Russie: Quel pouvoir pour Vladimir Poutine?
MONDE Celui qui avait déjà été président pendant huit ans a retrouvé le Kremlin. Pour combien de temps?
Tirs de canon, tapis rouge et défilé militaire. La Fédération de Russie a vu les choses en grand, lundi, pour l’investiture de Vladimir Poutine en tant que chef de l’Etat. Voilà donc revenir au Kremlin celui qui avait quitté la présidence en 2008, au profit de Dmitri Medvedev. Entre-temps, Vladimir Poutine a occupé le poste de Premier ministre et a pu bénéficier d’une modification de la constitution, qui a porté de quatre à six ans la durée d’un mandat présidentiel.
La constitution russe autorise le Président à exercer deux mandats consécutifs puis à se représenter, après avoir observé une «pause». «Vu son mode d’exercice du pouvoir, on peut imaginer que Vladimir Poutine se fera réélire en 2018, jusqu’en 2024», indique à 20 Minutes Françoise Daucé, maître de conférence à l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand et chercheuse au Centre d'Etudes des mondes russe, caucasien et centre-européen (Cercec). Pour ensuite redevenir Premier ministre, et briguer à nouveau la présidence en 2030? «La constitution l’y autorise», note la spécialiste de la Russie contemporaine, «mais sera-ce possible?».
Risque d’une radicalisation de la contestation
«Le mouvement de cet hiver [des milliers de Russes ont manifesté en décembre pour protester contre le résultat des législatives, remportées par le parti de Poutine] a montré qu’une contestation existait dans le pays, qu’une frange de la population était mécontente de l’exercice du pouvoir», poursuit l’universitaire. Pour Françoise Daucé, ces manifestants sont pour beaucoup des «jeunes, des représentants d’une génération qui n’a pas connu l’ère soviétique, et qui aspire à la démocratie». Pendant ces prochaines années, l’enjeu est donc de «voir comment le pouvoir va réagir» face à cette contestation, continue la chercheuse, qui pointe «le risque d’une radicalisation des deux côtés».
Surtout, continue la spécialiste, le pouvoir se maintient «non seulement par la répression de la contestation» mais aussi «grâce à un clientélisme et un paternalisme – une sorte de rétribution des puissants en échange de leur loyauté politique». Ainsi, une conjoncture économique favorable est capitale pour que Vladimir Poutine reste au sommet.
Achat de la loyauté politique
Aujourd’hui, «les prix des matières premières sont élevés» et le «gaz et le pétrole assurent d’importantes entrées d’argent». «Tant que le pouvoir a autant de ressources, il peut acheter la loyauté politique de certains», estime la chercheuse. Mais si la situation économique se dégrade…
Or de multiples indices laissent présager un affaiblissement de l’économie russe: la corruption va crescendo – 300 milliards de dollars s’envoleraient chaque année dans les pots de vin -, les moins de 30 ans partent aujourd’hui plus facilement vivre à l’étranger et la démographie s’effondre, malgré un léger regain de natalité en 2011. Autant de signes qui font penser que la présidence de Vladimir Poutine sera peut-être moins douce que lors de sa première prise de fonction, il y a 12 ans.