La Chine veut interdire les vêtements qui « heurtent les sentiments » de la population

Fashion police Pékin a concocté un projet de loi pour que les vêtements jugés « nuisibles à l’esprit du peuple chinois » soient passibles d’amendes, voire de peines d’emprisonnement

20 Minutes avec AFP
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Début septembre, une vidéo d'un homme de la ville de Shenzhen, interrogé par la police après s'être filmé en train de porter une jupe, est devenue virale. (PHOTO D'ILLUSTRATION)
Début septembre, une vidéo d'un homme de la ville de Shenzhen, interrogé par la police après s'être filmé en train de porter une jupe, est devenue virale. (PHOTO D'ILLUSTRATION) — Canva

La formule est vague. Très vague même. Pékin veut interdire les vêtements qui « heurtent les sentiments » de la population chinoise. Son récent projet de loi, qui laisse une large place à l’interprétation, intervient à la suite d'une intense polémique sur les réseaux sociaux chinois. Début septembre, une vidéo d’un homme habitant à Shenzhen, dans le sud du pays, interrogé par la police après s’être filmé en train de porter une jupe, est devenue virale.

De nombreux internautes ont approuvé l’intervention des forces de l’ordre, craignant que ce comportement ne « mette les gens mal à l’aise ». « C’est offensant pour la morale commune », a écrit un utilisateur de Weibo, le réseau social chinois. Surfant sur ces réactions, Pékin a préparé et présenté un projet de loi pour que les vêtements et les discours jugés « nuisibles à l’esprit du peuple chinois » ou qui « heurtent les sentiments » de la nation soient passibles d’amendes, voire de peines d’emprisonnement.

Des habits contraires à la « moralité »

Toutefois, le texte ne définit pas précisément les types de vêtements qui seront interdits. En Chine, les personnes portant des vêtements ou des banderoles transmettant des messages jugés controversés politiquement sont déjà régulièrement punies pour provocation de « disputes et de troubles ». Le projet vise à donner aux autorités davantage de pouvoir pour réprimer tout vêtement perçu comme contraire à la « moralité ».

Plusieurs juristes du pays se sont publiquement opposés au projet de loi, pour lequel la période de consultation publique va jusqu’au 30 septembre. Il conduirait à « une norme de punition trop vague, qui mènerait facilement à une extension arbitraire du champ d’application des sanctions administratives », a écrit Lao Dongyan, de l’université de Tsinghua, sur Weibo.

Les kimonos de la discorde

De nombreuses personnes attribuent cette réforme aux incidents nés du port de vêtements japonais dans des lieux historiques ou lors de journées commémoratives. En 2021, le tabloïd étatique Global Times avait affirmé qu’une femme avait été « sévèrement critiquée » après avoir porté un kimono en public le 13 décembre, jour de commémoration nationale des victimes des crimes de guerre commis par le Japon en 1937.

L’an dernier, une femme a déclaré avoir été arrêtée par la police alors qu’elle portait un kimono dans la ville de Suzhou (Est). « Si une personne porte un kimono (…) au mémorial des victimes du massacre de Nanjing par les envahisseurs japonais, je pense que cela causerait un préjudice psychologique important au peuple chinois », estime Yang Shuo, un programmeur âgé de 25 ans. Un tel acte « devrait être puni », fustige-t-il.