Evguéni Prigojine, à la tête du groupe Wagner, admet des « ingérences » russes dans les élections américaines
ça balance Selon les renseignements américains, la Russie aurait envoyé au moins 300 millions de dollars à des partis politiques et des candidats dans plus d’une vingtaine de pays depuis 2014
Un homme d’affaires russe proche du Kremlin, Evguéni Prigojine, a admis lundi des « ingérences » dans les élections américaines, à la veille d’un important scrutin de mi-mandat aux Etats-Unis où Moscou est depuis des années accusé d’interférences.
« Nous nous sommes ingérés, nous le faisons et nous allons continuer de le faire. Avec précaution, précision, de façon chirurgicale, d’une manière qui nous est propre », a déclaré Evguéni Prigojine, cité dans une publication sur les réseaux sociaux de son entreprise Concord. Surnommé le « cuisinier de Poutine », Evguéni Prigojine fait l’objet de sanctions américaines pour son rôle présumé dans des ingérences lors de l’élection présidentielle en 2016.
Ces propos étaient une réponse à une question sur les accusations d’ingérence russe dans les élections de mi-mandat qui se tiendront mardi aux Etats-Unis, un scrutin suivi de près à Moscou dans le contexte de la crise qui l’oppose à Washington depuis le début de son offensive en Ukraine. Prigojine, qui fait l’objet de sanctions américaines et européennes, est depuis plusieurs années accusé d’ingérences dans des élections américaines, notamment lors de la présidentielle de 2016. Il est notamment accusé d’avoir créé une « ferme de trolls », de faux profils opérant sur les réseaux sociaux pour tenter d’influencer les électeurs, par exemple en dénigrant des candidats ou en relayant de fausses informations.
« Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg »
En septembre dernier, les renseignements américains avaient rendu publique une estimation selon laquelle la Russie aurait discrètement envoyé au moins 300 millions de dollars à des partis politiques et des candidats dans plus d’une vingtaine de pays depuis 2014 afin de tenter d’y influencer des élections, selon une estimation des renseignements américains rendue publique mardi.
Les Etats-Unis « considèrent qu’il s’agit là d’estimations minimales, et que la Russie a probablement transféré secrètement davantage de fonds qui n’ont pas été repérés », a fait savoir un haut responsable américain. « Nous pensons que ce n’est que la partie émergée de l’iceberg », a-t-il alors déclaré à des journalistes sous le couvert de l’anonymat. Parmi les cas les plus frappants cités dans cette nouvelle analyse figurent celui d’un ambassadeur russe en poste dans un pays asiatique, qui a donné des millions de dollars à un candidat à une élection présidentielle. Les renseignements américains n’ont pas précisé les noms des pays concernés. Mais, selon une source proche du dossier dans l’administration Biden, la Russie a dépensé environ 500.000 dollars pour soutenir un candidat du Parti démocrate d’Albanie, de centre-droit, lors d’élections en 2017.
Moscou aurait également financé des partis ou candidats au Monténégro, en Bosnie ou à Madagascar, selon cette même source. Cette personne, qui n’était pas autorisée à s’exprimer officiellement, a déclaré que Moscou utilisait Bruxelles comme centre depuis lequel de nombreuses fondations et structures soutenaient des candidats d’extrême droite.
En Europe, Moscou a utilisé des sociétés-écrans
Le haut responsable a déclaré que la diplomatie américaine partagerait ces conclusions avec les gouvernements de plus de 100 autres pays. L’administration de Joe Biden avait demandé cette estimation à ses services dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février, qui avait conduit les Etats-Unis à tout faire pour isoler Moscou et armer Kiev.
En Europe, Moscou a utilisé des contrats fictifs et des sociétés-écrans pour financer des partis politiques, tandis que les compagnies publiques russes ont acheminé des fonds jusqu’en Amérique centrale, en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, selon Washington. La Russie a parfois envoyé de l’argent liquide, mais a aussi utilisé des cryptomonnaies et des cadeaux « luxueux », selon les renseignements.
L’ingérence supposée de la Russie dans des élections à l’étranger « est aussi une attaque contre la souveraineté », avait à l’époque dénoncé le porte-parole du département d’Etat, Ned Price. « Il s’agit d’une tentative d’éroder la capacité des peuples à travers le monde à choisir les gouvernements qu’ils jugent les plus aptes à les représenter », a-t-il ajouté.