Mais à quoi va bien pouvoir servir la courte visite d'Emmanuel Macron en Russie?
DIPLOMATIE La rencontre est très attendue entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, un an après celle du château de Versailles, qui avait marqué les esprits et lancé le nouveau président français sur la scène internationale…
De notre envoyée spéciale à Saint-Pétersbourg,
C’est sa première visite officielle en Russie. Jeudi et vendredi, Emmanuel Macron va essayer de trouver des « points d’accord » avec Vladimir Poutine sur les dossiers sensibles du nucléaire iranien et de la Syrie, malgré les divergences (nombreuses) entre les deux pays.
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Que va faire Macron en Russie ?
Il a été invité à l’automne 2017 par Vladimir Poutine. Cette rencontre est très attendue, un an après celle du château de Versailles, qui avait marqué les esprits et lancé le nouveau président français sur la scène internationale.
Les deux hommes se retrouvent jeudi en fin de journée dans le cadre majestueux du palais de Constantin, une résidence d’été de Pierre Le Grand située à une vingtaine de kilomètres de Saint-Pétersbourg, pour un entretien et un dîner de travail suivis d’une conférence de presse. Plus tard dans la soirée, le chef de l’Etat doit rencontrer des personnalités culturelles et des membres de la société civile.
Vendredi matin, Emmanuel Macron, accompagné de son épouse Brigitte, rendra hommage aux victimes du terrible siège de Leningrad durant la Seconde guerre mondiale. L’après-midi sera consacré au 22e Forum économique de Saint-Pétersbourg, dont Emmanuel Macron est l’invité d’honneur avec le Premier ministre japonais Shinzo Abe. Les deux hommes tiendront la scène en compagnie de Vladimir Poutine.
Cette courte visite en Russie, qui ne passera pas par Moscou, se terminera par un hommage au théâtre Mariinski à Marius Petipa, un chorégraphe français qui vécut l’essentiel de sa vie en Russie, 200 ans après sa naissance en 1818 à Marseille.
Quels sont les enjeux de la visite ?
Avant les dossiers bilatéraux, les entretiens porteront sur « les questions internationales actuelles, parmi lesquelles l'accord nucléaire iranien, le règlement syrien et la crise ukrainienne », a annoncé le Kremlin. Emmanuel Macron a la volonté « d’avoir un dialogue substantiel (…) pour dégager des points d’accord communs », a indiqué l’Elysée. « Nous le faisons les yeux ouverts », « avec la conscience de la difficulté que cela représente ».
« Les dossiers problématiques entre Paris et Moscou sont nombreux et ils n’ont pas vraiment vocation à évoluer lors de cette visite, en particulier sur l’Ukraine », estime toutefois Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe et chercheur associé à l’IRIS.
Après le retrait tonitruant des Etats-Unis, les deux dirigeants ont affirmé leur détermination à sauver l’accord sur le nucléaire iranien. « Ce dossier apporte potentiellement une accroche positive à l’agenda de cette rencontre, souligne Arnaud Dubien. Les Russes observent avec grand intérêt ce qu’Emmanuel Macron et l’Union européenne font car un découplage entre l’Europe continentale et le grand large anglo-saxon est intéressant d’un point de vue stratégique pour eux ». Mais ils divergent sur la stratégie. Moscou, qui s’est rapproché de Téhéran, réclame qu’il reste en l’état, tandis que Paris veut un nouvel « accord élargi » prenant en compte le contrôle de l’activité nucléaire après 2025, le programme balistique de l’Iran ainsi que la situation en Syrie et au Yémen.
Pour Emmanuel Macron, l’enjeu est également de rabibocher l’Europe avec la Russie après des années de tensions liées à l’annexion de la Crimée, la guerre dans l’est de l’Ukraine et la récente affaire de l’empoisonnement de l’ex-espion russe Sergueï Skripal en Angleterre. Son souhait est d'« arrimer la Russie à l’Europe et non laisser la Russie se replier sur elle-même », a-t-il récemment expliqué.
Des accords bilatéraux dans les domaines économique, universitaire, culturel et sportif (entre les fédérations de rugby) seront signés durant la visite, « très importante pour les entreprises françaises, qui n’ont pas toujours le sentiment d’être soutenue par Paris, alors que les intérêts économiques français en Russie sont importants bien plus qu’en Iran par exemple », poursuit Arnaud Dubien.
Macron et Poutine, quelle entente ?
« Je le respecte. Je le connais. Je suis lucide », a déclaré Emmanuel Macron en parlant de son homologue russe, qui « est fort et intelligent », sur la chaîne américaine Fox News le 22 avril. Avant d’avertir : « Je crois que nous ne devrions jamais nous montrer faibles face au président Poutine. Quand vous êtes faibles, il s’en sert ». Le chef de l’Etat a appliqué ce principe en disant ses quatre vérités sur les ingérences médiatiques ou les armes chimiques à un Poutine impassible sous les ors de Versailles.
« Le chef de l’Etat ne se rend pas à Saint-Pétersbourg avec un enthousiasme débordant, estime Arnaud Dubien. Le Quai d’Orsay était plutôt défavorable au maintien de cette visite, après l’affaire Skripal. Elle a d’ailleurs été raccourcie. Il se rend à Saint-Pétersbourg sans illusions, peut-être à reculons ou avec une certaine appréhension ».
A Moscou, où Vladimir Poutine vient d’entamer son quatrième mandat, l’attentisme prédomine un an après l’élection d’Emmanuel Macron. « Il tente de positionner la France de nouveau comme une puissance mondiale. Cela fait longtemps que ce n’était plus le cas. S’il est sérieux, alors il y a de quoi discuter entre Poutine et Macron. S’il ne s’agit que de mots, alors Vladimir Poutine le comprendra très vite », avertit l’expert Fiodor Loukianov, président du Conseil pour la politique extérieure et de défense.