Brésil : En Amazonie, des cratères géants liés à la déforestation menacent d’engloutir une ville

EROSION D’immenses cratères, pouvant atteindre 70 mètres de profondeur, pourraient rayer de la carte Buriticupu d’ici 30 à 40 ans

20 Minutes avec AFP
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Un cratère géant à Buriticupu, au Brésil le 21 avril 2023.
Un cratère géant à Buriticupu, au Brésil le 21 avril 2023. — NELSON ALMEIDA

Chaque jour, le danger guette les habitants de Buriticupu. Au Brésil, cette bourgade de 70.000 habitants de l’Etat pauvre du Maranhao (nord-est), en Amazonie, pourrait en effet être rayée de la carte d’ici 30 à 40 ans, selon les experts.

A quelques mètres d’un précipice, Deusimar Batista fait ainsi sécher ses vêtements au soleil. Autour du jardin de cette femme de 54 ans, il ne reste plus rien : la maison voisine a été engloutie dans un immense cratère en contrebas et sa rue est méconnaissable. L’apparition de ces cratères géants, qui peuvent atteindre 70 mètres de profondeur, est un phénomène rare dû à une érosion exceptionnelle, dont l’ampleur est liée notamment à l’urbanisation sauvage et à l’augmentation de la déforestation ces dernières années.

L’état de « calamité publique » décrété

Il y en a 26 à Buriticupu, connus sous le nom de « voçorocas », terme qui signifie « terre déchirée » en langue indigène tupi-guarani. Vus du ciel, ils ressemblent à des canyons qui rognent peu à peu la ville. L’érosion débute par de simples fissures dans le sol, qui se creusent au fil du temps.

La mairie a décrété l’état de « calamité publique » le 26 avril dernier, et espère obtenir des fonds du Maranhao et du gouvernement fédéral pour commencer prochainement des travaux de contention. Depuis la formation du premier cratère, il y a une vingtaine d’années, sept personnes sont mortes en tombant dans des précipices et une cinquantaine de maisons ont été englouties. Environ 300 autres sont menacées, selon la mairie de cette commune qui a connu une forte expansion urbaine à partir des années 1970. Et à chaque fois qu’il pleut, les cratères se creusent un peu plus.

L’érosion des sols a des effets beaucoup plus dévastateurs qu’ailleurs à Buritucupu, en raison d’une expansion urbaine « non planifiée, avec un système d’assainissement des eaux défectueux », explique Augusto Carvalho Campos, géographe de l’Université fédérale du Maranhao et auteur d’une étude sur les voçorocas.

« Cela fait peur de vivre ici »

Autre facteur aggravant : la déforestation effrénée due à l’exploitation du bois ces dernières décennies a diminué drastiquement la capacité de rétention d’eau de ce sol sableux. « Il faudrait faire des travaux de contention, mais aussi replanter des arbres au bord des cratères », estime le géographe. La plupart des habitations étant privées de tout-à-l’égout, les eaux usées s’écoulent souvent dans les cratères, ce qui ne fait qu’empirer l’érosion. Le maire Joao Carlos Teixeira assure toutefois que « des travaux de drainage et de consolidation des sols » vont bientôt commencer.

Pas de quoi tranquilliser Maria dos Santos, 45 ans, qui vit tout près d’un des plus grands cratères de la ville, de plus de 60 mètres de profondeur, dans le quartier de Vila Isaias, l’un des plus touchés. « Ce cratère est apparu il y a trois ans. Cela fait peur de vivre ici, mais je n’ai pas le choix, je n’ai pas les moyens d’acheter une maison ailleurs », explique cette femme. Alors maintenant pour elle, à chaque orage, c’est l’angoisse.