Etats-Unis : Ron DeSantis, le gouverneur « antiwokisme » de Floride « héritier de Donald Trump »

portrait Dans les traces de l’ancien président républicain, le gouverneur de Floride applique une politique très conservatrice et assez brutale dans l’Etat

Cécile De Sèze
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Le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, le 15 février 2023, à l'université Palm Beach Atlantic de West Palm Beach, en Floride.
Le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, le 15 février 2023, à l'université Palm Beach Atlantic de West Palm Beach, en Floride. — Wilfredo Lee/AP/SIPA
  • Le populaire gouverneur de Floride applique une politique conservatrice dure dans son Etat, où il a réussi à s’imposer comme une figure forte notamment en révoquant lundi le statut privilégié de Disney.
  • En enchaînant les politiques brutales et positionnées « antiwoke », ce catholique conservateur fait de son Etat une sorte de laboratoire des idées conservatrices, en vue d’une application nationale.
  • Ron DeSantis est la figure montante du parti républicain américain et s’impose de plus en plus comme l’héritier, voire un futur rival de Donald Trump, candidat à l’élection présidentielle en 2024.

Il se positionne comme l’un des ennemis numéro un des « wokistes ». Ron DeSantis est l’une des personnalités fortes du parti républicain, dont la candidature à la primaire en vue de l’élection américaine en 2024 est attendue. Par ses prises de position radicales et empreintes de conservatisme social et religieux, le gouverneur de Floride fait presque quotidiennement les gros titres des journaux américains.

Récemment, c’est sa loi supprimant le statut spécial dont bénéficiait Disney dans son Etat qui a marqué les esprits. Cette dernière offensive contre la culture dite « woke », cette frange de la population américaine qui se veut de gauche, progressiste, a été actée ce lundi. Il est en quelque sorte « l’héritier » de Donald Trump, voire son plus grand rival aujourd’hui, explique à 20 Minutes Jean-Eric Branaa, spécialiste de la politique américaine et maître de conférences à l’université Assas-Paris II.

« Dans les pantoufles » de Donald Trump

Donald Trump a ouvert la voie à une nouvelle tonalité en politique. Lorsqu’il s’est lancé dans la campagne présidentielle qu’il a remportée face à Hillary Clinton en 2016, l’ancien magnat de l’immobilier américain a imposé un nouveau style, plus brutal, plus simple, sans nuance, de s’adresser à son électorat. Aussi « brutal et conservateur » que le sulfureux président des Etats-Unis jusqu’à 2020, Ron DeSantis est tout de même davantage « idéologue », précise Jean-Eric Branaa.

« Il s’inscrit dans un courant très conservateur qui pousse à l’extrême les questions de libertés individuelles, du port d’arme ou de la peine de mort », ajoute le spécialiste. Ainsi, le gouverneur largement élu de Floride, avec près de 60 % des suffrages lors des Midterms, se glisse dans les « pantoufles » de Donald Trump et lui emprunte « ce côté provocateur pour se donner une popularité », analyse Jean-Eric Branaa.

Désormais, alors que Donald Trump a déjà annoncé sa candidature pour la prochaine élection présidentielle, Ron DeSantis peut également faire office de rival pour l’ancien président battu par Joe Biden. « Il tente de récupérer son électorat en exerçant le pouvoir avec une grande brutalité et une fermeture vis-à-vis de l’autre camp », celui des démocrates, ajoute le spécialiste. Et la stratégie semble fonctionner puisque dans un sondage relayé par Forbes en février, une candidature de DeSantis contre Biden obtiendrait 83 % de votes parmi les républicains en général, contre 80 % pour Trump.

Une idéologie « antiwokiste »

Une brutalité exercée à la faveur du conservatisme dur qui se traduit donc par ses positions contre la culture « woke » dans « une société fracturée et où le débat cristallisé entre ultraconservatisme et "wokisme" a pris toute la place en politique », explique Jean-Eric Branaa. « La Floride est le tombeau du "wokisme" », avait-il d’ailleurs fièrement déclaré en novembre, après avoir été réélu haut la main au poste de gouverneur.

Dès 2022, Ron DeSantis a restreint l’enseignement à l’école primaire des sujets en lien avec l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, une mesure surnommée par ses opposants « Don’t say gay ». Quelques mois plus tard, le gouverneur défendait vigoureusement l’interdiction d’un cours au lycée sur l’histoire afro-américaine, accusant ses auteurs de vouloir endoctriner des enfants. L’université New College a également été la cible de l’équipe DeSantis, qui a remanié son conseil d’administration, réputé progressiste, pour lui donner une majorité conservatrice.

En ce qui concerne Disney, le gouverneur républicain s’est attaqué au statut spécial qui lui offrait une large autonomie parce que la firme a critiqué sa loi sur l’enseignement à l’école primaire. « Disney s’est prononcé contre quelque chose qui ne visait qu’à protéger les jeunes enfants », a-t-il dénoncé, accusant au passage le géant du divertissement d’endoctriner des enfants sur les questions LGBT+. Avec ces mesures, DeSantis « est en train de dragouiller cet électorat d’extrême droite », résume Jean-Eric Branaa.

La Floride comme un laboratoire du conservatisme

En plus de son bilan contre les idées progressistes, on peut ajouter à la liste la première exécution d’un condamné à mort effectuée en trois ans en Floride, approuvée par DeSantis. Ce dernier a par ailleurs avancé l’idée de faciliter ces condamnations à la peine capitale en réduisant le seuil du nombre de voix nécessaires, au sein d’un jury pénal, pour condamner un accusé à mort.

Cet ancien officier de la marine, catholique, qui incarne l’autorité et la famille traditionnelle, multiplie donc les politiques frontales au point de vouloir faire de la Floride un laboratoire des idées conservatrices dans le but, pourquoi pas, de les appliquer à la tête du pays. « La Floride est à la tête de la nation », a-t-il ainsi affirmé dans un discours relayé sur son compte Twitter fin février, pas peu fier de ses actions à la tête son Etat. En atteste également le titre de ses mémoires : Le Courage d’être libre : la Floride comme modèle pour redresser l’Amérique.

L’application de sa politique, et la reprise en main du territoire d’une firme aussi influente que Disney, « permet à Ron DeSantis d’apparaître comme un homme politique à poigne, celui qui a fait plier Disney, et ainsi d’imposer une stature d’homme fort, une stature d’un homme qui n’aura pas peur sur la scène internationale », juge encore Jean-Eric Branaa. Un point fort pour la future bataille politique américaine. Toutefois, prévient le spécialiste, « le combat ne va pas se situer au niveau du conservatisme pour la présidentielle, mais au niveau évangélique ».