Séisme au Maroc : Les « lumières sismiques », un phénomène controversé scientifiquement
Fake off Les internautes ont mis en avant une hypothèse scientifique qui divise pour tenter d’expliquer un phénomène de boules blanches qui aurait été aperçu à Marrakech dans la nuit du 8 au 9 septembre
- Un puissant séisme au sud-ouest de la cité touristique de Marrakech survenu dans la nuit de vendredi à samedi a fait 2.680 morts et 2.501 blessés.
- Une vidéo virale vue plus de 1,3 million de fois sur X (ex-Twitter) montre d’étranges boules blanches statiques dans le ciel de Marrakech.
- Le phénomène des lumières sismiques revient beaucoup pour l’expliquer, mais cette hypothèse divise les scientifiques.
Edit du 12 septembre 2022 à 17h20 : Nous avons ajouté une information sur la recherche sur les lumières sismiques après avoir eu un retour du géologue Robert Thériault.
D’étranges boules blanches éclairent le ciel de Marrakech et semblent statiques. Après le terrible tremblement de terre au Maroc, dont le bilan provisoire est de 2.680 morts, une vidéo virale montrant ce phénomène a été vue 1,3 million de fois sur X (anciennement Twitter). Elle a été postée le 9 septembre et, d’après le commentaire, montre le ciel de Marrakech dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023. Le phénomène « coïnciderait » avec le séisme qui a dévasté le pays. Le programme de recherche Haarp sur l’ionosphère est, à tort, accusé d’en être la cause.
Ce n’est pas la première fois que des lueurs filmées dans le ciel lors de séismes interpellent, comme un éclair bleu filmé lors du séisme en Turquie en février dernier ou des lumières dans le ciel du Mexique en septembre 2021. Comment comprendre ces phénomènes ? Sur X, des notes de contexte ont très vite été ajoutées pour expliquer qu’il s’agissait là de « lumières sismiques ». Le phénomène des boules blanches pourrait être expliqué par « une charge électrique venant des failles sismiques qui ioniseraient l’atmosphère », commente des internautes. Mais cette explication vient d’une hypothèse scientifique controversée qui n’a pas été confirmée.
Une explication qui divise les scientifiques
Selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis, l’observation des phénomènes de « lumières sismiques » (« earthquake lights » en anglais) divise les scientifiques : pour certains géophysiciens, les phénomènes rapportés « ne constituent pas une preuve solide » de lumières sismiques, quand d’autres estiment que certains événements peuvent être qualifiés de la sorte. Certaines lumières « se sont avérées être associées à des arcs électriques provenant des lignes électriques qui tremblent » pendant le séisme.
« C’est la justification classique à ce genre d’événement, souligne Lucile Bruhat, analyste du risque sismique. Il y a un séisme, les câbles électriques vont casser. Il peut y avoir très facilement des arcs électriques. » Cet arc n’est pas une cause du séisme, mais une conséquence.
Une hypothèse publiée en 2014
Pour les autres cas, quatre chercheurs canadiens et étasuniens ont tenté d’expliquer le phénomène. En 2014, ils ont publié leur hypothèse dans Seismological Research Letters, une revue de référence dans le milieu de la sismologie. A partir de l’étude de 65 tremblements de terre pour lesquels des « informations suffisantes » sur les phénomènes lumineux ont été rassemblées, ils ont établi que ces lumières pouvaient apparaître avant, pendant ou après le séisme.
Et en ont distingué quatre types : « La première ce sont des sphères lumineuses, qui sont soit statiques soit en mouvement dans le ciel, la deuxième rassemble des luminosités atmosphériques, des flashs rapides et brefs, et aussi des illuminations visibles sur plusieurs kilomètres, détaillait Robert Thériault, géologue au Ministère des ressources naturelles du Québec et premier auteur de l’étude dans Le Figaro en 2014. La troisième forme ressemble à des sortes de flammes qui sortent de terre, mais ce ne sont pas des combustions car elles n’émettent pas de chaleur. Enfin, en dernier, il existe aussi des bandes ou des colonnes lumineuses qui sortent du sol. »
D’après leur hypothèse, « une libération brutale de charges électriques provoquée par des glissements de roches cristallines remonterait en surface et ioniserait l’air ambiant », c’est-à-dire une réaction électrique due aux glissements de roches. Cette publication a presque dix ans. Nous avons échangé par mail avec Robert Thériault pour savoir si ses recherches avaient évolué, il nous a indiqué ne pas avoir été actif sur ce sujet depuis.
Et « très controversée »
Cette hypothèse est à prendre avec beaucoup de prudence. « Quelques papiers parlent du sujet, mais ils viennent de la même équipe, dont un chercheur basé à la Nasa, explique Lucile Bruhat. Cette hypothèse n’a jamais été vraiment validée par d’autres équipes. Elle est très controversée. » L’explication physique du phénomène « n’est pas vérifiée du tout par la communauté en sciences de la Terre », poursuit-elle.
Contacté, le géologue Serge Lallemand, directeur de recherches au CNRS, nous a indiqué ne « rien connaître de tel », tout en précisant n’être pas spécialiste de ce genre de phénomène. Pour Lucile Bruhat, cette hypothèse ne peut pas non plus s’appliquer au séisme qui a frappé le Maroc. « On comprend l’idée de la réaction électrique si on est proche de la surface, note-t-elle. Mais là, le problème, c’est qu’on a un séisme qui s’est passé à 28 kilomètres de profondeur et qui n’a pas atteint la surface. Que des particules traversent des kilomètres entiers de roches de manière quasiment instantanée, c’est soumis à débat. »
Le séisme, d’une magnitude 7 selon le Centre marocain pour la recherche scientifique et technique (6,8 selon le service sismologique américain), est le plus puissant à avoir jamais été mesuré au Maroc. Son épicentre se situe dans la province d’Al-Haouz, au sud de la cité touristique de Marrakech, dans le centre du royaume.