Montpellier : Au château de l’Engarran, on fait du vin en famille depuis cinq générations
VIN Diane Losfelt, qui se consacre à ce domaine viticole depuis trente-sept ans, a été sacrée vigneronne de l’année par le guide Hachette des vins 2021
- Au château de l'Engarran, près de Montpellier, c'est la même famille qui fait du vin depuis cinq générations, dans ce domaine de 65 hectares.
- Diane Losfelt s'y consacre à plein temps depuis 1984. Elle vient d'être sacrée vigneronne de l'année par le guide Hachette des vins 2021.
- Au château de l'Engarran, c'est aussi une histoire de femmes.
Les vins du château de l'Engarran, aux portes de Montpellier (Hérault), croulent sous les médailles. Mais cette fois, c’est celle qui les crée qui a été distinguée. Diane Losfelt, qui se consacre depuis trente-sept ans à ce vignoble de 65 hectares et à sa « folie » du XVIIIe siècle, a été désignée vigneronne de l’année, par le guide Hachette des vins 2021. « C’est plus qu’un cadeau de Noël, se réjouit cette ingénieure agronome. D’autant plus dans la période difficile que l’on traverse. »
Le château de l’Engarran n’est pas un domaine comme les autres. Outre ses vins remarquables, c’est, d’abord, une histoire de famille. La famille de Diane Losfelt en est propriétaire « seulement depuis cinq générations », explique la vigneronne. Quatre autres familles, avant celle-ci, ont bichonné les lieux, et ont produit du vin dans ce château, fondé en 1632 et classé, depuis les années 1920, aux monuments historiques.
Réquisitionné pendant la Seconde Guerre mondiale
« En 1924, mon arrière-arrière-grand-père était vigneron à Pignan, il travaillait avec son fils, raconte Diane Losfelt. Ayant fait de très bonnes affaires, ils avaient très envie de s’étendre, et certainement, aussi, d’avoir un bout de terroir de Saint-Georges-d’Orques, avec ses cailloux roulés qui entourent le château. Ils ont donc acheté le château de l’Engarran. Je ne pense pas que c’était un coup de tête, car c’était des paysans qui avaient les pieds bien ancrés dans la terre. Tout cela était très bien calculé. »
Durant la Seconde Guerre mondiale, le clan fut contraint de laisser son château, réquisitionné par l’ennemi, à la Kommandantur. Une quarantaine de soldats allemands y « couchaient sur des lits superposés dans la salle à manger ». « Ce ne fut pas, vous vous en doutez, une période de grande vinification, reprend Diane Losfelt. Ce fut une période de grande résistance. Ma famille a été foutue dehors. Mais ma grand-mère s’est battue pour préserver le château. Elle fait partie des dames de l’Engarran. »
Francine Grill, pionnière du vin en bouteille en Languedoc
Des décennies plus tard, une autre femme a marqué l’histoire du domaine : Francine Grill, la maman de Diane Losfelt. Elle fut, en 1978, pionnière en Languedoc du passage à la bouteille, tandis que le vrac, à l’époque, était la norme. « Faire la première mise en bouteilles de ses vins, au domaine, il fallait être folle ! D’ailleurs, elle était traitée de folle ! », assure sa fille. Deux ans plus tard, elle commercialise un vin d’Oc, grand prix d’excellence des œnologues de France, qui offre aux crus du coin une autre dimension.
C’est elle qui a transmis le virus à Diane Losfelt, qui s’est consacrée des années à la recherche agronomique, avant de céder aux sirènes de l’Engarran. « En 1984, j’étais une jeune maman, j’avais 26 ans. J’ai appelé ma mère et je lui ai dit « Je suis prête ! » »
La « sixième génération »
Épaulée par sa sœur pendant 25 ans, Diane Losfelt, qui fut la première femme administratrice au sein du syndicat de l’appellation Languedoc, a aujourd’hui été rejointe par « la sixième génération » : sa nièce, Emilie Grill, travaille au domaine depuis un an.
Diplômée dans la data et le business du vin, elle s’occupe de la communication, du marketing et de la commercialisation dans certains marchés. Elle a 26 ans, tout pile l’âge de Diane Losfelt quand elle a embrassé une carrière au château. Et si la jeune femme a commencé à travailler loin du château, l’Engarran l’a rattrapée. « J’avais envie d’un métier qui ait plus de sens, c’est la grosse problématique de ma génération, confie Emilie Grill. J’ai toujours adoré l’Engarran, j’ai toujours ressenti quelque chose de particulier pour ce domaine. Oui, il y a le poids de la famille, du patrimoine, mais, en même temps, c’est magique. Pouvoir raconter ma propre histoire, ça a vraiment du sens. »
Des vins « élégants »
Le château de l’Engarran, en agriculture raisonnée depuis 2004, produit environ 200.000 bouteilles par an. Parmi les plus appréciées du territoire. « J’aime les vins élégants, reprend Diane Losfelt. Ils parlent du patrimoine. Ils ont du velouté. On ne prend pas une claque dans la figure quand on en boit une gorgée. On a envie d’y retourner. »
Le prestigieux guide Hachette des vins s’enthousiasme d’ailleurs, dans sa dernière édition, pour les breuvages du château de l’Engarran, des « valeurs sûres de l’appellation Languedoc », nés « d’une œnologie de bon sens, fondées sur la connaissance scientifique et sur d’innombrables contacts avec l’environnement ».