Guerre en Ukraine : Après le désert d’Arabie, le Rafale soumis aux conditions glaciales de la Lituanie
EN PLEIN VOL (3/3) « 20 Minutes » a passé deux jours sur la base aérienne de Šiauliai en Lituanie où la 30e escadre de chasse de Mont-de-Marsan a détaché un contingent pour quatre mois
- « 20 Minutes » s’est rendu durant deux jours à Šiauliai en Lituanie, où l’Armée de l’air effectue une mission de police du ciel pour sécuriser l’espace aérien des trois Etats baltes.
- Pour les pilotes de Rafale de la BA 118 de Mont-de-Marsan, habitués aux missions en Irak ou en Syrie dans le cadre de l’opération Chammal, cette permanence de police du ciel dans les pays baltes est une première.
- La 30e escadre de chasse doit ainsi s’habituer à de nouvelles conditions météo.
De notre envoyé spécial en Lituanie,
Ils sont plus habitués aux 45 °C du désert d’Arabie, qu’aux - 10 °C de la côte baltique. Pour les pilotes de la 30e escadre de chasse de Mont-de-Marsan (Landes) comme pour leur Rafale, la mission de police du ciel eAP (enhanced Air Policing) qu'ils effectuent depuis décembre et jusqu'en avril à Šiauliai en Lituanie est une première.
S’il s’agit de la neuvième participation de l’Armée de l’air à eAP depuis 2014, et de la sixième en Lituanie, la France n’envoyait pas ses Rafale pour ces missions longue durée - hormis une fois en 2014 quand la permanence s’appelait encore Balting Air Policing (BAP) et c’était au mois de mai –, mais des Mirage, comme au printemps 2022 en Estonie.
« La principale nouveauté pour nous, c’est le changement de milieu et de température, avec du vent et des chutes de neige », explique le lieutenant-colonel Jonathan, le chef du détachement français, commandant du régiment de chasse 2-30 Normandie-Niémen, et un des six pilotes de la BA 118 basés à Šiauliai. Des pilotes dont l’essentiel des opérations extérieures a été effectué jusqu’ici dans le cadre de Chammal en Irak et en Syrie, « que ce soit depuis la base aérienne projetée en Jordanie ou depuis Al Dhafra aux Emirats, puisque c’est l’endroit où les Rafale ont été le plus engagés depuis 2016. »
« On a dû avoir quatre fois du ciel bleu en deux mois et demi »
En Lituanie, la neige a parfois été si abondante depuis décembre que « même si la déneigeuse tournait toute la nuit, nous n’avons pas pu décoller certains matins » explique le lieutenant-colonel Jonathan. Heureusement seuls des exercices étaient programmés ces jours-là. « S’il y avait eu des alertes réelles, nous aurions adapté nos règles évidemment. »
Quant au bleu du ciel, les chasseurs français l’ont surtout vu… depuis leurs cockpits. « Sur les deux mois et demi passés sur la base, on a dû avoir quatre fois du ciel bleu. On ne s’attendait quand même pas à voir si peu le soleil… » avoue l’officier. « On a du vent, des plafonds très bas, de la neige… La météo est très différente de ce que l’on connaît habituellement. On a été un peu impressionné, mais on s’y fait rapidement » ajoute le capitaine Mickaël, pilote à l’escadron 3/30 Lorraine.
La nuit, les températures peuvent chuter jusqu’à - 15 °C. Mais seuls les militaires d’astreinte dorment dans les préfabriqués de la base aérienne, les autres étant logés dans les hôtels de Šiauliai, petite ville qui vit au rythme des détachements de l’Otan sur place.
« Avec le froid, on fait attention à certaines choses »
Et l’appareil ? Le Rafale a déjà été soumis à de telles conditions météo, voire pire, notamment lors de deux déploiements d’une semaine en Finlande cet hiver. Mais c’est la première fois qu’il reste si longtemps confronté à de telles conditions, quatre mois en tout, la permanence française à Šiauliai s’achevant le 1er avril. Si les pilotes sont relevés à mi-mandat, les appareils restent sur place. « Il s’est bien comporté, assure le lieutenant-colonel Jonathan, il faut juste bien veiller à fermer les hangars dans lesquels ils sont positionnés pour maintenir une température correcte et empêcher les circuits hydrauliques de geler. »
« Avec le froid, on fait attention à certaines petites choses, car les pannes récurrentes - des détails - ne seront pas les mêmes que dans le désert », prolonge le sergent « G5 », pistard. « C’est plus à nous de nous adapter » ajoute le mécano, dont la mission est de checker l’appareil avant et après le vol.
L’armement « aussi fait pour que ça fonctionne dans le froid »
Le contingent français présent en Lituanie compte une centaine de militaires en tout. « Nous avons avec nous une cinquantaine de mécaniciens, des spécialistes des systèmes d’information et de communication pour communiquer avec nos partenaires de l’Otan, des pompiers spécialistes du sauvetage sur Rafale et qui ont organisé des séances d’instruction auprès des pompiers lituaniens, et toute la logistique qui est un gros morceau dans ce genre de mission », énumère le chef du détachement.
Le carburant est fourni par la nation-hôte, mais les Français ont emmené dans leurs bagages « deux membres du service des énergies opérationnelles (SEO) qui récupèrent et contrôlent le carburant, pour vérifier que les normes sont respectées. » Des fusiliers commandos (fuscos) de l’armée de l’Air sont également sur place pour assurer la sécurité des avions de chasse et de l’armement nuit et jour.
Pour ses missions de contrôle de l’espace aérien balte, le Rafale décolle systématiquement armé. « On y met des missiles infrarouge et électromagnétique ainsi qu’un canon armé, et tous les systèmes de leurrage et de protection de l’avion en cas de menace extérieure » décrit un mécanicien-armement, dont le rôle est aussi de « vérifier au départ de l’avion que toutes les sécurités électriques sont bien enlevées, et que l’armement est intègre. » Les effets de la météo ? « Tout est fait pour que ça fonctionne aussi dans le froid » sourit le mécanicien.