Otages de Daesh: «Dans tous les cas, les gouvernements concernés sont perdants»

INTERVIEW Pour Louis Caprioli, le groupe islamiste joue sur tous les tableaux afin de faire plier l’Occident ou, à défaut, de terroriser le monde avec de nouvelles images terrifiantes de décapitations...

A Tokyo un écran de télévision montre Kenji Goto deuxième otage japonais aux mains de Daesh, le 27 janvier 2015
A Tokyo un écran de télévision montre Kenji Goto deuxième otage japonais aux mains de Daesh, le 27 janvier 2015 — AFP

Les exigences de Daesh vont-elles être remplies? Alors que l’ultimatum lancé mardi par l’organisation islamiste doit expirer ce mercredi après-midi, le gouvernement jordanien s’est dit prêt à libérer Sajida Al-Rishawi, une djihadiste irakienne emprisonnée dans le royaume, si son pilote est «libéré sain et sauf». Daesh a en effet menacé mardi d'exécuter le pilote jordanien ainsi que le journaliste japonais Kenji Goto si l'Irakienne n'était pas libérée dans les 24 heures. Mais peut-on vraiment négocier avec les djihadistes de Daesh? Eléments de réponse avec Louis Caprioli, ancien responsable de la lutte contre le terrorisme à la DST et conseiller du président du groupe GEOS.

Si les demandes de Daesh -200 millions de dollars et la libération de la prisonnière irakienne- sont remplies, le groupe va-t-il libérer les otages?

Si les conditions posées sont remplies, il n’y a aucune raison pour que la libération des otages n’ait pas lieu. Les djihadistes de ce groupe s’estiment des êtres de parole, qui sont «respectueux» de leurs engagements, dans un sens comme dans l’autre. C’est une composante de leur attractivité auprès de leurs militants et sympathisants. Mais la difficulté, c’est que leurs exigences sont démesurées, et peuvent faire bloquer les gouvernements concernés.

D’autant plus que, même la libération des otages apparaîtrait comme un échec des occidentaux…

Tout à fait. Si les pays occidentaux cèdent, cela pourra être interprété comme la capacité des djihadistes de Daesh à faire plier l’Occident. Sans compter que ce sera la preuve qu’ils négocient avec les terroristes, alors qu’ils affichent leur intransigeance à leur égard. Dans ce cas là, Daesh aurait à la fois une victoire politique et médiatique. Dans tous les cas, les gouvernements concernés sont perdants: soit ils cèdent au chantage, soit ils voient leurs ressortissants mourir.

Quel est le plus grand intérêt des djihadistes: choquer avec des images de décapitations, faire relâcher des djihadistes ou récupérer l’argent des rançons?

Si Daesh peut récupérer de l’argent, ou voir la libération d’une djihadiste, il s’accommodera de la libération des otages. Dans le cas contraire, les images de décapitations montreront leur détermination. En fait, le groupe joue sur tous les tableaux: ils savent qu’ils ne peuvent avoir les deux, mais l’un ou l’autre leur suffit.

Ils ne veulent pas négocier un cessez-le-feu, ni jouer selon les règles des Occidentaux, mais selon leurs propres règles. Ils n’ont pas la volonté de faire des compromis, ils ne veulent que la victoire. C’est une démarche extrêmement simpliste, et extrêmement claire.