Etats-Unis : Escapades au Delaware, planning « léger »… Pour Joe Biden, est-ce si éprouvant d’être président ?

au petit trot Après une nouvelle chute dans le Colorado, l’état physique et mental du démocrate de 80 ans pose question. Mais, au vu de son emploi du temps, le métier de président est-il si éprouvant pour « Sleepy Joe » ?

Octave Odola
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Joe Biden, de retour d'un déplacement au Colorado, regagne la Maison-Blanche jeudi 1er juin 2023.
Joe Biden, de retour d'un déplacement au Colorado, regagne la Maison-Blanche jeudi 1er juin 2023. — SIPA
  • Joe Biden, 80 ans, a chuté lors d’une cérémonie militaire jeudi dans le Colorado, relançant le débat sur son âge et sa capacité à gouverner la première puissance mondiale.
  • Trump devant la télé, Obama et Clinton au golf, George W. Bush dans son ranch… Malgré la responsabilité, les différents présidents ont su s’octroyer des moments de détente plus ou moins importants.
  • Emploi du temps allégé, week-end chez lui dans le Delaware… L’octogénaire démocrate sait se ménager malgré l’exigence de la fonction. Un constat qui pousse à se demander, de manière un poil provocatrice, si le job de président des Etats-Unis est si éprouvant que ça ?

« C’est une bonne situation, ça, président des Etats-Unis ? » Sans laisser le soin au bavard scribe Otis de disserter, difficile de répondre à cette question autrement que par l’affirmative. Mais bénéficier d’un tel pouvoir implique de fortes responsabilités.

Diriger la première puissance mondiale, c’est aussi accepter de voir tous ses faits et gestes disséqués. Sur ce point, Joe Biden, 80 ans, n’est pas en reste. Président le plus âgé de l’histoire du pays, le démocrate est tombé jeudi lors d’une cérémonie militaire dans le Colorado. L’an dernier, une chute à vélo de l’octogénaire avait déjà interrogé. En cas de réélection,  « Sleepy Joe », candidat à sa réélection en 2024, aura 86 ans à la fin de son second mandat.

« Un programme public très léger »

Compte tenu de l’âge, l’emploi du temps du président peut-il être aménagé lorsqu’on dirige une telle puissance ? Son prédécesseur et possible futur adversaire en 2024, Donald Trump, n’était pas réputé pour être un bourreau de travail. Tout comme le républicain George W. Bush, plus fan de son ranch texan que des réunions à la Maison-Blanche. Barack Obama et Bill Clinton ne se faisaient pas prier pour aller jouer au golf… Un planning sur mesure qui leur a permis de s’octroyer de larges plages de repos. Au point de soulever une question, un brin provocatrice : peut-on gouverner les Etats-Unis en se préservant ? Autrement dit, Joe Biden dispose-t-il de la latitude suffisante pour diriger sans s’éreinter ?

« Le planning et la charge de l’office n’expliquent pas les incidents de Joe Biden. Par rapport à ses prédécesseurs, il est celui qui tient l’emploi du temps le plus léger. Il arrive à son bureau vers 9 heures du matin, il en repart vers 6-7 heures du début de soirée. C’est très peu d’heures, d’autant que son programme public est très léger. La majorité de ses évènements publics se déroulent entre 10 heures et 16 heures et jamais le week-end », souligne Marie-Christine Bonzom, politologue spécialiste des Etats-Unis, qui a couvert 7 élections présidentielles américaines.

Quand Biden déserte la Maison-Blanche

En 2022, CNN avait relevé que Joe Biden avait passé près du quart de sa présidence à travailler dans le Delaware, chez lui, plutôt qu’à la Maison-Blanche. Des voyages bien plus fréquents que Donald Trump, très critiqué sur ce point lors de sa présidence.

« Biden part régulièrement en week-end dans le Delaware, chez lui, mais il est capable de travailler à distance, coupe Nicole Bacharan, historienne spécialiste des Etats-Unis, autrice du livre La plus résistante de toutes. La Maison-Blanche les suit partout, où qu’ils aillent. Il faut être capable de se réveiller en pleine nuit pour prendre des décisions lourdes, même si l’administration filtre les dossiers pour ne laisser que les plus épineux au président. »

Autre point, important. Les prises de parole de l’ancien vice-président d’Obama, réputé pour son côté gaffeur, sont rares. « L’impression qu’on a, et ce qui commence à transpirer de la Maison-Blanche, c’est que Biden est certainement le président américain le plus encadré comparé à ses prédécesseurs », analyse Marie-Christine Bonzom. « Il est évident que ses équipes le restreignent là-dessus, appuie Nicole Bacharan. Il intervient avec un prompteur, et il ne faut pas que ça dure trop longtemps ».

Un président préservé

Malgré les sollicitations médiatiques réduites et le peu de sorties du président, les Américains s’inquiètent pour l’acuité mentale de leur dirigeant. Dans un sondage récent, sur 70 % des Américains qui s’opposent à la réélection de Joe Biden, 69 % d’entre eux invoquent l’âge comme un facteur décisif ou important. « Aux Etats-Unis, on peut continuer à travailler en étant âgé et en forme, ils n’ont pas d’a priori là-dessus. Mais là, ils voient quelqu’un pas totalement en contrôle de ses capacités », relève Marie-Christine Bonzom.

Dans les années 1980, la question de l’âge du président s’était déjà posée, avec Ronald Reagan. L’ancien acteur a accédé à la fonction suprême à quasiment 70 ans. « Mais il mettait en scène sa vigueur physique. Puis il a caché la dégradation de son état de santé lors de son second mandat », se remémore Nicole Bacharan.

Lors de la campagne pour sa réélection, en 1984 l’ancien acteur s’était préparé à la question sur son âge. Lancé sur le sujet par le modérateur du débat, face à son rival démocrate Walter Mondale, Reagan a dégainé. « Je veux que vous sachiez également que je ne ferai pas de l’âge un sujet de cette campagne. Je ne vais pas exploiter à des fins politiques la jeunesse et l’inexpérience de mon adversaire. » Pas sûr que l’argument fasse mouche pour Joe Biden lors d’un futur débat contre Donald Trump… Qui soufflera mi-juin sa 77e bougie.