Guerre en Ukraine : Moscou reconnaît désormais 89 morts russes dans la frappe sur Makiïvka
BATAILLE DE CHIFFRES C’est le plus lourd bilan en une seule attaque admis par la Russie depuis le début de son invasion de l’Ukraine en février
Moscou revoit ses chiffres. Le bilan de la frappe ukrainienne le soir du Nouvel An sur un bâtiment où étaient regroupés des soldats russes à Makiïvka a grimpé à 89 morts, a annoncé mardi soir le ministère russe de la Défense.
« Le nombre de nos camarades morts a atteint 89 », a ainsi déclaré le général Sergueï Sevrioukov. De nouveaux corps ont été découverts dans les ruines, a-t-il expliqué. Selon les Russes, l’attaque a eu lieu à 00h01 le 1er janvier contre une base provisoire.
Un aveu rarissime de Moscou
« A l’heure actuelle, une commission mène l’enquête sur les circonstances » de l’attaque sur cette ville ukrainienne sous occupation russe de la région de Donetsk, dont Moscou revendique l’annexion. « Mais il est déjà évident que la cause principale (…) est l’allumage et l’utilisation massive par le personnel de téléphones portables à portée des armes ennemies, contrairement à l’interdiction », a expliqué le général.
Cette annonce est exceptionnelle : il s’agit non seulement du plus lourd bilan en une seule attaque admis par Moscou depuis le début de son invasion, mais elle représente aussi la première communication sur des pertes militaires depuis septembre, lorsque le ministre de la Défense Sergueï Choïgou avait évoqué 5.937 morts dans les rangs de l’armée russe. Lundi, son ministère avait admis que 63 militaires avaient péri dans cette frappe réalisée à l’aide d’un système lance-missile HIMARS, une arme fournie par Washington à Kiev dans son combat contre Moscou et qui permet des bombardements en profondeur, loin derrière les lignes ennemies.
Kiev évoque un bilan bien plus élevé.
L’Ukraine, qui a reconnu avoir mené cette frappe en donnant la date du 31 décembre, a de son côté avancé des informations contradictoires. Le département des communications stratégiques de l’armée ukrainienne a ainsi évoqué, dans un langage particulièrement fleuri, un bilan de 400 morts et de 300 blessés.
Plus sobre, l’état-major a indiqué ne pas avoir d’informations définitives sur le nombre de victimes, chiffrant par ailleurs à « jusqu’à dix » le nombre de véhicules militaires « de tous types » détruits dans ce bombardement.
Des critiques russes contre le commandement militaire
Selon l’ancien commandant séparatiste Igor Strelkov, très au fait de la situation sur le terrain, le bâtiment qui abritait les mobilisés russes a été entièrement détruit par la frappe car des munitions y étaient stockées. Il a en outre estimé le nombre de victimes à « plusieurs centaines ». Et selon la chaîne Telegram « Rybar », l’une des principales sources prorusses sur la guerre, le bâtiment abritait 600 personnes.
L’annonce de ces pertes a provoqué un choc en Russie, mais aussi des critiques envers le commandement militaire, déjà embarrassé par une série d’humiliantes défaites ces derniers mois. « Malgré plusieurs mois de guerre, certaines conclusions n’ont toujours pas été tirées », constate ainsi le blogueur Boris Rojine, proche des milieux séparatistes prorusses ukrainiens, fustigeant « l’incompétence » des hauts gradés.
Fait inhabituel en Russie, environ 200 personnes se sont réunies avec l’aval des autorités à Samara (centre), d’où étaient originaires certains des soldats tués. Certaines ont déposé des fleurs devant une flamme éternelle sur l’une des principales places de la ville, avant de s’incliner respectueusement. Selon des médias locaux, des rassemblements avaient aussi lieu dans d’autres cités de la région, notamment à Togliatti et Syzran.