Guerre en Ukraine : Les Etats-Unis vont fournir à Kiev de controversées munitions à uranium appauvri

SOUTIEN MILITAIRE L’ambassade de la Russie aux Etats-Unis a dénoncé la fourniture de ces munitions à uranium appauvri, qualifiant cette future aide de « signe clair d’inhumanité ».

20 Minutes avec AFP
Des techniciens en élimination des explosifs et munitions de la Garde nationale de l'US Air Force préparant plusieurs cartouches d'uranium appauvri contaminées et compromises, le 23 juin 2022 dans l'Utah.
Des techniciens en élimination des explosifs et munitions de la Garde nationale de l'US Air Force préparant plusieurs cartouches d'uranium appauvri contaminées et compromises, le 23 juin 2022 dans l'Utah. — Staff Sgt. Nicholas Perez/U.S. Air National Guard via AP
  • Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a effectué une visite surprise mercredi en Ukraine.
  • Une nouvelle aide américaine a été annoncée totalisant 1 milliard de dollars. Elle est censée donner un « nouvel élan » à la contre-offensive contre les forces russes.
  • D’un montant de 175 millions de dollars, le volet strictement militaire prévoit notamment la livraison de munitions de 120 mm contenant de l’uranium appauvri.
  • Ces munitions, dont le recours n’est pas interdit par le droit international, sont une arme redoutablement efficace pour percer les blindages mais controversées en raison des risques toxiques pour les militaires et les populations. L’uranium appauvri est environ 60 % moins radioactif que l’uranium naturel.

Kiev va recevoir de Washington une arme particulièrement controversée. Les Etats-Unis vont fournir des munitions antichars contenant de l’uranium appauvri, dans le cadre d’une nouvelle aide annoncée mercredi totalisant 1 milliard de dollars et censée donner un « nouvel élan » à la contre-offensive contre les forces russes.

L’aide a été annoncée à Kiev par le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, qui a effectué une visite surprise mercredi en Ukraine. Outre les munitions antichars, elle comprend notamment 300 millions de dollars pour la Sécurité civile dans les zones libérées, 206 millions en aide humanitaire, 200 millions pour soutenir les institutions locales, 90 millions pour le déminage et 100 millions de dollars pour financer de futurs achats d’équipements militaires.

Londres étudie aussi la livraison de ces munitions

Le volet strictement militaire d’un montant de 175 millions de dollars prévoit donc la livraison de munitions de 120 mm contenant de l’uranium appauvri et destinées à des chars de combat américains Abrams, promis à Kiev, a précisé le Pentagone. Ces chars devraient arriver dans le courant de l’automne.

Le Royaume-Uni avait déjà annoncé il y a plusieurs mois son intention de livrer des munitions à l’uranium appauvri à l’Ukraine, initiative alors dénoncée par Moscou qui a menacé d’y recourir aussi. Mercredi, l’ambassade de la Russie aux Etats-Unis a par ailleurs dénoncé la fourniture promise de ces munitions par Washington à Kiev, qualifiant cette future aide de « signe clair d’inhumanité ».

Ces munitions sont une arme redoutablement efficace pour percer les blindages mais controversées en raison des risques toxiques pour les militaires et les populations. L’uranium appauvri est un produit dérivé du processus d’enrichissement de l’uranium. Il est environ 60 % moins radioactif que l’uranium naturel. Le Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche a ainsi assuré que ces obus « ne sont pas radioactifs » et « ne s’approchent même pas de la catégorie des armements nucléaires ».

Des munitions déjà employées par les Américains

Le recours à de telles munitions n’est pas interdit par le droit international. Elles sont d’ailleurs en dotation dans de nombreuses armées, notamment américaine et russe. Elles ont été employées au cours des deux guerres du Golfe de 1991 et 2003 ainsi qu’en ex-Yougoslavie pendant les années 1990. Le Pentagone a en outre reconnu s’être servi d’obus à l’uranium appauvri à deux reprises en 2015 dans des opérations contre le groupe Etat islamique en Syrie.

Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), l’uranium appauvri est un « métal lourd, chimiquement et radiologiquement polluant ». Les obus perforants atteignant leur cible produisent une poussière d’uranium ainsi que des fragments de métal. Sur le plan de la santé, « le principal risque n’est pas la radioactivité mais bien la toxicité chimique. L’ingestion ou l’inhalation de grandes quantités peut nuire au fonctionnement des reins. Si une personne inhale de grandes quantités de petites particules pendant une longue période, la principale préoccupation pour la santé sera l’augmentation du risque de cancer du poumon », souligne pour sa part la commission canadienne de sûreté nucléaire.

Une nocivité non unanimement reconnue

Les munitions à uranium appauvri ont notamment été citées comme l’une des causes possibles des problèmes de santé des anciens combattants de la guerre du Golfe ou encore du nombre élevé de cancers ou encore de malformations congénitales dans la ville irakienne de Falloujah. Toutefois, leur rôle n’a pas été scientifiquement prouvé. De nombreuses études ont conclu à l’absence de preuves établissant la nocivité de l’uranium appauvri mais ces résultats restent contestés.

Selon les études auxquelles l’Agence internationale de l’énergie atomique a été associée, « le risque radiologique auquel étaient exposées les populations et l’environnement n’était pas important dans les cas où la présence d’uranium appauvri avait provoqué une contamination localisée de l’environnement sous forme de petites particules libérées au moment de l’impact », estime le bureau des affaires de désarmement de l’ONU.

En revanche, « lorsque des fragments de munitions à uranium appauvri ou des munitions complètes de ce type sont découverts, les personnes qui entrent en contact direct avec ces objets pourraient subir les effets des rayonnements », concluent les Nations unies.