Guerre en Ukraine : « Saboteurs », démentis... Tout comprendre aux accusations floues de Moscou contre Kiev

RÉCAP' Vladimir Poutine a utilisé les grands mots évoquant des « terroristes » ukrainiens venus faire du « sabotage » en Russie. Mais ces accusations pourraient bien faire partie d’une stratégie de propagande

C.d.S avec AFP
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Le président russe Vladimir Poutine assiste à la cérémonie d'ouverture de l'Année de l'enseignant et du mentor par vidéoconférence au Kremlin à Moscou, en Russie.
Le président russe Vladimir Poutine assiste à la cérémonie d'ouverture de l'Année de l'enseignant et du mentor par vidéoconférence au Kremlin à Moscou, en Russie. — Mikhail Metzel/SPUTNIK/SIPA

La guerre en Ukraine a prouvé maintes fois qu’elle était aussi une guerre de communication en plus des combats sur le terrain. La Russie l’a bien compris. Ce jeudi, Moscou a dénoncé une attaque « terroriste » de « saboteurs » ukrainiens sur son territoire, proche de la frontière ukrainienne. De son côté, Kiev a démenti l’information accusant son agresseur de vouloir légitimer son offensive militaire. Le Kremlin a en effet annoncer « prendre des mesures » pour empêcher des incursions ukrainiennes. Vrais « terroristes » ou stratégie de propagande russe ? 20 Minutes fait le point.

Que s’est-il passé, selon Moscou ?

Selon le gouverneur régional, Alexandre Bogomaz, « un groupe de reconnaissance et de sabotage s’est infiltré depuis l’Ukraine dans le village de Lioubetchané », dans le district de Klimovsk de la région de Briansk. « Les saboteurs ont ouvert le feu sur un véhicule en mouvement », tuant deux habitants et blessant un enfant, a-t-il affirmé.

Dans la soirée, les services de sécurité (FSB, héritier du KGB) ont affirmé que la situation était « sous contrôle », « les nationalistes ukrainiens » ayant été repoussés vers l’Ukraine et visés là-bas par « une frappe massive d’artillerie ». Selon le FSB, un « grand nombre d’explosifs » ont été découverts et des opérations de déminage étaient en cours.

Dans deux vidéos publiées sur les réseaux sociaux, quatre hommes en treillis se présentant comme des membres d’un groupe de « volontaires russes » au sein de l’armée ukrainienne ont toutefois revendiqué une infiltration dans cette même région. Contredisant la version russe. Selon le journaliste de Belingcat, Michael Colborne, il s’agit de groupe RDK, qui se « compose en grande partie de militants d’extrême droite russes ostensiblement anti-Poutine en Ukraine » et sur lequel Kiev n’a aucune prise.

Cette attaque a-t-elle fait des victimes ?

Selon les autorités russes, deux civils ont été tués et un enfant de 11 ans blessé. Les agences de presse russes, citant des témoins et responsables anonymes, ont en outre rapporté que les assaillants présumés pourraient avoir pris des otages.

Toutefois, dans les vidéos virales déjà évoquées des « volontaires russes », dont l’AFP n’a pas pu vérifier l’authenticité, les hommes nient avoir pris des otages ou tué des civils, et critiquent Moscou.

Qu’elle a été la réaction de Moscou ?

C’est Vladimir Poutine en personne qui a dénoncé cette attaque qualifiée de « terroriste ». Lui donnant une importance de taille. Dans une allocution retransmise à la télévision, le chef du Kremlin a dénoncé une attaque commise par des « néonazis » et des « terroristes » ayant « ouvert le feu sur des civils ». « Nous les écraserons », a-t-il lancé.

A la suite de cette prise de parole, Vladimir Poutine a annulé un déplacement prévu jeudi dans le Caucase russe pour suivre l’évolution de la situation dans la région de Briansk. « Nous parlons d’une attaque terroriste. Des mesures sont prises pour détruire les terroristes », a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Qu’a répondu Kiev ?

Dans la foulée, la présidence ukrainienne a démenti ces allégations, y voyant une « provocation délibérée » qui vise, selon elle, à justifier l’offensive militaire que mène Moscou en Ukraine depuis plus d’un an. Cette « histoire » de saboteurs « est une provocation délibérée, classique. La Russie veut effrayer sa population pour justifier » son offensive, a réagi sur Twitter Mykhailo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne. « Le mouvement partisan en Russie se renforce et devient plus agressif. Craignez vos partisans… », a-t-il ajouté en pointant ainsi du doigt des opposants au Kremlin.

Depuis le début du conflit en Ukraine, plusieurs régions russes ont été visées par des bombardements. Mais les incursions de « saboteurs » sont rares. D’ailleurs, l’historien militaire et observateur du conflit Cédric Mas appelle à « rester très prudent sur les informations qui sortent dans les prochaines heures » sur le conflit et notamment d'« arrêter de prendre pour argent comptant les annonces de propagandistes russes non vérifiables. »

Quelles conséquences possibles à ces accusations ?

Selon la politologue de l’observatoire R.Politik, Tatiana Stanovaya, interrogée par Libération, ces accusations de Moscou contre Kiev montre « quelque chose de sérieux se prépare ». L’Ukraine craint depuis plusieurs semaines une offensive d’ampleur des troupes russes sur le terrain. Ces accusations russes contre l’Ukraine pourraient ainsi servir de prétexte à une offensive, voire des bombardements. Comme lorsque la Russie a répliqué à la destruction du pont de Crimée en bombardement massivement tout le territoire ukrainien, et notamment des infrastructures énergétiques en octobre.

Comme le rapporte Libération, le président tchétchène a, dans ce sens, appelé à des « représailles » contre l’Ukraine. Dans un message publié sur les réseaux sociaux, Ramzan Kadyrov veut bombarder « tous les points qui sont directement ou indirectement liés à cette attaque. » Et le Kremlin a en effet annoncer que les autorités vont « prendre des mesures pour empêcher de tels événements à l’avenir ».