Primaire républicaine : Air Force One, punchlines et « Donald Duck »… On vous raconte le second débat télé
REPORTAGE Sept candidats, qui espèrent détrôner Donald Trump, ont croisé le fer sur la scène de la Reagan Library mercredi soir
- Les candidats à la primaire républicaine pour la présidentielle américaine de 2024 se sont retrouvés pour un deuxième débat télévisé mercredi soir, en Californie.
- DeSantis, Christie, Ramaswamy, Haley… Tout l’enjeu pour ces challengers est d’exister face à Donald Trump, archi-favori dans les sondages et grand absent des discussions mercredi.
- 20 Minutes était sur place et vous raconte les coulisses de la soirée à la Reagan Library, temple du Grand Old Party.
De notre correspondant aux Etats-Unis,
Une statue de Ronald Reagan, souriant, souhaite la bienvenue aux visiteurs. Pour la quatrième fois en cinq élections présidentielles, la Reagan Library, perchée sur une colline de Simi Valley, à 45 minutes à l’ouest de Los Angeles, accueillait mercredi soir un débat de la primaire républicaine. Comme celui de Milwaukee fin août, il s’est déroulé sans Donald Trump. Comptant entre 40 et 50 points d’avance sur ses adversaires dans les sondages, il a préféré aller voir des ouvriers de l’automobile en grève près de Détroit, les yeux déjà rivés sur une revanche face à Joe Biden. Ce qui ne l’a pas empêché de prendre des coups, avec des scuds tirés de tous les côtés, notamment par Ron DeSantis et Chris Christie.
Sur place, le parking du country club voisin qui déborde donne le ton : même sans Donald Trump, un débat présidentiel reste un rendez-vous incontournable pour les médias américains, avec environ 750 journalistes accrédités. Du coup, aucun journaliste n’a le droit de pénétrer dans le hangar « Air Force One », où est exposé le Boeing à bord duquel ont voyagé six présidents américains, de Richard Nixon à George W. Bush, et où la scène a été installée.
A peine le temps de prendre une photo qu’un garde moustachu nous escorte vers la sortie. Les médias sont entassés dans une tente voisine climatisée et suivent les échanges sur écran géant, comme aux Emmy Awards.
Donald Trump « missing in action »
Pour un conservateur, visiter la bibliothèque présidentielle Ronald Reagan est un pèlerinage incontournable. C’est là qu’est enterré le pourfendeur de l’Etat interventionniste et du communisme, comme le rappelle un pan du mur de Berlin exposé sur la terrasse – en 1987, Reagan avait lancé, depuis la porte de Brandebourg, « Mr. Gorbachev, tear down this wall ! » (M.Gorbachev, abattez ce mur). Mais le Grand Old Party (GOP) n’est plus le parti de Reagan mais bien celui de Donald Trump, qui écrase donc la compétition dans cette primaire à plus de 56 % d’intentions de vote, selon la moyenne des sondages.
Pour ses adversaires, la mission est presque impossible : ils doivent réussir à attaquer l’ancien président sans s’aliéner sa base. L’ancien gouverneur du New Jersey Chris Christie, qui avait conseillé Donald Trump en 2016, tente une première salve sur l’inflation : « L’administration de Donald Trump a ajouté 7.000 milliards de dollars à la dette, et celle de Joe Biden 5.000 milliards. Donald Trump se cache derrière les murs de ses clubs de golf et ne vient pas répondre aux questions des gens qui souffrent. » Ron DeSantis, qui n’arrête pas de chuter dans les sondages, de 30 % au printemps à 15 % aujourd’hui, embraie : « Donald Trump est missing in action » (« porté disparu »). Les 700 spectateurs présents dans le pavillon Air Force One – principalement des donateurs républicains et des amis de la fondation Reagan, avec entre 10 et 20 invités par candidat – applaudissent.
Union sacrée contre Vivek Ramaswamy
Avant de prétendre inquiéter Donald Trump, les candidats doivent déjà émerger de cette battle royale. Et davantage que Ron DeSantis, c’est l’entrepreneur Vivek Ramaswamy, surprenant 3e dans les sondages jusqu’à récemment, qui semble faire l’unanimité contre lui. Davantage réveillé qu’au précédent débat, Tim Scott, le seul sénateur républicain afro-américain, commence par attaquer les activités passées de Ramaswamy en Chine. Puis c’est Nikki Haley, boostée par sa dernière performance, qui le clashe lors d’une joute sur TikTok, qu’a récemment rejoint Vivek Ramaswamy pour aller « chercher les jeunes électeurs là où ils sont ». « Je suis en colère car TikTok est l’une des applis les plus dangereuses qui soit », commence l’ancienne gouverneure de Caroline du Sud. « Honnêtement, à chaque fois que je t’écoute (Vivek), je me sens un peu plus bête ».
Chris Christie revient à la charge sur Trump. L’ex-procureur fixe la caméra pour regarder l’ancien président droit dans les yeux :
« Donald, je sais que tu regardes, tu ne peux pas t’en empêcher. Tu n’es pas là ce soir. Pas à cause des sondages ou de tes inculpations. Tu n’es pas là car tu as peur d’être sur la scène et de défendre ton bilan. Tu esquives (« ducking », en V.O). Et si tu continues, on ne va plus t’appeler Donald Trump mais Donald… Duck ».
C’est le risque avec une punchline : qu’elle tombe complètement à plat. « C’est très difficile, car il faut les répéter mais les sortir au bon moment et qu’elles aient l’air spontanées », explique Aaron Kall, directeur des débats à l’université du Michigan, qui a remporté trois titres universitaires nationaux consécutifs entre 2020 et 2022.
Pour cet expert, « Ron DeSantis a été le meilleur (mercredi) soir. Il a été épargné et a pu mettre en avant ses succès électoraux en Floride. Mais même s’il a attaqué Trump au début, et à la fin sur l’avortement, c’était loin d’être suffisant pour changer la donne. » Kall conclut : « Tant qu’aucun candidat ne se détache, Donald Trump n’a aucun intérêt à prendre le risque de débattre. »