage, crevant l’abcès de son passé de premier port négrier français. Aboutissement d’un long travail de mémoire porté, non sans difficulté, par la société civile, le site attire environ 225.000 visiteurs par an. Érigé en bord de Loire, sur le quai de la Fosse, ancien point d’accostage des navires du commerce triangulaire, le monument est à la fois lieu de recueillement et de méditation. Son passage souterrain invite le visiteur à ressentir l’enfermement dans une cale de bateau.

Sur l’esplanade de 7.000 m2 menant jusqu’à la passerelle Victor-Schoelcher, artisan de l’abolition définitive de l’esclavage en France en 1848, 1.710 plaques de verres rappellent les expéditions négrières parties de Nantes, soit 43 % des campagnes françaises, loin devant Bordeaux ou La Rochelle.

« Il est plutôt valorisant pour Nantes »

Comme chaque année, le 25 mars, des acteurs associatifs se sont rassemblés samedi devant le Mémorial pour « marquer son anniversaire » et rappeler sa « naissance difficile », explique Michel Cocotier, président de l’association trentenaire « Mémoire de l’Outre-mer ». Entre la décision d’implanter un site mémoriel à Nantes, votée quand Jean-Marc Ayrault était maire en 1998, et son inauguration, « il aura fallu 14 ans de discussions, de crispations, de colères », pointe-t-il.

Le Mémorial à l'abolition de l'esclavage de Nantes est situé quai de la Fosse à Nantes.
Le Mémorial à l'abolition de l'esclavage de Nantes est situé quai de la Fosse à Nantes. - F.Perry/AFP

« C’est la mobilisation de la société civile, des acteurs associatifs, qui a permis d’affronter cette part sombre », reconnaît Olivier Chateau, adjoint au patrimoine à la ville de Nantes. « Ça a pris du temps, il y a peut-être eu à un moment la crainte que l’image de Nantes soit associée à la traite, mais aujourd’hui le Mémorial est plutôt valorisant pour Nantes, il est devenu un lieu fort du parcours touristique », ajoute-t-il.

En témoignent les 225.000 visiteurs en moyenne par an, sans compter « les retours très positifs » et l’émotion suscitée par ce site gratuit, qui accueille également 8.000 scolaires chaque année, souligne Olivier Chateau.

Certains auraient préféré un musée

Certains acteurs associatifs préféraient à un Mémorial à 6,9 millions d’euros le projet d’un musée de l’histoire de la traite et de l’esclavage « d’ambition nationale », surtout après le succès retentissant, en 1992/1994, d’une exposition intitulée « Les Anneaux de la Mémoire », relate l’un des fondateurs de l’association du même nom, l’avocat Yvon Chotard. « Mais le Mémorial est là, c’est quand même mieux que le déni », convient-il.

La pièce centrale du Mémorial à l'abolition de l'esclavage de Nantes est un passage souterrain commémoratif évoquant les cales des bateaux négriers.
La pièce centrale du Mémorial à l'abolition de l'esclavage de Nantes est un passage souterrain commémoratif évoquant les cales des bateaux négriers. - L.Venance/AFP

Il aura pourtant fallu des travaux universitaires, puis le refus, en 1984/1985 de la municipalité de financer un projet d’exposition à l’occasion du tricentenaire du Code noir, et enfin l'exposition des « Anneaux de la Mémoire » pour que « la machine de la révélation se mette en place et qu’on assume ce passé là », estime Bertrand Guillet, directeur du musée d’histoire de Nantes.

« Aujourd’hui à Nantes, exposer cette histoire, avoir des actions pédagogiques, organiser des colloques ne pose plus l’ombre d’une question, contrairement à d’autres villes comme Saint-Malo ou Le Havre, où il peut y avoir encore des résistances », ajoute-t-il. La « posture nantaise » est même devenue « une référence », assure Bertrand Guillet, qui collabore notamment à une exposition sur la traite et l’esclavage, qui sera présentée en 2018 à Bogota (Colombie).