Ethiopie : Dénonçant son détournement, Washington et le PAM suspendent leur aide alimentaire au Tigré
CORRUPTION Avant de reprendre les livraisons, le PAM veut s’assurer « que cette aide vitale parvienne bien à ces destinataires voulus »
De l’aveu même de Samantha Power, administratrice de l’Agence américaine pour le développement et l’aide humanitaire (USAID), la décision a été « difficile ». Les Etats-Unis et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont annoncé mercredi suspendre « jusqu’à nouvel ordre » leur aide alimentaire à la région du Tigré dans le nord de l’Ethiopie, ravagée par des années de conflit.
Une partie de cette aide a été « détournée et vendue sur le marché local », a justifié Samantha Power. De son côté, le PAM, basé à Rome, dit avoir décidé d’une « pause dans la distribution de nourriture au Tigré, qui ne reprendra pas avant [qu’il] puisse être en mesure d’assurer que cette aide vitale parvienne bien à ces destinataires voulus ».
Une décision qui ne concerne pas l’eau potable
Le gouvernement américain a soulevé l’affaire auprès des autorités éthiopiennes ainsi que les autorités locales au Tigré qui « ont exprimé leur volonté de travailler avec nous afin d’identifier les responsables et à ce qu’ils rendent des comptes », selon l’USAID. L’organisme a cependant précisé que cela ne concerne pas des suppléments nutritionnels, la distribution de l’eau potable et le soutien aux activités agricoles dans la région.
Il n’a par contre pas été précisé le montant de l’aide alimentaire concernée mais les Etats-Unis sont le plus gros contributeur humanitaire à l’Ethiopie. « Ce détournement frappe une fois de plus une population civile innocente », a poursuivi l’USAID, en soulignant que des « millions de personnes vivent dans une insécurité alimentaire aiguë ».
Cette pause intervient six mois après la signature, le 2 novembre dernier, entre le gouvernement fédéral éthiopien et le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), d’un « accord de cessation des hostilités » mettant fin à deux ans de guerre brutale et meurtrière. Mardi, les Etats-Unis ont salué les « progrès significatifs » réalisés dans la mise en œuvre de cet accord même si les défis restent nombreux.
Durant le conflit, le Tigré et ses six millions d’habitants ont été longtemps privés d’assistance. Depuis lors, « 84 % de la région vit une crise alimentaire », selon le PAM. Le nord de l’Ethiopie « est devenu plus accessible », mais l’aide n’atteint pas « l’échelle requise », soulignait l’agence humanitaire de l’ONU (Ocha) début avril.